Désir d’écrire Désir écrit dans mon corps Mon corps t’écrit désir Je fais corps avec la machine je suis un corps-machine-à-écrire J’écris la jouissance de mon corps-machine machine à créer du désir Toute la puissance de l’écriture rend mon désir éternel Flux frémissants des mots écrits des sons frappés des cris marqués au noir Énergie conçue et vécue à la fois mon corps d’écriture jouit Plaisir insensé que mon espace scriptural répand dans tout l’univers Caresses de la boule sur le duvet du papier le langage jaillit et mon corps éclate Mes mille membres meurtris sortent de la matrice Femmes et mots se mêlent Se lovent J’écris des mots femelles Mon corps d’écriture est un corps femelle Les femmes jouissent plus Pages remplies d’organes immobiles gorgées de sens prêtes à être sucées La musique bleutée de la machine précipite mon corps vers une extase multipliée Où suis-je quand j’écris ?
Dans un espace-temps collectif fait de ventres et de seins Lieu unique pourtant traversé d’histoires de groupes de visages Je veux écrire ces histoires avec mes lèvres Je rêve de lèvres-clavier La promenade des mes doigts sur les lèvres du clavier a le goût d’une immuable mobilité Chaque lettre effacée, chaque mot transformé sont comme des blessures d’où s’écoulent les angoisses blanchies de ma vie oubliée Texte abandonné au gré de mon plaisir tu rencontres des yeux de femmes et tu rugis Regarde-les te menacer puis te communiquer leurs réponses inattendues Être lu par des pubis rassemblés autour de mon corps d’écriture recevoir la sauvage passion de leur légitime rage pour renaître à présent dans le fracas des luttes afin que tous s’approprient leur écriture Cette machine écrit avec mon corps en transe
Saint-Égrève 12 février 1976
Fumées
Les fumées m’emportent dans leurs secrètes ténèbres et m’abolissent Je suis dans ton sein noir comme un spasme naissant étourdi par la vie qui m’entraîne au-delà du plaisir La matérialité de mon corps se dresse devant ton désir cosmique et tu ris Ta cuisse glisse sur le coussin puis éclate et répand sur mes lèvres son duvet impatient Des chocs arrondis bourdonnent aux franges de mes sens laminés Je devine tes stratégies invisibles sans parvenir à les devancer comme s’il s’agissait d’une lutte à mort Les communications établissent leurs sonorités dans le cercle blanchi de ton regard immense La musique de ton souffle accomplit la lancinante métamorphose de mes territoires d’enfant Comment multiplier tes mains qui me créent chaque fois différent et pourtant plus que moi-même ?
Rien n’est plus politique que ton étreinte J’aime la radicalité de tes gestes nus Ils ont comme un parfum de révolution sociale Plus dur est le conflit de nos bouches plus aiguës sont les crises qui nous mutilent Je danse pour toi une critique des bureaucraties réifiantes Les choses de ton amour se déploient en moi dans un orgasme économique La subversion de ta chair occupe tous mes espaces libérés La guérilla que me livre ta libido bleutée submerge mes positions les plus inaccessibles Mes barricades craquent comme des portes de prison Et voici que les Cent fleurs de ta nuque brûlante s’épanouissent comme le prolétariat mondial Quand je te sens proche les fumées disent plus que la vérité de notre histoire elles sont notre histoire toujours ouverte
Grenoble 4 septembre 1976
Fiévreuses traces
Tracé de toi Te tracer Trace-moi Espaces parcourus de ta jouissance épidémique Fièvres étranges qui me prennent et m’emportent dans les vertes vibrations de tes flux effervescents Tes éruptions me contaminent comme si leur contact endiablait mes sensitives nervures Joies piquées d’écharpes étoilées Transmutations crépusculaires Les grêlons de tes pigmentations intimes me labourent les chairs Tes confusions me comblent jusqu’à ces paroxysmes de l’instant où ton visage entrevu me transfigure Figure-toi que là, je ne cède rien à ton attendrissante nudité qui pourtant me métabolise Nos fièvres s’emmêlent comme des labyrinthes dont les sonorités mauves nous transfèrent leurs cosmiques harmonies Oblations archaïques de nos corps vertement reconnus Tu sais me découvrir de ton unique peau la précieuse passion
Je dirai nos tensions partagées et ce qui les balance Devant leurs innombrables vérités nos justes gestes installent leur rauque mélodie Les mouvances secrètes de ton mont de Vénus m’enivrent Les regards malicieux de tes seins me jettent dans les plus insondables ferveurs À chacune de tes inclinaisons vers moi je roule dans les combes de mes délicieuses perversions À chacun de tes appels je succombe comme ces anémones de mer qui lascivement s’abandonnent aux ondes émeraudes des origines Ta nuque nervurée irradie mes lèvres à la recherche de tes nids Les surgissements subtils des galops de ta chevelure de feu déroulent leurs lobes flamboyants dans des sentiers de braise Aucune halte dans mes parcours fiévreux L’entrechoc des traitements viendrait-il augmenter le volume des noyaux en fusion de mes planètes intérieures ?
Script rock
La machine qui se mit en route malgré lui laissa en blanc l’espace du titre et vint se placer sur la marge de la première ligne Il augmenta l’interligne comme pour se protéger par avance de l’angoisse qui l’étreignait toujours au premier tiers de la page là où s’articulent si douloureusement les pulsions de départ et les eaux dormantes du second souffle qui tarde d’arriver Une faute de frappe (il préférait cette expression faussement technique à celle plus culpabilisante de faute d’orthographe) repérée trop tard lui fit effacer deux mots interminablement longs et ceci dès la troisième ligne de ce texte insensé Il ne supportait pas lorsqu’il se plongeait corps et âme dans ces exercices scripturaires ( relatifs aux Écritures sacrées lui renvoya le Larousse ) Il conserva le terme en y reliant tout ce que l’écriture avait de sacré pour lui Il ne supportait pas la moindre erreur de dactylographie La page la ligne le mot la virgule devaient sortir du métabolisme corps-machine tels qu’il les voyait définitivement imprimés sur du papier de luxe à des centaines de milliers ( avec ou sans s se demanda-t-il impatient de voir cette phrase se terminer ) d’exemplaires
La parenthèse sur l’s de millier lui déplut sur le le champ Il dut faire un effort énorme pour surmonter ce déplaisir et c’est seulement au regard de la surface déjà tracée de sa première page qu’il abandonna l’effort de recopier la page entière Pourtant cela lui était souvent indispensable pour aller plus avant dans son désir d’écrire Il lui arriva même de retaper deux ou trois pages d’un texte écrit plusieurs années auparavant et pour lequel il éprouvait encore un plaisir sensuel avant de pouvoir commencer à créer la moindre idée Voilà qu’il entamait une seconde page et que la machine ronronnait à vide depuis une bonne dizaine de minutes Inconsciemment il s’était levé et se retrouva lorsqu’il revint à lui en train de lire ( il n'y a pas de hasard se répétait-il encore une fois sans se convaincre totalement ) un de ces anti-auteurs qui avaient partiellement accompli à ses yeux la négation de la négation du style un situationniste Gianfranco Sanguinetti et son Véridique rapport sur les dernières chances de sauver le capitalisme en Italie Il se méprisait de fétichiser à ce point l’écriture des situationnistes mais summum jus summa injuria il rechercha en vain la formule qui lui permettrait de rebondir et de tenir la distance le nez au vent
Des picotements aigus s’installèrent dans son œil gauche Il tourna la tête vers le réveil Une heure trente Il se reprocha d’avoir commencé à s’asseoir devant la machine trop tardivement Une nouvelle fois debout il arpentait mainte- nant la pièce à grandes enjambées (il s’étonna de parvenir à écrire sans s’emmêler les doigts sur le clavier ce terme de grandes enjambées qu’il n’avait jamais dactylographié au cours de ses plus de dix années de dactylographe amateur mais contraint de l’être ) lorsqu’un flash lui traversa le corps script rock Il tenait son titre Il le cria plusieurs fois comme une giclée d’air pur sur le béton du hlm « Difficile à prononcer pensa-t-il tant mieux » De 21 à 22 heures il avait écouté au casque et à pleine gomme le dernier disque de Neil Young dans l’émission rock de France Inter Allongé sur le tapis algérien (c’était important pour lui d’écrire algérien) il s’était entendu et vu en train de mettre en bande-son le « poème » qu'il avait narcissiquement rédigé l’avant- dernière nuit Il ne put s’empêcher de le lire et d’en citer un court extrait « Fulgurante pulsion de ma négativité étoilée nos sens en lutte accomplissent leurs trajets aussi loin que les porte l’énergie de nos regards complices
J’habite les sablonneuses mouvances de tes terres centrales les places dépavées de tes métropoles un soir d’émeute les faubourgs obscurcis de tes capitales assiégées Tous mes émois rivaux s’entrechoquent éperdument jusqu’à recomposer d’identiques images à ces mots solitaires » Le rouleau-film de son hermès Ambassador s’enraya à l’instant même où il commençait à intercaler entre les deux dernières phrases de son « poème » les figures les plus passionnées d’une ancienne lettre d’amour dont il ne lui restait plus que le manuscrit qu’il relut avec une vive jouissance Les flux d’écriture se bousculaient maintenant jusqu’aux extrémités de ses jambes engourdies Il injuria mentalement les Autorités qui lui avaient interdit l’usage de cette ibm à boule et à touche effaceuse dont il avait pris l’habitude et qui lui permettait de transcrire plus rapidement ces moments d’accélération Il grimaça en soulevant davantage la règle presse-papier du dessus du rouleau de la machine ce qui lui permis de relire plus com- plètement sa dernière phrase Il dut à nouveau frapper le mot phrase dont il venait pourtant de chercher un équivalent dans le Larousse analogique ce qui lui avait fait perdre au moins trois idées impeccablement rédigées dans son esprit
Avec une rage compulsive il reprit le diction- naire et relut rituellement les mêmes définitions « phrase voir langage grammaire style parler » Il savait que parfois cette pratique maniaco- magique lui permet de retrouver les mots un instant perdus Aucun déclic de sa mémoire ne se produisit ce soir-là Sa tête était désormais vide son œil droit s’irritait aussi Il eut encore beaucoup de mal à formuler les dernières résonances qui s’assourdissaient nota- blement d’autant plus qu’il multipliait les erreurs de frappe et que son dernier morceau de papier effaceur venait de s’épuiser Il mobilisa toute l’attention qui lui restait pour frapper ces mots sans faute Il alla boire un jus de fruit et à son retour trouva con de terminer son opéra-script-rock sur le mot faute Des fantasmes sur son passé scolaire et religieux le traversèrent boy-scout de l’écriture fonctionnaire au rapport rédacteur professionnel autant d'images de lui qu’il repoussait violemment Il trouva pourtant un certain apaisement dans la seconde moitié de cette page quatre alors que le sommeil le gagnait pour de bon cette fois Ce qu’il aimait par-dessus tout c’était de prolonger cette douce incertitude sur l’inachèvement absolu de tous ses textes
Grenoble 8 septembre 1978
Agnostiques émois
La houle profonde de ta voix me submerge voluptueusement Je respire tes mots bleuis par le bouillonnement d’une chute infinie Errances impassibles mon corps se noue dans les frissons d’une mortelle sécheresse Au-delà plus rien La vivacité du mouvement de ses lèvres incandescentes surprit tous les observateurs encore une fois en retard d’une révolution Subtile la courbure de ses reins présentait une face nouvelle du devenir principal de la contradiction secondaire Rien ne sera perdu de mes terreurs passées Le peuple se souvient La saveur ocre de ton souffle me conduit jusqu’au point le plus chaud de la crise institutionnelle généralisée Trois fois le soleil du soir s’immobilisa sur sa chevelure calmement déployée sur le vieux bois ciré comme pour mieux lui signifier son impériale présence Échec et mat à la séduction ! La pièce quoique inachevée se réduit à la dimension de mes larmes
Le sol s’affaisse sous mes pas Je rêve que l’État s’effrite grignoté par la soudaine percée des maquisards de l’ombre Fulgurante pulsion de ma négativité étoilée nos sens en lutte accomplissent leurs trajets aussi loin que les porte l’énergie secrète de nos regards complices J’habite les sablonneuses mouvances de tes terres centrales les places dépavées de tes métropoles un soir d’émeute les faubourgs obscurcis de tes capitales assiégées Tous mes émois rivaux s’entrechoquent éperdument jusqu’à recomposer d’identiques images à ces mots solitaires
5 septembre 1978
Railways blues
T’avoir au toucher de tes mots sensuels et nomades Te voir dans les miroirs bleutés de nos sonores étreintes J’ouvre des yeux d’enfants sur tes célestes songes Ta langue porte en moi les avides transformations de nos corps métabolisés possédés Les étourdissements de mes sens sollicités m’aspirent dans ta fugue en spirale Nos peaux dilatées dessinent les nouveaux confins de tes territoires inexplorés de mes durées insoupçonnées Parviendrai-je à dépasser mes peurs ? Rencontres de nos voix portées au blanc par les embrasements de nos forges secrètes J’entends tes cris blessés comme un noyau qui fait éclater son fruit Ta main palpite sur mes symboles les plus singuliers comme pour déplacer leur univoque trace L’intensité des senteurs de l’été t’anticipe Le pays étatisé défile derrière ces carreaux ferroviaires Peste bureaucratique Quadrillage des mémoires paysannes surgelées
Terres chloroformées dans leur désir de différence je vous sais insurgées comme les émois de ta nuque sous mes lèvres Les étranges familiarités de nos voyages confondus amplifient les échos de nos aires clandestines
Élans privés divans publics
Les torpeurs qui l’envahissaient aux instants les plus aigus de ses rencontres lui interdisaient toute lucidité Il s’efforçait pourtant de parcourir les voies obscures de ses désirs poussé par l’aveuglante confiance de ses sens en éveil Ainsi se forgeait dans son esprit le projet de ce texte dans le texte de cette écriture sous la ligne à la fois image et signe raison et déraison Il luttait contre lui-même pour ne pas assouvir ces pulsions contraires qui le traversaient douloureusement Il cherchait à maintenir une certaine frustration un manque
Compulsivement il accumulait des séries de traces possibles de matériaux divers susceptibles de lui permettre de construire cette recherche dont il saisissait mal encore l’impact objectif Plongé jusqu’à s’en étourdir de fatigue dans ses flux d’écriture halluciné il s’attachait à faire tenir ensemble à faire se rencontrer les deux extrémités de cette chaîne associative et cognitive dont il se sentait porteur Pourquoi l’approfondissement d’une analyse institutionnelle des formes contemporaines des rencontres se présentait-il à lui de manière aussi impérativement vitale ? Certes il traversait une phase libidinale particulièrement dure Blessures narcissiques abandonnisme affects négatifs envers lui-même et sarcasmes exacerbés étaient son lot depuis quelques semaines Pour l’instant il lisait furieusement tout ce qui dans sa bibliothèque pouvait avoir une relation même indirecte avec des expériences ou des réflexions socio-historiques et psychanalytiques sur les rencontres Il dépouillait ainsi toutes ses collections de revues à la recherche de récits de rencontres pures de rencontres archétypales
c’est-à-dire de mouvements sociaux qui s’accomplissent dans une utopie communautaire faite réalité
Ses longs entretiens avec son éditeur sur le mode de production communautaire conçu comme le dépassement dialectique du mode de production étatique aujourd’hui dominant l’avait mobilisé sur certains aspects de ses études d’ethnologie qui refaisaient alors surface
Les échanges du Kula des Trobiandais ou du Potlatch des tribus amérindiennes l’enchantaient Il se promit d’y revenir sérieusement mais non exclusivement conscient des limites des recherches anthropologiques dans ce domaine En quoi ces références ou mieux ces repères biobibliographiques l’éloignaient-ils de son projet d’écriture impliquée dans l’écriture objectivée ?
