Acte de naissance Fondées en 1984 par Jacques Guigou, Les éditions de l'impliqué cherchent à créer une pratique critique de l'écriture, du livre et des supports multimédias. Bien que les premiers titres publiés soient des brochures et un ouvrage de l'individu fondateur, elles ne se veulent pas exclusivement consacrées à l'autoédition. Le domaine éditorial visé se situe à la jonction possible/impossible de la praxis et de la poésie. C'est dire en deux mots - mais quel projet dans ces deux mots! - que sont accueillis avec une amitié critique les efforts de celles et de ceux qui ne se satisfont pas de l'existant et de ses réthoriques littéraires ou scientifiques. Sur le versant de la praxis, les mises en perspectives historiques des deux derniers moments révolutionnaires du XXe siècle (celui des Conseils ouvriers des années vingt en Europe et celui des "contestations" des années 60) feront l'objet des prochaines publications. Les processus d'individualisation du rapport social par la recomposition démocratiste du capital dans les années 80, constituent la matière de livres à venir, à la fois sur le terrain des luttes et dans la théorie. L'utopie et son institutionnalisation contradictoire jusque dans l'individu-auteur, doivent écrire le contenu du livre. La poésie et l'activité critique contiennent ce qui doit être aboli par la prochaine période révolutionnaire. Encore faut-il que soient élucidées les traces fragiles de ce cheminement. Pour l'instant, en 1989, la fabrication, la diffusion et la distribution des titres sont assurées par ego. Pour le premier ouvrage, sur un tirage de 700 exemplaires, près de la moitié a été distribué. L'équilibre financier n'est bien évidemment pas assuré; il ne cherche pas à l'être d'ailleurs. Les épreuves sont composées et corrigées sur un système de PAO semi-professionnel. L'impression étant réalisée en coopération avec un petit atelier d'offset, l'ensemble des opérations de production du livre sont donc l'affaire des auteurs eux-mêmes s'ils le souhaitent. [Texte rédigé en 1987, JG] Statut juridique et commercial Les éditions de l'impliqué sont constituées en association selon le régime de la loi de 1901. Cette association a été enregistrée à la Préfecture de l'Hérault le 31 mars 1992 sous le n°3/17878. Inscription au Répertoire national des entreprises et de leurs établissements par l'INSEE N° SIREN 493 588 339 N° SIRET 493 588 339 00017
Indicatif d'éditeur attribué par L'AFNIL ISBN 2-906623
CORRESPONDANCE AVEC DES AUTEURS
AU SUJET DE LEURS MANUSCRITS
Monsieur André Tiano aux éditions de l'impliqué
Monsieur André Tiano 34 - Castries à Jacques Guigou Éditions de l'impliqué 34 - Montpellier
Monsieur, Je suis professeur de science économique à l'université de Montpellier I et j'ai l'honneur de vous envoyer la table des matières de mon treizième livre (7 publiés aux PUF, un chez Dunod et 2 chez Economica). Le titre vous surprendra peut-être mais j'ai voulu placer mon personnage sous le signe d'une double identification : celle d'avec son temps et l'ouvrage se situe dans le prolongement du livre de Tudesq, consacré aux grands notables, publié en 1964; mais aussi celle que le lecteur peut tenter avec lui-même; on ne s'identifie pas à Talleyrand, mais il est possible de la faire avec Villeneuve, que ce soit pendant la vie de tous les jours de la Révolution ou dans l'administration préfectorale ou même dans la vie Parlementaire et politique. C'est une biographie "de la vie de tous les jours"... On pourrait évidemment — dans un titre plus banal — mettre l'accent sur les aspects précurseurs du personnage : précurseur de la protection sociale (première loi sociale française, inspection du travail, sécurité sociale) et précurseur du catholicisme social. On pourrait aussi évoquer son non-conformisme en tant qu'économiste lorsqu'il prône l'intervention de l'État. Mais je ne consacre à chacun de ces deux aspects qu'un chapitre. L'administration préfectorale et la vie Parlementaire sont plus présentes avec la moitié du livre. Quoiqu'il en soit, cette biographie cherche, comme toutes les biographies, à faire passer en douceur une tranche de la vie historique de notre pays; c'est l'histoire administrative qui prédomine mais elle est égayée par les péripéties de l'occupation Napoléonienne à l'étranger, l'épuration de 1815, la révolution de 1830 à Lille et le complot de la duchesse de Berry. Le livre a plus une dimension provinciale (Montauban, Angoulème, Nancy, Nantes, Lille, Provence) qu'une dimension régionale bien qu'Alban soit né en Provence et qu'il y ait un hôtel Villeneuve-Bargemont à Montpellier. Si mon envoi vous permet d'envisager une publication, je suis à votre disposition pour vous envoyer un manuscrit. Je vous prie de croire à ma considération très distinguée. André Tiano
Les éditions de l'impliqué à Monsieur André TIANO
Montpellier, le 6 mai 1993
Monsieur,
nous avons été sensibles à votre geste nous proposant d'éditer votre ouvrage sur Alban de Villeneuve-Bargemont. Mais nous ne le ferons pas. En voici les raisons.