Cela le conduit à reprendre certains fragments d’une longue lettre qu’il s’écrivait à lui-même régulièrement depuis quelques mois Il décida des fragments ci-dessous hypothétiquement choisis en rapport avec ses projets théoriques actuels
« Dans mon économie pulsionnelle je suis en équilibre instable en balancement entre une
pulsion de conservation maximum de l’amour maternel et une pulsion de transformation de cet amour possessif en élan vital et créateur pour moi créateur de moi Je peux avoir un rire plein et chaud ça m’a été dit plusieurs fois mais aussi un rire vide et froid Cette ambivalence de mon rire ( il m’enchante et me fait peur ) c’est aussi l’ambivalence que j’éprouve à l’égard de l'image de moi »
Son fétichisme de la rencontre lui paraissait douteux et pourtant nécessaire pour comprendre de l’intérieur les violentes secousses de ce séisme social et corporel Sur la fin de cette mise en train textuelle il ne parvenait plus à distinguer ce qui était du-dessous et ce qui était du-dessus de la ligne de son écriture Parvenu au terme de sa première partie il se mit à prolonger ses élans initiaux sans se départir des subtiles conduites selon lesquelles il se livrait publiquement ou se retirait secrètement Voila bien la manière qu’il avait d’agir dans ses rencontres Portées à leur plus haut point d’incandescence elles lui apportaient toujours plus d’ardeurs dont l’indécence le réjouissait
Entre ses élans privés et ses divans publics il n’y avait que l’espace d’une lettre aime
L’être-fusion lettre aficion
Ton corps me parle et me submerge J’étouffe dans ton ventre qui se tend sous mon désir Ta langue sort de tes lèvres fiévreuses et me communique sa pulsion immodérée Tous mes sens éclatent en toi comme si le monde m’appartenait… Pleurs de plaisirs Larmes de joie animale s’échappent de nos visages transformés Je te pénètre avec une volupté de femelle car c’est toi qui m’aspire Ta gorge ronfle d’une passion infinie Le temps s’est dissous nous sommes comme ces figurines de bronze africaines soudés pour l’éternité La fureur de mon orgasme s’amplifie dans le tien Mes mains d’automate caressent tes seins veloutés Nos cris entremêlent leurs doigts et nos souffles rougissent Les bleus de l’air nous enveloppent comme dans un envol Ton pubis palpite jusqu’au tréfonds de mon âme Tu me possèdes et je jouis Nos bouches convulsées parlent un langage sans mot Nous sommes au-delà du verbe Les mouvements de tes reins m’entrainent sur l’océan de mille formes assemblées autour de mon plaisir unique
Je t’abandonne tout pour recevoir toute ton énergie J’aime ce que tu me donnes Tu es ma source et je te bois par tous mes orifices Les images de tes soupirs se superposent maintenant dans mon regard ébloui Nos temps de séparation salutaire préparent nos fusions futures L’espace de la mort vient traverser nos corps et le ciel s’agrandit Je t’ai déjà perdu pour mieux te découvrir te voir vivre et créer et jouir Ta liberté m’enivre comme un champagne acide Tes mains effleurent mon visage comme pour modeler les terres de mes émotions ignorées Je distingue ta voix qui distille mon corps
Danse sur ton bon mot
Tu m’abondances Je corne ta béance Ah bon dansons maintenant ! Brassées de tes jeux d’esprit bleus qui renversent de leurs singuliers parcours nos plénitudes croisées Vastes chevauchées sur les kyrielles de nos sensualités sonores À ces débordements gratuits de nos errances gravides tu me convies visiteuse de mes extrémités secrètes Et les prismes des dés jetés impriment à mes doigts comme des jaillissements de jade mêlés à la foi pulpée de tes lèvres séduites Lorsque les rebondissements de nos analogies agissent dans l’instant de leur élan premier alors tu m’amplifies alors je te liquéfie alors l’univers s’abolit dans nos passions rieuses Humoralement j’anticipe tes amoralités je recherche tes esprits fous je devine tes tensions fluides J’abonde à tes contacts fruités aux initiatives prestes de tes hanches qui jouent À danser ainsi sur ton bon mot voici qu’advient la lucide légèreté de nos orifices bondés
L’infusé radical
Retour à la machine Retour à sa matrice Les coins plissés de la housse de la machine dont le plastic avait été ramolli par le soleil orageux de cet après-midi de juin résistaient à son geste fiévreux
À peine mis à nu les caractères se bousculaient dans l’étroitesse du guide déposaient leurs traces de sens et venaient se ranger docilement sur l’énigmatique courbure des lettres sur leur châssis
Ce remplissage électro-mécanique de la page blanche par les caractères qu’il impulsait répondait-il à la vidange psychique de son caractère qui infusait ?
Il écarta très vite les débuts de réponse à la question comme si elle était posée à l’Autre plus qu’à lui- même
Plusieurs séries d’interprétations avaient déjà échappé à la noire exécution du film de carbone ce joyeux terroriste des signes qui s’accomplissent
Visiblement il fuyait dans l’esthétisme des demi-mots les tensions qui l’avaient irrésistiblement poussé vers sa machine quelques instants auparavant
L’ardente et cruelle ambivalence dans laquelle il flottait depuis plusieurs mois le transportait parfois incognito dans des états de conscience altérée qui cependant l’alertaient sur son altérité
Dissociations sécessions et succions l’entraînaient à cette finitude de l’être qui fusionne avec lui-même alors qu’il désirait tout donner à l’autre
Je ne vois pas de raison de mettre ce « tout » en capitales ni entre guillemets. Ce/mon caractère ne serait-il pas déjà assez visible ?
Piégé ? Suis-je piégé ? Mais où ai-je les pieds ? se demandait-il symboliquement
Symboliquement comme pour rire de ces effusions qu’il s’administrait à haute dose Il avait pourtant horreur des tisanes ça le faisait pisser la nuit Pisser la nuit des tas de copies comme celle-ci et bien d’autres aussi
Hémorragie du sens qui me met à mort/phose Rage des sens illuminés de rire J’enrage ton amour j’amourache ta rage
Dès la fin de la première page il s’aperçut qu’il allait mieux et que du « il » schizoïde j’en venais à écrire à la première personne Cela ne lui interdisait pas pour autant l’accès à ce registre sonore des tonalités subaiguës de la troisième personne
Un éclair le traversa pouvait-il écrire « elle » ? Je crois que oui me répondis-je sur le champ avec une grimace savoureuse et chaude
Cette séquence inspectroscopique s’achève provisoirement par un tendre abandon dans mon image solaire que me renvoie cette partie de fenêtre transformée en miroir par le volet à demi tiré
Le plan suivant une nature morte représentant une tisane fumante servie pour cinq personnes se perd dans un fondu déchaîné
Pourquoi les fondus ne se libéreraient-ils pas aussi de leurs chaînes ? Fondus de tous les pays unissez-vous Fondus c’est ainsi que dans les villages du Languedoc méditerranéen on désigne les jeunes lorsqu’ils expriment un peu de leur folie Ne fais pas le fondu au volant me disait ma mère lorsque je partais sans permis de conduire sur les chemins de traverse rejoindre mes amis du village voisin
Beaucoup plus tard à la suite d’un conflit institutionnel dans lequel j’avais été singulièrement impliqué l’autorité goguenarde m’interpella Et vous Monsieur Guigou êtes-vous demandeur ? Moi demandeur ? Dans ce genre d’affaires jamais Sachez qu’en l’occurrence ici je suis demandé
Et lorsque je ne suis pas demandé je prends aurais-je souhaité ajouter si mon sens ( trop lent ) de la répartie s’était accéléré ce jour-là
Ce qui infuse en moi ce sont mes racines Ce qui râle en moi ce sont mes confusions Ce qui diffuse en moi ce sont mes publications
Être radical c’est prendre les choses à la racine Inutile de relire Marx pour poser mon énigme il suffit de vivre ceci comment prendre des choses de mes racines et les faire me propulser ? Stratégie de la prise qui me défrise et me laisse flottant Stratégie de la crise qui me décrispe et me laisse rampant Stratégie de la brise qui me dégrise et me laisse rêvant
Du pratique ! Du pratique ! Du pratique ! réclamait la galerie En voici Lorsque je vous sers mes infusions pourquoi ces regards sceptiques sur la couleur du liquide alors que c’est de la température de la mixture dont je voudrais vous entretenir (b)voire vous entre/prendre ? À la tienne ! ma sœur messagère des dieux
ACTIVES AZEROLES
1981
Érotiques métamorphoses
De toutes tes manières de me pratiquer c’est ta buccale qui m’emballe Lorsque dans le mouvement de ton corps courbé par le désir tu respires ma vibrante vitalité j’ondule halluciné sur tes flots d’émeraudes Tu sors transfigurée de nos enlacements éternels Le souffle odorant de tous tes orifices dilatés m’aspire Je chemine enchanté par les découvertes de tes terroirs humides encouragé par tes envies les plus secrètes par tes sursauts les plus sensuels Je jalouse jusqu’à en mourir tes mains quand elles dorment comme si mes duvets impatients jaunissaient dans l’attente de leur réveil… Je m’allaite à tes haleines de volupté sucrée Tu sais me dire de tes humeurs rentrées la fulmineuse trace Entends-tu la poussée de tes sens tournoyants ? Tes musiques insolites m’inspirent Placé derrière toi comme pour t’aimanter les picotements des pores de ton dos électrisent mes lobes
À la rencontre de nos courants privés nos jambes se déploient sur leur princière couche Nous nous aimons debout En vérité dressés implantés unifiés Le cycle renaissant de nos spasmes révoltés nous signifie à vif les implosions de ses remue-ménages symboliques Quoi de plus vivifiant que nos étreintes jubilatoires ? Quoi de plus énergétisant que nos fredaines masticatoires ? Quoi de plus tonifiant que nos enceintes déambulatoires ? Au contact des utopies de ta gorge enflammée je dissous mes plus lointaines limites Plus tard quand dans tes raies j’irradie mes rayons nos êtres se convulsent nos aires se confondent Éclatants nos raptus se ressemblent Nos réversibilités nous unissent comme les noyaux jumeaux des azeroles de mon enfance La douce fertilité de ton amande émondée ensemence mes sols les plus arides Les failles archaïques de mes roches métamorphiques bouillonnent sous la minérale pression de ton Éros métaphorique Tout ça aussi pour nous à course déliée à bourse que veux-tu
Place ma faux lie
Déplacement des sens débridés sur mon chemin de midi Trouvailles translucides jaillissant aux rythmes de mes époumonements Tes époques ondoyantes me sédimentent comme ces affleurements de craies vives qui surgissent aux crêtes des terres de vignobles Paradoxes furtifs que l’immanence pratique de tes ligaments me procure Rester dans ce mouvement pour y affiner mon âme Puis délier mes doigts aux battements de tes cils aux arcs de tes pommettes aux arpèges de tes lèvres Oscillations secrètes et incantations subtiles se succèdent sans autre succédané que ton souffle syncopé À quoi rêve une faux qui déplace son ombre au sein de ces ronciers lacustres ? À quoi rêve une femme qui déplace son sein à l’ombre de ces peupliers si rustres ? Délivrance Errance Séquence forment des gerbes à ma folie J’aime les germinations de mes liaisons estivales à l’image de ces reptiles aux mues régénératrices elles me laissent glisser au-delà de mes plus sensitives peaux
Mutant qui met tes chairs à la place de tes mots explore au creux de toi la dialectique sucrée de tes faux mouvements Investis les espaces infinis de tes interstices stellaires Éclate en mille émois jusque-là étouffés Savoure tes étrangetés nocturnes Vacille aux instants chauds des rencontres partagées Brise les boules de cristal des projections de tes silhouettes ternies Fais taire tes terreurs arrête le deuil de tes gamineries Au lieu de tes faux-fuyants installe une éolienne nomade et pompes-y tes ressources Dans les poches telluriques de tes vagissements je puise à poignée tes orges incandescentes à verse elles ruissellent à la noria de mes soleils ancestraux dénoués Maïs ! Annuaire marqué de tes délices offerts Andante molto vivace Et le cycle des labours d’octobre allie la terre et l’eau
juillet 80
Devant mon né
Trajets chthoniens Transes vertigineuses… Mon anima s’élève de la cendrée ardente vers ta présence perçue La rencontre de mes sens s’établit Luminescence sortie criée au point de non retour De mes retournements abdominaux contre le bloc de l’immobilité meurtrière j'aspire à pleins poumons les ondes de la vie Que je naisse toujours Que jeunesse dorée mais créant ne passe pas De ma germination je deviens le passeur torsadé par l’effroi des stases mortifères exalté par les flux abondants des plaisirs infinis Les éclairs froids de mon altérité m’offusquent Au fond de mes étouffements noirs roulent les plus obscures colères Vagissements de l’âme et plissements du nez me renvoient mon image renversée Ratages et décalages ces deux mamelles offertes à ma rage m’épuisent Lente levée des confusions primordiales Grâces accordées aux effusions néo-natales Étrange dans ce retard à naître ma manière de me guider dans l’être de m’absenter aux instants les plus décisifs de m’anéantir sur les crêtes écarlates de mes silences
Singuliers effluves maternels qui m’enveloppez de vos passions nocturnes je vous retiens captives odorantes tenaces à jamais Au seuil de mes demeures aux antres de mes vitalités j’hésite encore à abandonner mes moteurs auxiliaires Alliances pesantes douteuses connaissances compromis intérieurs autant de prothèses douloureuses sur l’apparat de mon corps transmué La jaune giclée libératrice s’écoula sur les hommes en blanc ébahis Genèse ruisselante de suavité glauque Verseaux énigmatiques qui m’impulsez aux confins de Vierges rayonnantes et de Gémeaux cosmiques De mon chaos initial j’éprouve l’angoissante actualité De mon concert primal je retrouve l’affolante sensualité Planète aventurière avant-garde de mes lignées je m’enlace à toi voluptueusement Des pieds de mon minéral à la tête de mon végétal je trace fébrilement mes sentiers organiques Les mille tours que je joue dans mon sac placentaire tiennent mon vieux à distance
Enfin appropriée mon œuvre ovoïde s’étire S’extraire du Nirvana S’abstraire du Magma compact Quitter mes berges aqueuses et mes muqueuses en feu afin d’advenir sein perdu sans collier dans une lente opération sur mon langage Au oui redécouvert j’attribue tous mes noms Jacqueries séculaires Pléiade de prénoms Voyages anonymes Et quand ce Jacques-là deviendrait-il son maître tu le verrais aussi dans ses lots de terreur morceler sans répit son altière nacelle comme pour préfacer ses collections d’identités douteuses méticuleusement rangées dans des albums épars Dès ma coquille cassée à califourchon je m’élance vers mes territoires nus Ma bile se libère Mes ancrages se multiplient Mes propriétés m’autorisent à me délivrer pour rejoindre ton berceau dans l’incestueuse jubilation de nos gémellités Devant mon né j’y vois plus loin que le bout de ce monde
2 et 3 mai 1980
Guidance mirifique mi-raison
Dérision de mes mots meurtris Je meurs aussi dans mes essais pour guérir mes mots Ton rire m’écoute et je me perds dans tes divagations dont la légèreté active tous mes fluides Le passage soudain de l’étrange uniforme du contrôleur ne réveillerait-il plus les nébuleuses bouffées de mes terreurs lointaines ? Suis-je plus confiant ? Quoi ? S’agit-il de confidences sur ton autoguidance Guigou ? Te livrerais-tu à livres que veux-tu ? Non pas ! Il suffit de se dévêtir de sa livrée et je m’y adonne sans fausse honte Les souffles bleutés de tes plénitudes donnent à ta présence les traits précieux de mon éternité Sous les mauves justement composés de ta tenue bouffante je découvre les vertiges oscillants de tes pistils offerts Les poses de tes mains épousent mes poreuses pulsations Quand tu parles mon nom basculent toutes mes effigies forgées en carton pâte Le Guru dit houx dans sa gigue jusqu’au sommet de sa natale demeure Le vent du nord soufflait alors au plus fort de ses blanches intensités
Il se blottit au cœur de tes mousses caressantes Les voix en expansion de la mer toute proche orchestraient les symboles marron de sa toute-puissance Il est vrai qu’il s’exaltait parfois en solitaire sur les cimes flexibles des arbustes en fleur
Va-t’emps
Colchiques dans les prés c’est la fin de l’été… Et ton chant dans mon cœur murmure…murmure…
Murmur… Les murmures joyeux de ma fille océane passante m’étalent Ces temps m’étalent. M’établirais-je ? Mortelles institutions aux plissures cadavériques Immobile durée Coupures imaginairement données Pétrifications mycéniennes Mes midis me médiocrisent Ineffables Médicis Florence reprogravée Journées à demi éprouvées vous m’emportez pédestre voyageur vers de troubles infortunes De mes balancements véhéments j’aspire à plus de vérité
Les flux venimeux de mes rêvasseries élevées virevoltent sur mes tempes sans les blanchir Instants éternels aux arbres suspendus je me niche sur vous à la recherche d’un surcroît de vitesse pure L’aspérité du bois fendu occulte mes moments les plus tendres Si le thermomètre dépasse les trente-huit degrés c’est que je me surprends à le désordonner Les messages archaïques des chronologies creuses me terrorisent Généalogies suspectes Barrages d’éther et de taches de temps Opacités vermeilles De mes endormissements j’effleure tes sèves couleur de miel Je parsème de coulures irisées tes actualités à jamais fixées au clou de mes années Chaloupe d’histoire renversée à son point d’incandescence Mouvements déferlants de durées nourrissantes Vagues de feu transies de mes plus vives agonies Mortelles médiocrités Maternelles errances Sautes de vent au-dessus des murailles pérennes du rupestre chemin Respiration bloquée sur mes silences de stylet
Le jet de sang gicla en toute gloire comme pour sceller le sanquet promptement préparé Coquillages énamourés gisant sur les sols dessalés comme si tous vos sillons se perdaient dans mes salpêtres durcis Saillies tristes Sordides ébats Heures inavouées Horloges timorées de quais de gare froids Trépas anticipé sur mes moroses amertumes Les circularités confuses des magnétismes aériens m’enlacent à l’écorce de mes troncs palpitants Toutes mes voies s’obscurcissent au contact de mon passé verdâtre Récurrences abhorrées curetages esthétiques Cette époque nous perce nous corrode nous carotte d’obliques puits de mine Mine de rien elle nous lime nous enlumine aux versants de ses occidents décadents De ses cadences infernales nous en sortons courbés laminés muselés dantesquement baisés Les métaphoriques vêpres des couchants flamboyants se répandent en écho sur les toits aux tuiles atterrées
Étrange tremblement des noires vocalises Estivales pinèdes aux caves sablonneuses vous me rétablissez dans mes accueils pratiques Assidument je me souviens de ces carpes en couvade dont les flancs gonflés de leur ponte mordorée attendaient éveillées que s’accomplit enfin le cours des ères biologiques
Carpe diem
Hargne d’absence écrite
L’orage gronde mon être se vide sous les frondaisons de ta présence vive je m’obscurcis soudain de mille voix rentrées La tourmente m’emporte au-delà des nuées pourtant apprivoisées À la pointe de laquelle de mes torsions tracerons-nous une pétulante transition ? Au fil de celle qui sème peur et au ventre et au front ? À la griffe de celle qui commande à mes voûtes de se raidir à mes veines de se durcir à mes lèvres de bleuir ? J’écris avec mes tourments avec mes tours de main avec mes coups de dents avec m’écoutes-tu ?
Parasites délicats j’entends les craquements de ton guet de bois qui me réfléchissent Quant à nos gués ils ne passent pas car c’est de l’eau-de-vie qui remonte à sa source « Tu écris avec ta hargne » m’a dit le frétillant professeur — Diable ! oui » glissa subrepticement le rutilant chercheur C’est dans les états d’absence que l’écrit s’engouffre prétend Marguerite qui ces jours-ci enchante le monde de ses mémoires au regard vert Que dans ma présente écriture la hargne s’absente oui j’y souscris j’y aime (le) transcris Car si mon ire grince dans ces temps incertains sur son axe tragique c’est que la connaissance un moment rencontrée poursuit seule sa marche au long des chemins noirs Alors l’orage gronde et mon être se vide Le tiers angoissé se tait L’autre égrillard m’étrille Maintenir le malentendu comme un poisson à quai qui expire apeuré loin des volumes aqueux Puis mes nasses vaincues s’élancer en riant vers la belle échappée
Belle Échappée de ta trappe dorée je hume ta présence j’exhume ma licence Alourdi de lectures toutes phosphorescentes mon corps s’étire jusqu’aux aurores glauques Ce glaucome hideux le vois-tu parvenir aux pires bastions de tes sibylles peines ? Toi que le globe irrite Toi dont la peau implose en eczéma lépreux voici venu le temps de la mouvante catharsis Moments hors de l’espoir des colères salubres qui transfèrent Amour et Terreur conciliés sur les voies incandescentes des Nous paroxystiques
29 août 1980
Choc aux mots
De vos mots asservis je refuse le pli Sur mes élans meurtris vous bâtissez vos souverainetés Vos gloses embastillées ne règnent que sur les plus bétonnés de mes espaces glaireux Mots étouffoirs Mots matelas Mots enlisant En vous lisant canailles mes fleuves se tarissent mes déserts me paralysent mes herbages s’immobilisent mes langues de Babel deviennent soudain mutiques
À vos nomenclatures d’anesthésiste j’oppose nos généalogies de radiesthésiste Contre vos électrochocs terminologiques j’insuffle nos radicaux anamorphiques Mots garages Mots sans rage Mots voies ferrées Vos manières de prendre garde aux mots vous disqualifient pour la guerre des mots Monstrueuse guerre des mots Massacres d’innocents
Mots raccourcis stoppés recourbés torsadés au plus vif de leurs étincelantes trajectoires Pourtant Alors Toujours… Présence de mots faits de folles intensités traduction absolue de nos susurrements Mots explétifs fourrés comme ces moments où ton être me transfigure Chair de poule de mes demi-mots Mots abolissant l’échange et réhabilitant leur usage autonome Mots pleins nourrissants fracassants dès leur mise à feu totalement découverts sans défense et pourtant invulnérables Mots réveil Mots genèse J’aspire à vous atteindre Je cherche vos couvées Je me fais dénicheur de vos contacts les plus duveteux de vos lapsus pourvoyeurs d’ailes Mots morsures Sus aux mots Motus Mots de ta voix blanche Mots qui me font la nique Mots qui te font pudique Mots qui t’anticipent Mots qui mendient ta verve
Car ton verbe m’ennoblit m’alanguit m’avertit me rend à mes mots d’enfant à mes mots verts à mes Vauvert Dans ma quête infinie de toi il est un mot que je maudis absence Rayé du statut lexical Brûlé du dictionnaire J’enflamme sur le champ le volume un de cette encyclopédie qui le contient qui le maintient qui le conserve textuellement intact lui et son contexte de fuite lui et son complexe de rites lui et son prétexte de rides lui et son hémorragie d’être De la toute puissance de mes mots je nais à ta rencontre Rencontre Mot mouvance Mot transmis par les découvreurs Mot cueilli chez les émouveurs Mot recouvert par tous les éboueurs au langage totalitaire Mot banni par tous les torpilleurs des cercles de liberté Mot dissolvant mes prêches torpides Mot abreuvant à tes abords torrides Mot combattant pour tes morts ignorées
Avancer sans le support de la mémoire de tes mots m’angoisse Les hémisphériques sonorités de tes désignations m’harmonisent De tes motiles joies je propage des heurts Avec des mots-jonctions je franchis à l’envie tous nos éloignements Avec des mots-succion j’avive de bon cœur tous nos déplacements Avec des mots-fiction j’écris la bouche bée tous nos ravissements Le choc des mots m’agit comme un bonheur son cours
24 octobre 1980
Blanc-seing de peur
La métaphysique blancheur de mon bermuda m’interroge sur ma tenue Pourquoi tenir ma voie à la manière des lavandières ? Que manque-t-il ce soir au sortir de cette méticuleuse lessive ? Mon corps amidonné hésite à s’absenter Les marbrures de mon index se fissurent et j’en blêmis Sur mon vivant de craie je plante un pampre noir Du fond de mes nuits blanches j’atteins à mon isolé Si mon Iseut est là pourquoi ne pas l’étreindre ? Pour les blanchisseries de l’âme voir plus haut à gauche Ici c’est la banque des os frappeurs des vilains riens des toros ternes Là cette surgissante terreur me plonge dans d’interminables atermoiements Ailleurs me laisse sur ma faim d’hermine Cet écrit d’ermite me fait transiter par les termitières glacées qui mènent aux aubes glauques À n’en plus finir je me signe des chèques en blanc comme pour créditer mon compte d’innocence
Échéancier abject Arcanes facturiers Ristournes avariées Laisser-là ces valeurs de guichetier pour me faire voleur de billets doux escroc de journaux intimes receleur des plus frivoles frasques faussaire de mots de passe vers l’accès aux caresses racketteur de procès-verbaux pour excès de tendresse De tant d’oubli du blanc de tes seins ton corsage malicieusement me nargue Les tumultueuses suffocations de mon désir intact font mon livide effet Et l’encre se dissout en apposant mon seing sous tes voluptueuses volontés In hoc signum vingt sexes
26 octobre 80
Proche des surgeons
Mes proches événements sensuels se précipitent se superposent s’irradient s’infiltrent Les épineuses sentes de ces basses Cévennes délivrées de leurs nuées humides m’assouvissent Pierreuses randonnées immanentes contrées lignes de fuite ventées sur tes horizons irremplacés Les féodales courbures des oliviers gelés laissent croître pourtant leurs surgeons d’avant-gardes Rejets étincelants bondissements de mes verdeurs granuleux ombilics aux mille marches gravies avec fougue Ici aboutissent mes Moyens Âges torves Ici blanchissent mes parrainages indifférents Ici crépitent mes générations de silex mes aberrations de spontex mes aqua/bon/simplex Ici transpirent mes identifications impubères Ici s’inscrivent et s’entremettent Mes élongations humorales Mes textures archaïques Vers où me transplanter pour que se dévident sans peine mes elliptiques mots ?