Pour autant qu'on puisse en juger par la seule lecture du titre, de la table des matières et du projet de quatrième de couverture, il semble que vous soyez parvenu à décrire, de manière substantielle et alerte, la vie et l'œuvre de ce grand notable. Les quelques faiblesses stylistiques ou complaisances modernistes que l'on peut relever dans le titrage de vos chapitres et sous-chapitres (tel ce jeu de mot archi-stéréotypé du chapitre huit qu'un élève de sixième ou qu'un présentateur de télévision chasserait sur le champ de sa copie ou de son micro) n'enlèvent que peu de chose à l'architecture réussie de l'ensemble.
Ce qui nous a conduit à ne pas vous proposer d'entreprendre l'édition de cette biographie porte sur l'orientation générale dans laquelle vous souhaitez voir s'engager votre lecteur; la compréhension que vous donnez aujourd'hui de votre personnage. Voici un «grand notable», avertit votre titre, mais «bien ordinaire, comme vous et moi», ajoutez-vous dans la quatrième de couverture. Voici donc un préfet éclairé, un catholique social, un député légitimiste artisan des premières lois sociales, bref, voici selon vous ce qu'aurait été un homme ordinaire au XIXe siècle et ce qu'il serait encore aujourd'hui : quelqu'un à qui d'autres hommes ordinaires pourraient, selon vous, s'identifier ... Là réside l'impensé majeur de votre conception de l'histoire, son absence de rigueur critique à l'égard de ce qu'a été la société de classe du XIXe siècle et à l'égard de la société démo-despotique d'aujourd'hui. En effet, si vous êtes assez bien inspiré pour attribuer à Villeneuve-Bargemont de nombreux qualificatifs qui caractérisent les divers moments de son action, vous devenez singulièrement muet lorsqu'il s'agirait d'en choisir un seul qui les subsume tous, celui de bourgeois.
Car si l'on peut désormais penser que le capitalisme, dans la seconde moitié du xxe siècle est parvenu a englober, en l'internisant grâce à des suppressions massives de travail vivant, l'ancienne classe ouvrière, c'est en sacrifiant la classe sociale qui l'a conduit à cette «victoire», à savoir, la bourgeoisie. S'il n'y a plus désormais de contradiction de classe, au sens de Marx, et que le paradigme de la révolution prolétarienne est devenu caduc, ce n'est pas pour les raisons qu'en donnent les contempteurs récents et actuels de Marx. C'est que la décomposition-recomposition de la société, après Mai 68, s'est réalisée au nom de l'ancienne classe du travail, en cherchant à unifier le rapport social sous la forme d'un individu-démocratique, d'un citoyen-d'entreprise, d'un consommateur-de-droits-de-l'homme, etc. Cette tendance à unifier toute la société dans une agrégation solidariste de particules n'est rien d'autre que ce que le consensus ambiant nomme «l'homme ordinaire, l'homme du quotidien, du temps présent, de l'actualité», etc ... En passant à la trappe la détermination de classe dans la vie et l'œuvre de votre héros — c'est aussi cela qui vous fait dire qu'on ne peut pas s'identifier à un Talleyrand — vous semblez cautionner le neo-qualunquisme dominant d'aujourd'hui, où, en effet, n'importe quelle particule de capital peut devenir préfet, ministre, manager, journaliste, universitaire, c'est à dire s'activer pour valoriser sa «ressource humaine».
Il n'en reste pas moins vrai que, pour la période de domination formelle du capital sur la société — en gros du premier Empire à la Première Guerre mondiale — celle-ci est divisée en deux classes antagonistes, dont l'une domine l'autre en exploitant sa force de travail; et qu'un notable comme Villeneuve-Bargemont, s'il n'a eu qu'une vie banale, ne pouvait pourtant pas être un ouvrier, ni un paysan, ni un artisan, encore moins une femme de bourgeois. Ce n'était donc pas un homme «ordinaire» comme le prétend le quotidiennisme au pouvoir aujourd'hui.