Pourquoi me transporter aux lointains de mes peaux si doivent se répéter sans haine mes tropicales plaintes ? Tes infinis m’atteignent comme une grève son levant Tes conclusions me plongent dans le trouble comme une insurrection l’État Tes inclinaisons me propulsent vers mes preuves comme une règle son exception Tes libres réversions innervent mon soma comme une insoumission son peuple en mouvement
Au fil des rires surjetés au plat des ires échancrées au plein des spires en progrès je me greffe aux surgeons de tes vertiges je m’allie aux bourgeons de tes altières tiges
Que viennent les fébriles proximités de l’été prophétique des Grands Protestataires Que surgisse l’époque des entrecroisements Que s’approchent les aubes où chaque instant est une nouvelle naissance
Vierges matins jaillissant sous les troncs caverneux vous nous rendez présent ce monde d’un seul jet
10 novembre 80
Tumultes
Tumultes intérieurs et effervescences extérieures se mêlent Les aubes du collectif pointent sur les noirceurs du ghetto des groupes
Tornades accueillies Tremblements des visages
Mugissements des vents au vif de notre lutte Ondes scintillantes des tourbillons du rock Grèves submergées par les éclats de lune Contact des mains offertes à la recherche de leur véridique volupté Fluidité de nos émerveillements Cristaux de mes sens conjointement tournés vers l’absolu de toi Pourquoi toi ? Pourquoi moi ? Moment de moi Moment de toi
Nos humeurs exaltées fondent au mouvement fusionnel du cercle musical Nos fureurs révulsées tombent aux effleurements sensuels du débat convivial Puis toute rage reconnue le balancement de nos corps s’élève alors le monde se renverse alors l’abondance nous berce
Déjà légères mes limites deviennent aussi ténues que les duvets de ta nuque mise à nue Subtils étourdissements et singuliers ravissements portent tous deux le deuil de ta juste colère
Soudain les séditions se liguent les émotions se socialisent les séparations s’abolissent
De nouveaux cours de vie se lèvent dans le Sud
28-11-80
Retombées idioactives
Quoi ! Déjà vous voilà mes reculs redoutés ? Mes rases-mottes atterrées sur le quotidien zoné ? Morbides raisonneurs qui montez la pression de vos rauques ronronnements Aujourd’hui n’a pas eu de matin L’incessante instabilité de mon impuissance m’irrite Grincements morbides incrustés de soleil noirs Immobilisations glacées Saccades convulsives Commencements meurtris Élancements stoppés avant qu’ils n’osent naître Turpitudes plébéiennes de mes prisons plombées Ratures inamovibles Moutures imputrescibles d’œuvres rabougries desséchées amoindries par les songes putrides du politique qui n’en finit pas de périr Les retombées invisibles de l’époque enfournent dans nos corps leurs containers de déchets étatiques Misérables servitudes introjectées Complaisances inavouables Capitulations carcellaires Intolérables aubades gâteuses Outrageantes gambades miteuses de l’air ! de l’air !
Ce protocole de proscrit me chagrine la peau Nos livides illusions sur les nous en devenir se durcissent au point d’occuper de leur surface bétonnée tous nos choix électifs Ellipses sans espoir de sortie Vibrations dégradées Axiomes déclinant la permanence de l’identique Répétition inscrite dans les accumulations des nullités incontournables Monticules de blêmes retenues Édicules des rêves détenus
Sol vide Monde cassant
Voici les prophétiques Cassandre de l’apocalypse de la tendresse qui surgissent agrippés aux arêtes des tours haineuses dominant les mégapoles de la nécessité Elles proclament la fin des hasards de la rencontre Ce soir disent-elles les égocentrismes élégamment répartis enfantent des collectifs d’angoisse aux sonorités creuses Ce soir apporte l’échouage des vaisseaux tristes sur les sables souillés Ce soir affiche l’étendage des lingeries fripées sur les filins rouillés
Déclins des mouvements Chutes emblématiques Défaites emphatiques Enlisements merdiques Présence en différé
Ce soir le rétrécissement des issues l’éloignement de l’être ensemble la fausse conscience du groupe intériorisé rendent mes sens indifférents Ce soir dans ma dérive où la durée se rue les éteigneurs d’espoirs peuplent à eux seuls les rues Ce soir-là voici que les voix jaunes des Cassandres par lui convoquées finirent enfin par être recouvertes De bien plus hautes assonances jaillissaient par saccades vomitives des détroits encombrés de ses mots impétueux
Halte-là ! Graphomane intempestif Hèle-la ! Mythomane en quête de fantasques climax
Elle là ? Nymphomane attendue avant sa préhistoire Tope là compagnon des longs parcours de mes plaines intérieures
Stoppez-le la pente s’accentue et les chutes s’aggravent
Voûtes d’ignominies floraisons incestueuses radiations alourdissantes laissez libres nos palais et rejoignez vos rives sans rire de mes rimes
Dans ce voyage obscur au milieu des damnés il m’a plu en sortant de gommer du portail infernal l’antique avertissement du Florentin au cœur gentil Lasciate ogne speranza Voi ch’intrate
8-18/12/80
Instants de solstice d’hiver solarien
L’élan projeté de ma nuque endolorie m’alerte sur l’étrangeté de l’instant Avidement je m’alimente au rouge vif de cette bâtisse incarnée Futilement je me recharge de blanches feuilles aux ver(tes)tiges
Permanence séculaire du cyprès qui à peine sorti de terre en tire à l’infini toutes les conséquences et se sépare en deux troncs jumeaux
Les scintillements solaires des silex de la colline m’aspergent de leurs durées essentielles À ce carburant de l’époque qui sur mon âge s’accomplit je me propulse dans l’existence
Assomption de matériaux vitaux Présomption de viscéraux tréteaux Séduction de mégalo rivaux
L’avancée de cette lettre se veut sans orientation autre que celle de mon inclinaison conjuguée sur celle du système astral
L’incalculable jonction de l’univers dans mon ego irisé m’extrapole L’incomparable absorption du mouvement génésique du solstice d’hiver me planétarise
Cet an-là au solstice de cet hiver il était seul seul à rien qu’à s’immoler de mots Cet an-là Phébus avait mis Noël à l’envers comme pour débaucher son printemps avant l’heure
Irradiations énigmatiques Miroitements du paradigme de ma mémoire bleuissant Charnellement vibrant l’arc chinois de mon corps éprouve avec la voûte céleste d’époustouflantes épousailles
Voici les chaudes résurgences de la saison des feux magnétiques ou le retour du journalier voit son cercle brisé Au lieu du passage mortel cette terre rebelle refuse l’anéantissement
Emportée sur les gracieuses volutes du séisme surgissant l’immobilisation ne peut opérer
L’allongement ne peut procéder à son œuvre fatale
Bondissant au-delà du refroidissement comme une baigneuse nue sur les vagues de mes remords l’instant me déplace l’heure me trouve ailleurs
L’ici annule la permanence le maintenant s’en remet au fugace
Interrompu par les élans fougueux des vents méridionaux le cycle temporel de nos aînés s’involutionne
Les rythmes récurrents de mes deux langues qui chavirent cèdent à l’instant présent d’inédits héritages
Mémoire déliée
Mon désir délié étire ses ligaments À fleur de peau se vendangent nos grappes d’innocence Comme un dessert primeur amplifie tous les goûts je savoure à loisir nos futurs entremets À l’écoute de tous ces réseaux vivifiés par le terroir neigeux du versant est de ma mémoire je vagabonde vers toi Nos espacements m’initient à d’autres hermétismes Nos élancements m’humilient pour d’autres érotismes
Nos enlacements m’irradient jusque dans l’interdit du rêve Partage Partage consanguin du lien nommé absence Un rien de ce partage m’indifférait-il ? Non Aucun rien car un homme partagé en vaut deux
L’insurrection de mes humeurs animales parsème ses lointains grésils sur mes capitelles glacées
Les censeurs assidus de ces temps rétrécis buteront sur nos mots gardés intacts Les questeurs parvenus des divans insalubres s’éreinteront en vain sous nos lots stockés sans trac dans les hangars miteux d’usines enrayées Les rhéteurs rabougris des médias de la médiocrité se casseront les dents sur les sucs langagiers sur mes secrets discours sur nos si purs discords
Au présent accord ma mémoire d’elle y est
13-01-81
Ballants énigmatiques
Dérisoire summum de l’œuvre picorée Faire le turbulent pour que passe à jamais le temps de la dernière main La secrète pétulance de ce qui s’écrit là s'interpose entre ce qui est jeu et ce qui est tu À quatre pas d’ici mon sphinx dispose ses rébus Au-dehors le monde ruse en vert et noir Au-dedans le bonze fuse en pâtissant Au mitan le moule rugit son fauve caramel Alors ce gâteau prend ton battement de cœur Alors la pâte se délie et tes serres se font caresseuses Alors le balancier sa course suspendue à mon souffle coupé atteint son apogée Époque apoplectique où tout s’éloigne où tous prennent leurs distances de zèbres
L’asthmatique épouvante des dirigeants de choc sodomise sans soin les têtes dirigées Alerte aux nouveaux croisés des cités cadavérisées Exercices préventifs Exaucements explosifs Hé quoi ! Exerce ta sagacité sur les balancements de ces verbes cramoisis
J’y vais car ta rencontre m’institue autre
1-2-81
CONTRE TOUTE ATTENTE
LE MOMENT COMBAT
1983
Correspondance à l’œil nu
1 Échapper à la chape de plomb qui nous oppresse sans aller à la pêche voilà Oreste le chemin qui nous reste à parcourir
2 Depuis qu’il attendait son désir s’immolait Depuis qu’il bredouillait son plaisir s’inversait Alors il inscrivit sur le bloc cramoisi « Contre toute attente le moment combat »
3 Il semble que nous ne soyons pas allés assez loin dans l’absence de contenu pour que les contenus de l’absence se manifestent
4 L’équivalent s’est généralisé jusqu’à recouvrir aussi ce qui l’était déjà au point que nous y trouvons maintenant du différent Ainsi du travail comme rapport social et du non-travail comme son double nécessaire Ou encore du sexuel comme marchandise et du plaisir comme mouvement de l’être
5 À lécher du regard les bords de l’enveloppe il s’y colla les paupières À lisser d’un tel soin les rabats du pli une fois cacheté il y fixa des larmes. À affranchir au-dessus du tarif en vigueur il n’y vit que du feu À glisser son humeur avec l’envoi postal il y égara ses lentilles oculaires Était-ce une lettre écrite à l’aveuglette ?