Croyez, Monsieur, que la sollicitude de notre critique ne dénote rien d'autre que toute l'attention que nous avons portée à votre projet. Avez-vous pensé à le soumettre à Christian Lacour, éditeur à Nîmes, qui a obtenu maintenant une juste renommé régionale et dont le catalogue couvre largement le champ qui est le votre dans cette biographie ?
Veuillez agréer, Monsieur, l'expression de nos salutations distinguées.
Jacques Guigou
Montpellier, le 21 juillet 2001
Nicole Robert 1 rue Saint Firmin 34000 Montpellier
Madame,
Nous ne publierons pas votre recueil : Le feu sous la peau .
Vous avez choisi un domaine, l’érotique, qui a été et reste parmi les plus difficiles de toute l’histoire de la poésie. Même chez les plus grands qui s’y sont affrontés — Villon Baudelaire, Apollinaire, Saint-John Perse, — leurs « poèmes érotiques » sont loin d’atteindre le lyrisme de leurs œuvres majeures ; poèmes où, alors, la transfiguration de l’expérience sexuelle s’exprime avec infiniment plus d’intensité que lorsque par ailleurs, ils cherchèrent à l’exprimer directement pour en « faire de la poésie ». Ainsi, chez Apollinaire quel écart en une seule strophe d’Alcools et les plats et lassants « poèmes à Madeleine » ! Et lorsque n’y tenant plus, il se lance dans une narration érotique : Les onze mille verges, c’est bien évidemment en prose qu’il l’écrit.
Ainsi, parce qu’elle ne se prête que malaisément à la description immédiate d’un vécu, la poésie manifeste une sorte de résistance au langage du désir amoureux. Parmi les contemporains, Gilbert Lely est un de ceux qui, à nos yeux a su quelque peu contourner cette résistance. Et pourtant, il n’a pas voulu joindre ses poèmes érotiques (Kidama Vivila) lors de l’édition de ses œuvres complètes (La Différence, 1977).
Bref, malgré une ou deux visions (« son souffle de fougère », p.18) vous restez trop assujettie à la description immédiate sans pour autant rejoindre ce « matérialisme spirituel » que Breton voulait accomplir pour dire le choc amoureux à l’état naissant. Page 25, vos « cui-cui célestes » ne semblent pas de cet ordre-là…Un poème qui se veut « érotique » n’est ni un script de vidéo sensuelle, ni un compte rendu d’entretien psychologique. Et puis pensez à passer votre écrit « au gueuloir » afin d’entendre son rythme, sa cadence, sa musique. Cette épreuve, surtout si vous souhaitez en faire un « spectacle » est toujours sévère pour qui — toutes et tous les humains —prétend à la poésie.
Mais retenons aussi le conseil de Tristan Tzara : « Ne désespérez pas, faites infuser davantage » (Grains et issues) …
Avec nos salutations les meilleures.
Montpellier, le 2 octobre 2001
Madame Véronique BERTHOT
Montpellier
Madame,
Veuillez trouver ci-joint votre manuscrit : « Promenons nous chez Eros » (sic). Il nous arrive de publier de la poésie. Nous n’éditons jamais de la littérature, a fortiori lorsqu’elle se veut « poético-érotique ».
Avec nos salutations distinguées
Pour le Comité de lecture
Jacques Guigou
Montpellier, le 12 février 1999
Pierre-Gérard PARDESSUS
2 rue Théza
66100 PERPIGNAN
Monsieur,
Ayant maintenant reçu les avis convergents de plusieurs de nos lecteurs, nous sommes en mesure de vous dire que nous ne retenons pas votre ouvrage, Le chant du signe, dans notre catalogue. Parmi les commentaires formulés à son propos, nous avons retenu les critiques suivantes :
1- Votre projet d’une critique des fonctions idéologiques de la musique en référence quasi exclusive au structuralisme (Barthes étant pour vous l’alpha et l’oméga de votre position) ne peut pas déboucher sur autre chose que sur l’affirmation abstraite et déhistoricisée : musique = idéologie. En convoquant, comme vous le faites, une multitude de citation hétéroclites — reproduisant en cela la combinatoire factice des musiques contemporaines — allant de la philosophie antique à la sémiologie moderniste, vous évitez de vous engager dans ce qui pourrait être une observation des modes d’action des musiques aujourd’hui et dans une analyse de leurs effets sur les conduites individuelles et collectives. Car pour entreprendre cela, il vous faudrait vous libérer des modèles structuralo-linguistiques des années 60 et 70 – ces rhétoriques de l’existant — qui n’ont rien critiqué de leur temps puisqu’ils ont contribué à la décomposition-recomposition moderniste de la société un moment ébranlée par les mouvements révolutionnaires de cette période. Ainsi Barthes ferraillant contre le soi-disant « fascisme » de l’ancienne langue du capital célébrait-il, de fait, la combinatoire hédoniste des « textes », et appelait-il finalement de ses voeux ce « traitement de texte » qu’allait réaliser moins de vingt ans plus tard la numérisation absolue de la langue.