6 Soudain son espace de naissance lui sauta aux yeux De son écriture verte il en recouvrit l’envers de la carte Puis, illico il flécha l’immeuble qu’un obus ennemi avait alors marqué sans autre gravité que celle qu’il reçut par la voix maternelle
7 Les pèse-lettres manquent d’esprit À vouloir mesurer le juste poids des mots on y perd leurs senteurs
8 Les boites aux lettres semblent sourire une fois mises au pluriel Peignons-les au présent le plus vif Remplissez-les singulièrement de vos typogrammes mauves
9 De la télécommunication à la sociomanipulation il n’y a que l’espace d’un clavier à déprogrammer l’État
10 Ces chaînes de cartes postales que les enfants s’adressent et qui doivent se multiplier vers l’infini à condition de ne pas rompre le lien m’ont toujours fasciné Affaire de libres réseaux Affaires de tendres échos Versez-y un zeste de qualitatif et le monde s’en trouve étrangement soulevé
Cordes
Hausse sur les ego à la bourse des valeurs morales Exposition du Moi sous les chapiteaux de l’hygiène mentale Visiblement l’inflation d’existence aliénées accélère ses courbes La hargne sèche produit sa plus-value à des cadences infernales
Soudain surgissent des lointains ces venteux après-midi des dimanches de février Sur cette terre des Costières il s’y effectuait de drôles de réjouissances populaires Les sorties du taureau à la corde Tracté par la fête païenne il me plaisait aussi d’y jouer certains liens J’ignorais tout de ce que ça tendait pour moi sur ce territoire confus Lien du village en quête de sa noire doublure Inversion des idoles Lien avec ma peur Mistral de mes terreurs Froid solaire du troisième décan Glacis énamourés La corde se distant
Les garçons s’y agrippent La lourdeur du cordage fait beugler la bête blessée Le rituel mortel de la passion s’assouvissant met mon âme au cordeau Courses cheveux au vent jusque dans les recoins des hauts portails de bois Dévalant les ruelles de Posquières je te cherchais déjà valeureuse amazone
Y vais-je vers ce contact où mes sens uniques s’assemblent ? Le feu a pris sur les roseaux de l’étang comme ton souffle sur mes rives
Dessins immédiats Coutures de l’ennui Reprises élastiques Éternuements de stentor de la couseuse enjouée Enlacements de ténors sur mes limites endiablées
La corde traîne à terre et le biou efflanqué répand son immense résistance Le garçon gai l’envie d’une secrète connivence
Ouvre à l’halluciné
Écrire sous la délicieuse pression de tes effets en moi Élargissement de tous mes sens ouvertures ouvertures
Épisode de la béance non représentée Instant qui porte au sommet toute notre actualité
T’écrire sous l’immanente impression de ne pas t’avoir quitté Ton appel m’affranchit m’élance me liquéfie
Les déchainements des essors de ton corps m’hallucinent Offrandes étoilées Vertigineuses percées de nos regards captés Voluptueuse conjonction des sillages de nos météores
Les ravinements tumultueux des crues de ta passion m’emportent m’élèvent recouvrent mes sillons débordent mes retenues
Tu brises mes rituels Tu épures mes stagnations Tu nervures mes contradictions À ton impossible imprécation je réponds « Voilà ce que dans un moment commun nous avons fait Voilà ce que dans un projet commun nous allons faire »
Quand l’utopie pratique de notre amour déferle sur le monde des multitudes d’êtres qui nous ressemblent et jusque-là mis aux fers écartent leurs anneaux rencontrent leurs égaux et s’établissent libres dans leurs nouveaux territoires
Louve affamée d’une pléiade de Rome autogérées tu rends instables mes occidents tu donnes lieu à mes levants
Nomade sur mes déserts inertes tu désensables mes minéraux les plus précieux
Dualités incestueuses Frugalité abandonnée sur les parvis des cathédrales de l’austérité noire Ressources infinies de la gratuité de ton désir
Récoltes sans labeur Recettes de fêtes insolvables Regain de qualité pour nos plus lointaines espérances Parcours luminescents Caresses sous le vent
Ivresse avec pour seul excitant les mouvements placentaires de ton ventre enfiévré
Indicible durée où nos éclatements toujours plus reculés font naître d’inédites intensités
Écrire pour que la destruction brute des appareils en nous cesse son œuvre de réclusion
Hurlements en faveur de ton mouvement
Hurlements en faveur du mouvement jaillissant du cœur de ma cousine Œuvre de l’offre en moi Parure du don sur moi Peintures des noces de nos corps aux couleurs de tes pommettes ardentes
Hurlements en faveur des langages partisans de tes tissages aériens brodés aux brises de tes brunes aspirations Hurlements en faveur des utopies de Dame Primevère de vos Cités du soleil de vos galaxies parousiques de vos Communes de caresses de vos océans d’allégresse
Hurlements en faveur des scintillements de tes émois qui se mutinent Lorsque les flammèches de tes braséros m’atteignent mes plaines s’incendient mes laines se dévident ma gêne se dissipe moi j’aime tes issues
Hurlements en faveur de vos droites déterminations adorations de vos terminaisons luxurieuses plantations de vos vitales végétations sur mes landes et mes lagunes
Hurlements en faveur de vos accostages coralliens de vos marées qui me submergent de vos acmés qui me déversent
Hurlements en faveur de vos canicules hors saison de vos ferveurs exaltées de vos senteurs torrides
Dans une débauche d’alanguissements vous réveillez mes rythmes jadis dissociés Vers une pléthore d’enivrements vous déployez mes plus séditieuses simagrées
Hauteurs de nos brûlures Candeurs de mes rubans zélés
Hurlements en faveur de vos étoiles avant-courrières Hurlements en faveur des hallucinantes témérités de Milady car je t’aime irritée tu confonds tous mes noms tu ennoblis mes dispositions
Hurlements en faveur des érotiques hébétudes de la Dame à l’étoile pyromane de mes maquis reculés escaladeuse de mes contreforts escarpés
Hurlements en faveur de la Rebelle de la Frondeuse de celle dont l’appel défie toutes mes prises de celle dont le sel met tous mes sens en crise
Hurlements en faveur de ton libre mouvement
Hurlements en faveur de nos présents inachèvements pour que ces mondes entendent et que les Palais brûlent pour que l’enfant cruel écoute et que sa hargne il nous inocule
Pour qu’à l’insu de ses sinistres surveillants tes hurlements cousine fassent des gens un peuple sur les dents
Au soleil de tes yeux
Soulevés par la multitude de nos commencements il en est un qui nous illumine soudain Tous nos efforts s’orientent vers lui C’est comme un sens que tu m’indiques une vision à conquérir un nouveau regard sur le monde une hauteur invisible à l’œil nu
S’élargissent alors nos mouvements l’un par l’autre multipliés comme des galaxies qui feraient les yeux doux à l’infini du cosmos
En nos intérieurs innocents dans l’absolu de sa liberté le plaisir s’intensifie À l’endroit de leur rencontre nos regards porteurs de la totalité des éclats de cette entrevue s’éblouissent se reconnaissent se baptisent Ma joie devient larme Mon arme devient ta joie
Les dilatations noires de ta rétine qui s’abandonne accroissent ma possession
Quand l’Unique apparaît c’est par tes yeux qu’il crie Mon corps n’est plus qu’yeux pour toi Ta vue est corps pour moi
Au cœur de ton soleil j’écarquille ma vie Au sein de tes splendeurs mon âme se réveille
Je vois notre invisible dédoublement s’unifier aux flots de tes regards éperdus Être pris sur mes faits par tes hallucinations étincelantes voilà mon seul désir Au jeu toujours naissant de tes prunelles d’or je flambe toutes mes mises
Le cercle de la fête englobe maintenant mes immobilités myopes
Mes œillères s’arrachent mes orbites éclatent j’approche ton soleil
L’éclair noir de nos tirs incruste sur ton sol son sillon en relief
ovation pour ton oblation
Collectif nul Scènes d’éducation-fiction
« Nous ne sommes pas là pour former un collectif » s’exclama le professeur excédé poussé dans ses défenses les plus retranchées « Vous vous gargarisez du mot responsable » lui signifia crûment l’élève en jetant tout son corps dans l’engagement
Exemption d’atomisés qui pourtant ne le souhaitaient pas Rédemption promise pour ceux qui se soumettraient au fétiche du code vide « Le test ne doit pas être trop sélectif le Grand Ordinateur l’a dit Il ne s’agit d’ailleurs que d’une simple sensibilisation à la pensée réflexive Comme les Autorités nous l’ont demandé nous ferons preuve de la plus grande clémence à condition que soient respectées les règles universelles »
Le sourd débat piétinait dans la plus chaude des immobilités
L’accusé au deuxième degré s’expliquait relevait les acquiescements modérait ses emballements L’inépuisable vigueur de cet analyseur ne l’épargnait pas non plus Il dut choisir son camp Certains refusant de s’impliquer en suivistes de fait le choisissaient aussi
D’autres s’étaient reculés pour voir en spectateurs l’événement qui au centre agissait galopait désignait le caché bien au-delà de la volonté de quiconque « L’intelligence de la situation — Mais pensez donc — il s’agit d’abord de les éloigner de cette tentation Rendre l’épreuve la plus abstraite possible Regardez-les ils sont suffisamment tendus dans ces moments-là ! »
Les copies confisquées mises sous scellés en attendant les artificiers pour les désamorcer
Pour être validé le récit n’a pas cours seule la réflexion peut être récitée et de manière aseptisée Quant à l’analyse de la situation qui nous occupe c’est là œuvre diabolique au sens propre et qui ne mérite que le bûcher
« Nous en ferons un grand feu sur le campus ! » imaginait en jubilant à voix haute le cher collègue en mal d’autodafé
Voilà ce que nous avons fait
Voilà ce que nous en pensons
Voilà ce que nous souhaitons
Quand la philosophie (de l’éducation) devient pratique elle réconcilie la connaissance et l’action (éducative) Quand la philosophie s’applique à la situation présente commune elle s’auto-dissout comme philosophie séparée Quand la philosophie s’expose au soleil subversif des heures chômées alors qu’elle devrait faire des exposés dans des salles isolées soudain les apprentis philosophes exultent corps et âmes L’apprentissage tend à devenir contemporain de la création des connaissances partagées
Alors l'histoire s’accélère les rapports se réchauffent les contremaîtres sidérés fulminent
Le téléphone sonne ses rappels à l’ordre à l’animatrice ravie de cette animation sauvage
Connivences vibratoires Affranchissement des survivances étriquées
Nous sommes en liaison permanente avec les nous prochains
Vos terminaux ne nous atteindront plus Nos initiaux sont d’une tout autre logique ils disent cette liberté dont les cônes s’inversent ils préparent cette réalité dont les pôles s’aimantent
Avec eux nous sortons de la fausse conscience Nos imprimantes désirantes crépitent dans les matins bleutés du monde
Dépasser la série
Déloger le non-dit
Déroger à l’interdit
Interpellé le représentant professionnel du corps enseignant cherchait le compromis distribuait ses avis pratiquait l’entrevue au sommet dans le secret noir des cabinets autocrates « Certes, l’Organisation vous soutient Mais il faut être réaliste et faire preuve de modération dans vos décisions » Le soleil approchait de son zénith lorsque dans la chambre haute le vote public et massif confirmait l’élan originel
« Vous ne facilitez pas la tâche de l’Organisation mais soyez persuadés que nous sommes toujours avec vous » souligna sans desserrer les mâchoires le professionnel de la représentation
Échéance repoussée
Dispersions vacancières
Temporisation morne
En matière d’évaluation on aboutit toujours à toujours plus rationaliser le contrôle du temps En matière d’évaluation lorsque les dernières cartouches sont en train d’être tirées et que l’enjeu devient visible pour tous le temps constitue l’ultime cible Il s’agit alors de rendre neutre et froid du temps collectif vivant et chaud
Temps mort
Temps réfrigéré
Votre unité de formation repose dans les frigidaires des places fortes du Savoir Académique
Ne varietur
Les bureaucrates doivent maintenir les rapports sociaux dans les établissements aux températures les plus basses Tous les préposés à la régulation par le froid s’affairent en silence à la ventilation de la machine normalisatrice qui surchauffe
Plus tard cet hiver pendant les gelées on mesurera on classera on étalonnera on testera on délibérera on ratissera on appréciera on validera on sanctionnera
Justement de la sanction de toute part comme un rempart les bétonneurs du collectif en sécrètent
La veille de son départ mis au rancart par le Nouveau Régime le Rectifieur principal achevait ses basses besognes « Il faut que tout soit en ordre à mon départ marmonna-t-il à son chef de cabinet contrit qui s’époumonait à remplir des cartons — D’ailleurs je veux réduire ma dose de somnifères pendant mes vacances »