Pas plus que la langue, la musique n’est « finie ». Particularisée dans la World music, la techno ou Radio classic, elle continue en reniant ce qui dès son origine fut son utopie : la poésie. Peut-être était-ce là ce que vous cherchiez en osant votre geste politico-chevelu, ce jour de concert de Miles Davis, dont nous lisons avec bonheur le récit aux pages 140 à 142 de votre livre ? Poursuivez, poursuivez donc dans cette veine...
2- Francis Pagnon est, à notre connaissance, le dernier à avoir entrepris une critique politique « de la musique de masse comme idéologie totalitaire », pour reprendre ici le titre même du premier chapitre de son livre : En évoquant Wagner. La musique comme mensonge et comme vérité. Champ Libre, 1981. Nous y trouvons une remarquable mise en perspective historique des contradictions de la musique dans la société de classe moderne ( comme instrumentalisation de la domination bourgeoise mais aussi comme puissance d’accomplissement pour le devenir-communauté humaine du prolétariat ). Mais en se fixant le programme communiste (le communisme des conseils ouvriers) comme horizon et l’action prolétarienne comme moyen, Pagnon, à l’image des situationnistes et davantage encore des pro-situs, sombre dans le nihilisme esthétisant qui règne dans la société capitalisée d’aujourd’hui. Croyant encore avoir à faire à une médiation, les critiques de la musiques comme idéologie se trompent de période. Les musiques d’aujourd’hui (pluriel nécessaire) sont des immédiatismes techno-subjectifs, des prothèses de survie, et c’est aussi ce qui fait leur puissance d’aliénation « douce ». [ Avec quelques individus, j’ai développé ces perspectives sur les conditions de l’activité critique après 1968, dans une revue :Temps critiques ( L’impliqué ) dont je joins un numéro récent à la présente]
3- Votre titre exprime, à nos yeux, les impasses théoriques dans lesquelles vous vous trouvez. « Le chant du signe » ! Qu’une pensée qui se veut critique choisisse pour emblème un jeu de mot si éculé ( a fortiori, si vous le donnez comme au second ou au énième degré) que même la moins roublarde des agences de publicité refuserait et que le plus moderniste des journalistes de Libération n’oserait plus proposer, illustre le naufrage de la critique idéologique structuralo-lacano-linguistique dans. le bruit du capital aujourd’hui. Autonomisé de son ancien contenu historique (les signes de la domination de la classe des propriétaires), le signe ne se manifeste plus désormais que dans l’imagerie virtuelle des signaux et de leurs mesures : signaux sonores et signaux-video...
Voilà quelques éléments de lecture de votre ouvrage, qui vous le constatez, mérite la critique ce qui signifie pour nous qu’il contient les germes de son dépassement dans votre « livre à venir » ...
Cordiales salutations.