Le Haut Commandement de la Correction Nationale sur rapport circonstancié de ses moyens chefs prenait les mesures qui conviennent contre le Perturbateur mal intentionné « Vous devez avoir un comportement conforme avec vos obligations de service » ordonnait-il à l’initiateur du sujet incongru
Le sujet en question n’était-il pas suffisamment obligé
Le Troisième sujet devenu objet de litige était-il trop collectif pour entrer dans le Code du Haut Commandement de la Correction Nationale
Lorsque de nouveaux possibles de l'éducation surgissent lorsque percent les premiers mouvements d’un collectif indépendant dans la situation ainsi créée chacun devient alors sujet de son histoire
Mais quel rapport avec l’histoire du Troisième sujet
En vérité seule Raison (d’État) dans l’histoire
Faussement silencieuse dernière ses capitons verdâtres l’Alma Mater se taisait No disturb Ne serait-elle plus qu’une boîte aux lettres un sage agent de liaison des directives du Haut Commandement
les feuilles mortes de l’autonomie se ramassent à la pelle
Combats épistolaires vigoureuse poignée pétitionnaire et la Grâce d’État répand sa clémence Sanction levée mais conduite désapprouvée Stop Ne plus recommencer Stop
Devant l’inédit les bureaucraties convertissent les nous en neutres normatifs On doit tenir son rôle Voici l’ère des on-instituteurs
Devant du collectif qui cherche à se lever les bureaucrates conjuguent à l’infini la règle absolue du réalisme pédagogique séparer pour apprendre diviser pour noter
Pourtant c'est de cette séparation toujours plus élargie que renaît le besoin de l’instituant que se créent les jonctions les plus novatrices que s’affranchissent dans le réel les rêves les plus fous que se forment les rencontres transformatrices de l’époque
Et que le temps prenne au creux de ce vase sa racine et envoie sa feuille ès autres ceci ormais te peut être visible
Jason de Posquières
Sur format d’édition
Sur ce format d’édition je porte avec jubilation l’élan de ton œuvre en moi Tension des volontés au vif de leur lignée mes ancrages virevoltent mes eaux douces se font lasses
Comme dans la fable le petit moulin à sel de tes mers intérieures diffuse ses subtiles saveurs jusque dans les plus polaires de mes océans
En bonds de libellule tes lèvres nervurent mes ligaments Mes distances noircies s’operculent au blanc de tes corolles
Oui les colonnes de l’impériale fixité triomphatrices d’une journée s’abattent sur les pavés bleutés des places en liesse
Allégresses festives
Paroxismiquement vôtre j’étreins le moi de votre seigneurie au plus près de mes sens
Votre vibrante voix d’été me chavire la tête
Nos nacelles se soudent et dans un mouvement d’ondulations marines notre coquillage ainsi complètement formé nous emporte vers les grands fonds libidinaux
Voici qu’un autre chapitre se donne à être écrit Folio de ma folie je vous dédie ces mots chargés ces flots légers
Figures incrustées de mes monstres épars jusques à quand m’épouvanterez-vous
Néant travesti d’ombres Liant qui ne prend plus Selle sans cavalier Nos rires s’irradient à tous les temps du verbe être Très près le feu de ton été strident me grillonne l’ouïe
Au seuil de ta demeure je grave la mémoire de nos espiègleries Au ciel de ton pays je parsème mes signes par poignées j’en étoile tes épaules
Au zénith de mes territoires j’absorbe lentement tes mouvements solaires semblables à cette heure d’immanente rencontre qu’ensemble nous dansions
Verse eau de Corse
Corps inassouvi assujetti et qui rocheusement gémi
Tu surgis entaillée des rousses instillations magmatiques
Sur tes cothurnes juchée tu lèves le voile tragique des plus incestueux de mes abris marins
Frontons farouches Vivacité noire Luttes écartelantes de tes sentes odorantes
Aux ouvertures palatales de mes insulaires silences répondent vos mordantes insurrections contre les séculaires envahisseurs toujours intolérés
À l’aube de ce temps miroitent vos maquis mauves Quelle issue à ce sang où se chargent vos affronts fratricides
« Contrastez les effets » soudain la netteté délicate de vos brises méridionales soulève mes archaïques archipels d’émois
« Constatez les méfaits » alors la fluidité suave de vos souffles vespéraux obscurcit l’objectif de ma texture immédiate
La vibrante résistance de tes genévriers inscrit sa fibreuse malice sur mes territoires épidermiques
Me démultiplier sur les terres affranchies de tes Communes insoumises
Devenir maquisard sur les sols ardents de tes allures en flèche
Me faire intransigeant comme dans les percées de ces fourmillements de l’être qui déchirent vos granits
Verseau du corps qui m’initie
L’Erbagiù 12-09-81
L’extrême de la césure
Au maximum de l’écart pointent les picotements des premiers cris de l’aube
L’enlisement kaki lâche ses temples tropicaux
Les poussées préhistoriques prennent possession de la devanture dégarnie
Le don redevient-il possible Le non adviendrait-il enfin
L’amère cuirasse d’ombre tout de gris nervurée se dissipe
En tandem la structure du sujet métallique s’oxyde
En tricycle elle me dialectise
Ah Temps que me veux-tu
Attends je n’y suis plus
Temps compagnon de route à tant maugréer contre toi que j’y perds la voix
que j’y perdure que j’y touche à la césure Cet espace insoumis tout de thym gribouillé aux mouvements des origines fleurettement m’unit
À pas glissés j'avance sans retenue sur vos aires instantanées
À sauts de chèvre je cherche les secrets apoplectiques de vos pierrailles
Vaille que vaille toutes vos époques en un bloc sédimenté s’équivalent ici dans la tendre garenne
Tant va l’histoire à l'eau qu’au fond elle se brise
À cette heure occipitale l’essence du double s’extasie
L’un entre dans la stase du zéro tout s’enfuit
De mon corps encarté je dépasse la mise vers les points cardinaux de mes univers en expansion
Dans l’éveil de vos hautes tenues
Si de l’être intervient dans mes intermittences c’est qu’à osciller ainsi je trouve de vives acuités
Porphyres mal polis de l’intention timide Anfractuosités blanches du manque
Étouffé par tant d’inertes trivialités je m’enroule dans les durées comme un lierre jauni autour d’un tronc de saule creux
Aveuglé par tant d’ineptes linéarités je m’abrite sous les murets comme un busard blessé à l’œil alors qu'il s’élevait
Au plus bas du sillon la motte se renverse
À l’insu des sujets le monde devient caresse
Ce réel s’affranchit de ses plates écailles L’ellipse soudain s’ouvre et s’étonne du jour
Les sinistres évitements redressent leurs courbures grises
Réjouies dans l’éveil de vos hautes tenues mes ellipses se font spirales
Surgissement d’ursus au sommet
Nous ne dirons rien sur la Pologne puisqu’une fois encore les mots y perdent leur sens et que la recherche du réel y serait désormais totalement accomplie par le réalisme de « l’État de guerre »
été 80, gdansk est proche gdansk est possible gdansk est déjà l’avenir
Ils disent « Aussi loin que je m’en souvienne c’est la première fois que cette certitude cette volonté inébranlable se sont manifestées avec une telle force, justement pendant ces journées d’août C’est que dans notre pays un fleuve s’est mis à couler qui change le paysage et le climat du pays » (Revue Kultura sept. 80)
les tanks
Il dit : « Ce conseil militaire était la dernière chance avant la chute de l’État » (Jaruzelski 13 déc. 81)
Les tanks pour saccager l’autonomie ouvrière Les tanks pour quadriller les villes et les campagnes Les tanks pour contrôler le travail obligatoire Les tanks pour annuler l’autogestion généralisée Les tanks pour massacrer l’autodéfense populaire Les tanks pour pourchasser l’esprit qui, là collectivement se libérait Les tanks pour interdire aux vivants de s’unir
la résistance à la guerre d’État
Elle dit : « Ne vous laissez pas terroriser La grève se poursuit et s’élargit Il n’y a pas d’instructions car chacun sait ce qu’il a à faire »
( Madame Walentynowicz Chantiers de Gdansk, 14 déc. 81 )
Nous avons tout dit sur la Pologne sur le surgissement mondial du silence de l’usine de tracteurs d’ursus L’élan de leur mou-vement œuvre aussi en nous Demain nous serons jeunes
Ancrages
Une fois de plus et de manière toujours plus passionnée les ancrages merveilleusement disposés de nos rencontres manifestent leur somptueuse réalité
Voilà qui m’ouvre en ces temps occlusifs Théoriser comme un jeu nos associations m’érotise absolument
Car ce sont des théories de jouissance que distille votre bouche que je recherche Car ce sont des théories de plaisir que m’offrent vos esprits sensibles que je désire
Vos piques adroitement lancées redoublent mes avances À ces mouvements primordiaux de ta connaissance inépuisable je m’abandonne dans la surprise
Les soubresauts bienveillants qui précèdent l’aurore déplissent leurs calicots Déjà les franges de la nuit laissent deviner leur vibrant point du jour
Broderies inédites à Modes et Travaux Flâneries pathétiques à travers vos ego chômeurs
Charme... Charme...
Écart absolu du charme de vos levants Emploi dissolu des parmes de vos divans
Spasmes… Spasmes…
Spasmes à la recherche de fauves égratignures
L’instant ardent approche de l’harmonisation Constellations intimes Proches respirations cosmiques Fourmillements exquis vous êtes convoqués à l’assemblée générale de l’excessivement
Graphopathies chroniques
1 Les eaux dormantes de l’entre-deux ressemblent à ces mi-journées indécises où le vent du nord ne se lève qu’après midi
2 Dès la première cuisson sous les bouillonnements veloutés de mes confitures d’orange le temps s’étrangle
3 À Mardi gras les cris les chats grasseyent le mercredi ils perdent tous leur gris
4 Héraclite périclite dans cette époque adialectique
5 du génital de la veineuse souche s’écorçait comme une nuée tourbillonnante d’étourneaux mouvemente soudain les lagunaires rougeurs des automnes de la Basse-Costière
6 la vie des mots est semblable à celle d’un chewing-gum à trop les ruminer ils perdent les crissements subtils des commencements s’abstenir de mastiquer pour laisser venir l’alloplastique
7 la psychanalyse la psychanalyse ça caramélise la libido après on peut en répandre sur toutes les pâtisseries familiales au dessert elle se donne des airs de viennoiseries mais c’est de Californie qu’elle nous vient sous cellophane
8 Ras-le-bol des métabolismes bidon que nous affichent les preneurs de sang du social Ils s’autoproclament progressistes car ils n’ont pas de prise sur le présent
9 Dans le faisceau du luminaire la face aiguë du graphiste projetait son ombre comme un angle mort sur l’image publicitaire Pris de doutes il hachura de noir le message à traiter Comme un événement le double de son sens apparu contrasté la Gauche autogère son ombre
Engendré d’équivoques
Les certitudes remplissent les mots comme ces automobilistes moites font le plein de carburant sans penser que c’est l’autoroute qui va les dévorer
*
Les sens uniques ça use ça use les sens uniques ça use les idées Les sens obligatoires ça vidange ça vidange les sens obligatoires ça vidange les sentiments À pas comptés elles s’engagèrent en ondoyant dans le sens giratoire qui sous l’effet des tourbillons de brise fit de la place un carrousel d’alter ego et de leurs rires une gerbe de pensées sauvages
*
Nos moi ressemblent à ces mosaïques romaines qui colorent les visages des esclaves au revers des saisons
*
Acrobate de la mine de plomb tu abandonneras tes glissements de sens au plaisir univoque du génital qui t’a guéri ta toux
*
Les gendres ont toujours manqué de tact en présence des deux dames ils lassent l’une à ne pas enlacer l’autre
*
Écrire à un mètre quatre-vingt-trois de mon identité diaphane voilà le juste écart d’avec mes états de sevrage
*
« Le temps est un enfant qui pousse des pions » dit Héraclite L’enjeu serait-il alors de pousser son enfance au-delà du damier
*
Ce dimanche matin du Pliocène moyen détendu tous ses stades normalement franchis le petit d’homme sortit en souriant de l’isoloir et déchirant son bulletin de vote devant le scrutateur ébahi s’écria « À quoi bon si l’amour n’est pas éligible ? »
21-03-82
En cours
1
Tracer de la pensée courante avant que le lit ne soit fait avant que les ongles ne soient taillés avant que l’ordre ne recouvre de son ombre tout le vif mouvement du matin
2
De la main familière de l’Opposante en fleur qui parcourt mes sites désertés du cristallin se détache
3
Plongé dans ses eaux dormantes l’exploration sémantique du mot cours lui embruma les yeux
4
La courante la courante quel joli nom pour un État qui se dissout !
5
Cherchant l’immense immeuble au sept du cours de la Libération afin d’y déposer ses cercles cardinaux il finit par les faire tous entrer dans le cinq
6
Le moteur poursuivait sa montée en puissance « le rythme n’attend pas » lâcha-t-il en crachant son chewing-gum privée de ses ersatz la charge un instant s’immobilisa puis répandit ses parfums suaves sur les garçons de courses en grève
7
Glisser sur la main courante de l’elliptique songe où illico m’apparut le carreau mortel et froid de ma chute sans recours Choc au réel Tombée à mi-rampe du nid sans échelle toupie enivrée d’espaces sidérants Déplacements hors champ des pesanteurs scalaires Plus enfant que mes plaisirs de huit ans j’y trouve aujourd’hui sujet à récurrence hors pair
8
Comme deux corps dans l’attente se reconnaissent à nu restituons de la pratique d’écriture pour disperser ces grises médiations conséquentes et lénifiantes qui corsètent le vivant
9
Offre de ces lettres bouquet de jasmin billet bleu sans retour pour un embarquement immédiat
10
Hébété la voix cassée par tant d’indifférence molle le professeur interrompit son cours « Participez Participez c’est le gage d’une note convenable Votre classement dépend de votre enthousiasme à concourir au consensus » Un cours Un cours drôle de nom pour une histoire qui n’a jamais bougé
11
Accours ami accours la nuit se fait chevêtre car les temps magnifient sa cape aux traits brunâtres
Ni toi ni moi n’avons de remontrance Diable
À chacun de nos pas un olivier s’implante comme si advenir dans la fête du jour nous donnait la poussée pour la cueillette en cours
30-03-82
Cyprès
1 (et non 1)
Installé dans son cérémonial d’écriture il comprit que son corps n’avait tendu qu’à cela tout au long de cette chaude journée Comme dans l’amour comme dans l’analyse les préliminaires à l’écrire condensaient ses gestes sur le charme toujours plus étrange de ce rituel inédit et pourtant si familier
2
Pourquoi ce Deux ? Dualité, que me veux-tu Tensions extrêmes…
3
Et si nous revenions à mes cyprès M’interdirais-je longtemps ici ce glissement de sens délicieux cette association facile mais terriblement vibrante Abandon Abandon aux préludes rieurs du si près
4
Vais-je bientôt finir par en finir avec ces ces numéros de scolies avec ces nombres ronds d’écoliers du verbe avec ces chiffres à franchir les torrents à gué avec ces quantièmes à passer au bleu les intersections les plus dangereuses pour ma plume ?
Infinitus
L’ombre alanguie du cyprès du haut du champ marque l’heure légère où nos regards se captent
Expectatives
Vingt-cinq minutes plus tard plasmatiquement immobile sur ce lit-matelas de campagne à même le sol de grés il attendait serein que ses pensées en fusion forment l’arc qui rejoindrait les cimes disponibles des deux cyprès
Incalculable
Tout reprendre à zéro pour que ma prise tienne autour(e)
Illimité
de l’arbre-abri j’approche de plain-pied de l’arbre-vie j’inspire les grands souffles de l’arbre-lien je trace le réseau de l’arbre-appui je sculpte l’insubordonné de l’arbre-azur je disculpe l’excès de l’arbre-transplanté je partage l’effroi de l’arbre-aligné je dérange les ordres de l’arbre-élan j’anticipe le but de l’arbre-arbre je ne sais trop que faire de l’arbre-main je prolonge l’influx de l’arbre-sans-prénom je suis le vagabond
La Cardonille 11-04-82
Écarts
Entre l’agir et le faire il y a autant d’écart que du bleu-de-chauffe-ouvrier au noir-redingote-bourgeois Question de coûts Le premier œuvre la couleur le second la vernit
* * *
Même en bluejean la plus-value s’extorque À force de croire et de faire croire au nivellement social et au consensus politique les classes moyennes au pouvoir assimilent la lutte des classes à une affaire de marque commerciale Ou encore comment la Cité des Ego devient un produit sélectionné pour un public ciblé
* * *
Les jeunes landais qui s’élancent vers la vache le savent leur plaisir sera d’autant plus vif que l’écart se fait proche du choc En irait-il ainsi de nos rencontres pour lesquelles nous prenons nos plus lointaines marques
À tous égards j’opte pour le Grand Écart de la morale et de la sensualité Les derniers gestes d’une morale de l’écart étant ceux du pervers il ne nous reste plus qu’à réinventer les premiers Par exemple le détournement par caresses interposées ou encore le déplacement par paresse aéroportée
* * *
Tout se passe comme si ses efforts à mettre les écarts en ligne se convertissaient sur le champ en autant d’écrans lui interdisant de relier son départ à l’écart
* * *
Il suffit parfois d’un écart de la longueur d’un cil pour que le baiser glisse du feu orange au vert profond
De cet écart Madame tirons-en tout l’effet et qu’alors de nos gorges un moment séparées nos voix fusionnent édéniquement
* * *
Liberté Écarlité Fratricité
* * *
Salut au plus célèbre des écartelés Ravaillac avant-garde des régicides rendu quadrivalent par quatre chevaux d’État
* * *
Avant l’écart le départ s’impose après l’écart le fêtard pâtit
Brève suite aux oiseaux
À lire sur le ton léger de la comptine contrepèterie exclue
Comme ils sont doux ces suçons d’oiseaux dont les lèvres remplacent les becs sur mon sein offert
Tout danger écarté toute battue abolie tout soleil reconquis les baisers des macreuses me figurent Léda
Si les seins avaient des plumes je serais l’oiseleur de vos duvets nacrés
Lait c’est venir à moi l’envie à hauteur de poitrine En sa tenue superbe le rouge-gorge allaite à pleines bouchées nos oreilles trop longtemps insensibles à ses musiques natives
Plissements du col trop nourri du nez trop serré des voies vitales obstruées à l’endroit où libre court le souffle
Resserrements encagements égosillements jusqu’à faire taire les gazouillis du colibri en quête de son serein
Pourtant la glotte s’ouvre aux envols des mésanges À mots huant nos éclosions jumellent
Pierrefeu
Mas des cailloux ronds des roches cramoisies à force de solaires immobilités
Mas qui ouvre sur les lagunes sur les touches célestes des méditerranées aux présences en bleu
Pierrefeu t’ai-je visité sous la pluie ? Pierrefeu sous la pluie quelle drôle d’image pour un hommage Les seuls souvenirs humides qui montent de tes coteaux me déplacent à travers ces vivaces jets de vignes engrappées me déambulent chaotique et filial dans tes lignées de Chasselas secouant leurs gouttes après l’orage Respiration d’une terre de tisons au contact de l’ondée si longtemps attendue qu'elle en devient prophétique d’une récolte qui elle devient fable
Contrastes fructueux vendanges de lumières Engendrements fulgurants des silex sur mes juvéniles lisières Lueurs ventées des couchants corallins
Mas des Costières privées de leur légende préhistoire enfouie de mes pulsions de vie
Mas sobre où le vin n’est pas à boire comme l’aire n’est pas à battre ni le figuier à cultiver
Ici l’espace ne se laisse apprivoiser qu’à l’instant hivernal du remplacement des manques
Opération aventurière à la rencontre du désir plein opération sur les frontières où le cep absent fait signe au cœur du vigneron où le père absent fait vrille au corps du robinson
Pierrefeu mas des limites ignorées mas des lignes de fuite ancestrales où les énigmes s’élucident à la cueillette des muscats
Au blanc des jours d’été lorsque le temps hésite les éclats des grains mûrs embrasent les silex
Alors la terre chante aux allégresses imminentes
20 mai 1982
Étranges bavures en copeaux
Les bois d’œuvre assombris par l’humide crainte expulsée s’amassent
En vrac les concrétions crissent sur leurs charnières descellées
Mis à l’équerre les juvéniles corps s’enquièrent des alternatives rotondités de l’utopie
Sollicité sans vue au temps des tropicales végétations l’Autre se dissimule maintenant derrière son établi
Apprivoisé sans risque à même les sols marqués d’urbanité marchande l’inédit se faufile au travers des carreaux
Telles des scies sauteuses qui traceraient à vide le présent se refend en bruissements d’insomnie
Séparations impavides du minéral Distillations occlusives du viscéral Hypertensions favorites du temporal
En un mot comme en mille sputation sur la rime
« Logique lui souffla Pinocchio à l’oreille tu n’as pas relevé son numéro d’immatriculation d’où cette identité à demi dévoilée »
Pour en venir à bout l’injure ad hominem s’offre luxuriante à mes voix grasseyantes
Mais l’ire se retire et laisse place à la panacée aux odeurs de menthe et de thé glacé
Frémissant aux élans des vents grecs accourus les copeaux ce soir-là s’assemblèrent avec jubilation pour former la chevelure du dieu Pan
Tout de go l’époque
Inassouvissements et: inachèvements sont les deux mamelles des actuelles opérations de ravalement des valeurs fripées
*
À la poubelle la jeunesse des jours non gardés des petits coups fourrés des petits fours gobés des mille-feuilles plastifiés à force d’être publicités À la poubelle la jeunesse des nuits au sirop des alanguissements à rallonges des étourdissements en syncopes
*
Arrêt sur image : bas-fonds traits-noirs trois-siphons-de-cale neuf-inclinaisons-du-bas-ventre quelques hauts-le-cœur Le tout dans des tons violacés vifs
À trop vouloir être fiables nos passages nous figent et nous voila piégés dans les passes alourdies de la stabilité d’État Gare aux métastases
*
Compacte au creux du gosier l’époque nous enserre de ses longs fichus moirés Courbures expiatoires en direction des falaises Rainures conjuratoires à vocation de fadaises Incipit « que nous vaut ta venue dans ce mot vert si cru » Première lettre à détacher et à orner d’oriflammes ferventes
*
Il Ne Connu l’ Impertinente fête d’août que Pour Initier son jeune esprit à la Transe textuelle
14-06-82
À Rebours De Clavier
Déchiré le feuillet du bloc compact se trouva décentré et comme honteux sur le rouleau morne de la machine à écriture électro- féérique
Tout le poids du Logos occidental empêchait les translations vers la gauche d’opérer le rebours
V’là qu’la vie est à r'tourner versus nullus recto d’la gauch’
Debout les senteurs idoines du moteur calligraphe poussent la transe de l’auteur jusqu’à de noires interférences
Ah les connivences vertes de l’écran magnétique Quelle induction de millenium un monde en cou- ches Diable
Les mains pourtant rendues équivalentes par l’instrument n’impulsaient pas le même élan au sens désobligatoire qui ce soir-là montrait le couchant leste
À n’en plus finir de puiser tel un Sisyphe des plaines ses ressources aqueuses le claviste zélé liquéfia ses caractères résurgents
Diatonique songe
Croches rapides pour l’attaque Noires impavides sur la rambarde Blanches translucides en gelée Bougé Bougé sonnaille le disc jockey sous le sillon rayé
Largo Largo Largo Largo Largo fut l’exécution au bandonéon sous le pont romain du livret soyeux à quatre mains Pianissimo ma mémoire maugrée Fortissimo mes notes survoltent le registre Legato mon contre-chant tergiverse telle hors d’usage une herse retournée aimante les étoiles Crescendo mes vocales syncopent l’intermédiaire jusqu’à s’en rendre aphone
J’amplement
Amplifié par les Merveilleuses canicules du Popocatepetl L’indien faussement Éducable à force d’être accablé Unit son ultime colère aux Résistances désagrégeantes du Simulacre
Plus au nord sur les rives du Potomac aux eaux sans issue les lueurs du couchant assourdissaient sans honte l’œuvre du collectif en quête de son heure
Capitale de la douceur Paris irise ses toits frisants Paris édite ses mois de verve le fleuve rougeoyant élargit sa rétine et les barges à quai s’ouvrent talentueuses à la charge des sables
Ample Temple Enfle crie la lettre d’Isis aux disciples d’Isou
Canicules au carré
Fils d’or de nos blanches et hautes tenues Chaux vives Sommités torrides de mondes bienvenus Inversion au solstice Faux plis de sueurs rêches Mesures d’austérité à Messidor anesthésié Avis aux chercheurs d’eau le chien n’obéit plus La bonbonne sous vide hydratera-t-elle autant les peaux rougies du nourrisson Les ministres de gauche misent sur l’État des rigueurs de l’été Chaleureux le climat s’insubordonne à leurs vénales économies Saigné à blanc l’encadrement grille au rodéo social Désossés les appareils carbonisent Au barbecue électoral les classes moyennes se brûlent le poil
Contorsionnistes sans esprit les bureaucrates tournent avec l’ombre du parasol jusqu’à en ignorer la raison immanente
Piteusement les gouvernants arrosent des îlots de verdure mis en vedette et les scribes du régime huilent huilent huilent huilent et les plagistes du Parti crèment crèment crèment crèment
Tisonnements inespérés ces canicules au carré nous mettent l’âme aux abois
15-07-82
Bourres
Il est possible de s’immiscer au travers du symptôme sans dire un mot au passeur ébahi tel un Narcisse qui aurait fait de son lit un miroir Il est possible de tresser des signes-écheveau sans agiter la moindre alêne telle une imprimante sous influx qui distribuerait tous ses textes en sautoir
Il est possible de déambuler sur les landes arides sans formuler la moindre objection à la pensée captive qui chemine tel un automate hétérogéré
Il est fossile de croire abreuver le monde en le bourrant de galets secs Civilisation du silex taillé Pebble culture un rien présente dans le sillage des hominiens Pied de nez télématique aux magmatiques origines
Rideau sur les récifs mal équarris des pacifiques cérémonies posturales Reprise du silence de maintenant au dépli du feuillet
Les ennemis sauteurs courent à la rescousse car le cuir neuf ne cède que pour mieux s’affermir ils adressent fautifs leurs passagers compliments aux fameux bourrelets des duègnes Bougre !