Jacques GUIGOU
Montpellier, le 17 janvier 2011
Madame Jacqueline ASSAEL BP 85 13262 Marseille cedex 07
Madame. Votre essai sur la poésie de Frédéric-Jacques Temple ayant été lu par notre comité, le temps est venu de vous faire part de nos remarques. Vous avez su distiller avec empathie l’essence des poèmes majeurs de cette œuvre. Les grands thèmes du poète montpelliérain — la mémoire, l’enfance, la nature, les voyages, la mort, le corps, la fidélité aux êtres humains rencontrés — sont présentés avec une justesse qui, sans s’écarter du texte, n’en reste pas pour autant dépendante. Les citations qui viennent appuyer votre argumentation ou qui illustrent vos commentaires sont, le plus souvent, judicieusement choisies. Écrit dans un style clair sans pour autant être sommaire, votre essai appelle cependant à nos yeux quelques corrections basiques. Nous visons-là certains jeux de mots aussi inconsistants que banalement familiers qui tranchent avec le ton général soutenu de votre écrit. Jugez-en : p.10 « Dans ce Temple j’entends résonner… » p.11 « Eucharistie poétique qui ne renonce pas à se mettre en Cène » p.19 « //dans un verre (et non un vers)... » Bien évidemment, ce ne sont pas ces détails qui nous conduisent à ne pas éditer votre essai. C’est l’interprétation générale de la poésie de JFT que vous énoncez qui nous apparaît contestable et qu’en tout cas, nous ne partageons pas. Voici pourquoi. Vous proposez une lecture religieuse et plus précisément chrétienne de la poésie de Frédéric Jacques Temple qui à nos yeux est absente de l’œuvre. Une œuvre dans laquelle le sacré se manifeste dans toute sa matérialité sensible, mais une œuvre éloignée de toute forme de religiosité. Certes, vous prenez acte des nombreuses négations de Dieu et des dieux qui parcourent cette poésie ; vous ne passez pas sous silence ses dimensions « naturalistes », son exaltation du paganisme, ses convictions humanistes, son souci de se relier à « l’homme de la caverne » comme à tout le vivant. Vous précisez avec raison que la démarche de FJT « n’est pas une quête mystique » (p.15). Vous suggérez qu’il puisse s’agir de « l’extase matérielle » chère à Le Clézio. Certes... Mais dans le même mouvement, vous rabattez les poèmes de FJT sur le paradigme religieux et notamment sur des métaphores chrétiennes. Vous procédez à une sorte de christianisation de l’auteur de La chasse infinie. On vous devine tentée de le baptiser une seconde fois ! Voici quelques exemples de cette rhétorique : - p.3 à 5, vous introduisez les métaphores de « l’eucharistie », de la « résurrection de la chair », de « l’hostie » qui vous semblent appropriées pour exprimer les bonheurs de l’enfance ou l’immersion dans une nature luxuriante et rayonnante. Ayant relevé « la subversion des représentations religieuses » qu’opère l’auteur, vous cherchez aussitôt à vous en débarrasser en réintroduisant des références religieuses : « Dieu ressuscité » (p.4), « eucharistie poétique » (p.5). Le chant des joies plénières de l’enfance du poète ne vous comble pas, il y manquerait « la grâce » (p.5) ; alors que se manifeste sa mystification dans « une religion poétique de l’enfance » (p.5). Posant comme dogme « primordial » que Dieu est un sujet « par nature évident » (p.7), vous chercher alors dans nombre de strophes une référence à Dieu, à ses figures, à ses représentations. Dès lors, « L’auroch » ancestral ne peut être que relié au « bœuf de la crèche » (p.13) ; il vous faut, grâce à l’autorité d’un verset biblique, absoudre FJT de son propos « blasphématoire » lorsqu'il écrit « Le linge//de l’ange//lange//le singe » (p.15). La complainte — mémoire vivante et poignante sur les morts de Monte Cassino (« J’avais vingt ans... » ) — devient une « prière » ou bien ailleurs une « eucharistie » (p.10). Dans la même veine, on peut lire, p.14, à propos du « ciel virginal » que la virginité d’un être ou d’un élément de la nature et de la vie ne peut être questionnée « hors la mariologie » ! L’intentionalité religieuse que vous attribuez à la poésie de FJT vous conduit à sous-estimer le réalisme lyrique immanent qui la traverse. Si vous évoquez le « naturalisme » qui, en effet, est partout présent, c’est davantage dans les écrits romanesques ou les récits que vous y trouvez un écho. Or vous écrivez un essai sur la poésie de FJT comme le mentionne clairement le sous-titre de votre livre. Les magnifiques strophes sur les voyages (« j'ai vu les entrailles du monde s’ouvrir sous le bec des carènes » et sur les paysages du monde méritent mieux que quelques pages, certes bienvenues, mais insuffisamment commentées. Le Temple poète du Sud ne vous inspire-t-il pas ? Il est vrai que ces « Villages de lagunes.… la mer berçant la nuit met du sel aux lèvres des filles... » ne soulèvent aucunes questions théologiques. Espérant que l’explicitation de notre décision témoigne, à vos yeux, de l’intérêt que nous avons pris à vous lire, et en souhaitant que vous trouviez un autre éditeur car votre livre le mérite, nous vous prions de recevoir nos salutations les meilleures.