Déférence et prétérition
Ci-gisent les deux extrêmes de ma formule ci-dessus l’intitulé propret qui me mit au piquet de ma classe d’âge au sommet de ma vacance d’être au rondeau de mes hontes désopilantes
Ici-bas se baptisent mes illusions ci-contre s’équationne mon feu intérieur
Telle une touffe d’herbes folles qui resurgit vert tendre sous les chaumes au terme d’un été torride mes différences frôlent les fléaux singuliers de ma déférence
Auteur encore un effort pour t’émanciper du démon de ta soumission Que multicolores s’illuminent sur les murailles de ta ville les fresques de ce monde au présent Elles disent ce qui jadis fut supprimé dans le langage ne le fut pas pour autant dans la vie
Feu Feu Feu à volonté sur les verbes de bois qui nous tiennent en deçà de notre allure
Mitraille répétée sur le train-train des choses Rituels flamboyants des ombres en scéniques effervescences
Le duel fluvial de Dame Déférence et de Sire Prétérition s’équilibrerait-il Tragi-comédie philosophique à l’infusion de pétales de roses passées
À quatre pas de là l’orchestre hors du doute flonflonne ses refrains et l’espace d’un corps de charme glisse du manque entre les danseurs
À fin inusitée on débute ravi
Décalogue éloquent
Un premier août domestico-campagnard
Deux gestes diurnes dédimanchés
Trois antagonismes de rêve attardé
Quatre voies au partage des eaux
Cinq conciliabules ès qualités
Six greffes d’hybrides manigances
Sept fourchettées de ronces aux noms d’étoiles
Huit flottilles de papillons aux errances herbeuses
Neuf idiomes de pur aloi
Dix intentions de voir les cigales prêcher
La Cardonille 1er août 1982
À Delphes
du momumental halluciné du photomaton touristiqué du plexus de Zeus introjecté
les coulées cosmiques du sacrifice suspendu m’attardent voici l’éboulement de l’énigme jusqu’au sang
au son des trahisons les hanches de la Pythie enrôlent les pèlerins
dévot de la mesure l’oracle d’Apollon déclenche l’alarme générale de la gestion des trésors de guerre héros de l’accumulé le démon de l’Attique dévoile les secrets du Grand Livre des Comptes
à l’aplomb des hauts murs du théâtre tragique les danseurs de la nuit s’offrent à Dionysos
à Delphes à dire ce que me souffle mon double à graver mes doigtés de ces figues cueillies aux soleils oxydants
Ton monde immédiat
la lumière d’Ouest rehausse en silence les mousses du mélèze je suis l’amant immédiat de ton monde immédiat
passage des grains d’or dans le blé sous le vent mes humeurs s’adonnent aux rives découvertes de tes pommettes emportées
au-delà de nos seuils coïncident nos songes
les rudes intercalaires relâchent leur emprise
drainés à notre insu de leurs méfiances de rocher nos barrages béants livrent leur cargaison
voici la place des récoltes unitaires voici le geste des mains qui d’abord ensemencent voici les hurlements des tambours mitoyens
nos étranges s’accouplent à l’orée des futaies de prompts événements affectent les grands pins des Liban de l’amour s’installent sans répit des Beyrouth de l’esprit circulent dans nos veines
allons-nous dépasser ce cap d’inanimé qui fait de nos élans les plus intransigeants de sinistres bourbiers ?
quels efforts tout à coup pour sortir du ravin illico l’heure est là mes univers s’inversent au toucher de ton buste bénéfique
sous nos pas indistincts les mousses du mélèze s’empourprent d’impatience
14-09-82
L’enfant au poisson
inconnu sans naissance à l’insu des regards sorti des eaux saumâtres maintenant trainé vif par l’enfant le poisson s’alourdissait
gavé des sables grossiers et poussiéreux du chemin la gueule et l’anus pétris à éclater le mal du poisson s’aggravait
guetté par un attroupement hostile l’enfant méthodiquement dut lui briser les vertèbres
rêve d’eaux suspendues qui à l’envie s’élèveraient rêve d’un poisson-jeu d’un enfant-devanceur rêve d’entre-deux-mers dans ce contact nimbé où les flots ensalés pénètrent les étangs où les mulets en banc laissent apercevoir leur origine hybride
…il sera poisson…
Vu sur l’âge d’homme
autogérer son âge d’homme serait-ce la formule d’un élixir de pleine vie ?
*
après les masques bamilékés du Musée de l’Homme en ce dimanche gris après les ateliers empreints de réalisme court du Premier forum sur l’autogestion après les traversées dans la Ville nimbée après l’entrée active de mes yeux dans L’âge d’homme de Michel Leiris après les empêchements vers cette place dont les damiers font mon énigme postures endiablées ex-voto qui s’animent postulants réticents aux délimitations les démangeaisons de ce monde m’effilent
*
ils étaient tant préoccupés à proclamer l’instauration d’un âge de l’autogestion qu’ils ne s’aperçurent même pas que l’époque avait depuis un temps déjà discrédité tous ceux qui ne s’étaient pas initiés à l’autogestion de leur âge
*
c'est tout vu l’âge d’homme n’attend pas mais tout moment est bon pour la question qu’i(l) fait naître car au centre tu danses sur un rien de partage
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12 italico les surgissements subtils des galops de ta chevelure de feu 10 pica rien ne sera perdu de mes terreurs passées le peuple se souvient 15 mikron voila bien la manière qu’il avait d’agir dans ses rencontres 12 eletto ta gorge ronfle d’une passion infinie le temps s’est dissous ce qui râle en moi ce sont mes confusions ps venezia la douce fertilité de ton amande émon-dée ensemence mes sols les plus arides oscil-lations sec
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rètes et incantations subséquentes margin set en haut et à gauche ton regard sur mes marges margin clear juste au-dessous la touche qui souli-gne les contours de tes joues car la saveur de mer est toujours sur nos lèvres adjust de ce cla-vier hurlant j’élève mes brûlures stop trempez de poisons forts les cordes de vos cous right restent l’absinthe et ses hoquets paper feed colore peu à peu le temps recommencé stop les barques
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de neige se groupèrent sur les petits escaliers de son coeur col layout cette espèce de vitalité ter-rifique et scindée en deux ça me neurasthénise dec. tab j’avais rêvé la vie des marins ex. de sur
charge l’œil de Michaux line form la préposition biffée opère une identification page end veuillez trouver ci-joint un chèque d’un montant de …F correspondant à un acompte de 5% de l’option retenue reloc il y a une cathédrale qui descend et
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il y a un lac qui monte center la poésie doit être comprise en tant que communication immédiate dans le réel et modification réelle de ce réel insert retrouver la poésie peut se confondre avec réinventer la révolution print or qu’est ce que la poésie sinon le moment révolutionnaire du langage non séparable en tant que tel des moments révolutionnaires de l'histoire et de l’histoire de la vie personnelle overlap ce bruit de vie occupant la poitrine back space et les spirales des avoines lâchées vont à l’aventure
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reset elle se borna à cracher un peu de vapeur dé-daigneuse sur le sportsman essoufflé repeat pier-res perdues laissées là-bas en pleine écume tab set tout cet édifice assez merveilleux est d’ailleurs traversé par un autre mouvement de l’incons-cient (…) qui se nomme la catastrophe memory read cet état est violent et ne peut pas durer toujours tpwords, tu arrêtes cette eau d’un côté
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elle pénètre de l’autre pre.line s’assurer que l’on tient bien sa respiration par la bouche tout au long de l’exercice kbII redresser les genoux jusqu’à ce que les muscles postérieurs des jarrets soient tendus et 221 il y avait des joncs et il y avait des nids d’oiseaux de mer
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Sur pur chiffon d’édition
words words words vocables floqués de logis en soupente découpe du stylet en deux fois vingt-neuf- vingt-sept
couché nacré vergé à la face du papier à la surprise muette à la recherche éperdue à la trace immédiate à l’envie sur le champ
le grain de ta peau m’hystérise le tain de ton ire en ramette me feuillette le tanin de tes cuves ancestrales me craquèle le calque de tes presses qui gardent me rend fibre
bouffant
cristal
pelure
à suivre sur blanc raffiné Grand Raisin
Des grappillons pour en-tête
en position d’écrire abeilles seuil pause envol en situation mise là pour recevoir la lumière des ors d’octobre
élancées par l’été excessif les poussées du végétal surprirent les plus inconditionnels de l’arrière-saison
haut lieu ouvert des corrections d’épreuves endroit déconstruit des passages de l’instant du poème endroit du dévers où la ligne s’incline où le signe s’incurve où le muret lézardé laisse voir son fondement de roc et d’argile mêlés
quel désir d’être là et ailleurs à la fois
les regards innommables des peupliers en émoi innocentent le ciel
les ombres crénelées de la pente du toit rencontrent la montée unique du cyprès et s’y dissipent incorrigibles les génies infiltrés de ces terres insoumises résistent au nivellement
ici le temps s’inscrit toujours debout ici les espaces de vie se donnent à même les eaux courantes ici s’insurgent les âpres vérités des buissons épineux au cru des coloris du soir qui s’apprête à couler les corps offerts à nu ajoutent leur mordant
au-delà des premiers abandons d’autres présences se composent déploiement des mouvements graphiques errances déterminées carrelages en ciselure fendillements salutaires des lèvres muettes sursautements binaires des mains en rage
trois traits en inclusion pour ne pas en finir avec l’élancement des mots
oui cela réveille une sorte de douleur qui jubile jusque dans les épaules vacantes
…et les oiseaux rieurs se poursuivent à tire-cœurs…
Ton lire ouvert
Magnificence de ton corps qui m’écrit m’emplit m’incite à ton envie visite mon languir
Le désir de ton langage pour moi éloigne mes repères au point de me plonger dans d’étranges aphasies
Ascension de nos savoirs intimes Diffusion de nos leçons de choses communes Partition presciente de nos rythmes initiaux Lecture publique de nos feuillets assemblés enluminés dorés sur tranches de vie inédites
À ta manière d’exacerber l’attente jusqu’à ce que son a s’en détache je sais que tu tends vers moi tes plus délicats ligaments Me recueillir dans la crypte de ton script en réversion puis profaner au rebours de son grain l’image délavée de la retenue terne
Tu m’ouvres à ton présent tu m’offres ton mitan
À l’orée de mes mains endiablées par tes stances naissent les neuf paradoxes audacieux de nos heures hors mécanisme
Je parcours ton vivant en découvreur félin en respir qui fait lien
Incrustons nos moments sur reliure de peau fait main
il arrive enfin — le malheureux ! à la plus grande
Pro fait tique ment vôtre… lapidaire ce rictus du sacrificateur… entonnons l’hymne
séparation sans détachement. Voyez les liens cachés dans
qui affranchira nos doublures de notre fausse compagnie… anodins ces bréchets aux reliefs repassés…
lesquels votre cœur est pris. Cette terrible pensée de
en sermonneur reclus il culstylait son naître… la sœur serre le cœur du criseur… du côté du sanctu-
n’avoir rien qui nous contraigne. Dans cet enchaînement
aire un appel retentit assez fort pour dominer le tumulte… éternuer et y lire un signe d’os… ah ! Le ti-
infini de nos espérances trompeuses. L’on ne peut se
treur avide de pleins et de déliés… sous le porche rafraîchi par la brise marine il la
défaire du titre de poursuivant sans lequel on croirait
croisa dans une tension fauve qui fit encore accroître la fournaise de ce jours d’été tel qu’on en connut lors de la
n’être plus au monde. Le temps est court pour démêler
dernière guerre… son ventre offert en arc appelait ses mains… ses mains et son ventre s’œuvrèrent…
une affaire si enveloppée. C’est aux sujets à attendre et
… ébranlement des embryons du vent du nord… le subtil écoulement anatomique du temps nimbait les eaux
aux rois à agir. Toute la confusion se démêle et vous
étales de ses étangs intérieurs… voici les violents étirements placentaires… poteries encore chaudes
voyez paraître un visage. Et si vous savez rencontrer le
des ablutions de la parturiente… transe des fonds marins en gésine… cérémonies des pluriels absolus point par où il faut regarder les choses. Loin de la
… fils de la vague… flots montants des gènes à logis… livres tirés à la courte paille dont la souscription surnage au-dessus des abysses grâce à leurs très fermes endossements…
réduire à notre mesure tâchons d’entrer dans son étendue
L’excen trique
justifié à gauche son texte se titrait tout seul
intermittent jusqu’à l’absence l’enfant tournait autour de son centre nié
en face : du blanc à devenir au centre : je-chatte
et dans l’obtus sillon du toboggan matriciel le vivant retenu fit violence à son axe
souvent depuis il fut dit exsangtrique du manque à couler excède les mouvements encore chauds de mes eaux placentaires là au-dehors et ici au-dedans
Ris de Veau Brie de Meaux Tri de Gros Cris de l’Eau
les fins allongements des lustrines à fleurs ourlaient ingénument les draperies Empire
à en croire le diablotin l’altercation fut brève et sèche
haut les cœurs sur la main du prophète haut-le-cœur sur l’arête où je vais plein d’allant
la posture livrera encore de l’inédit puisque l’écart se creuse entre la base et le sommet
Lemme
lemme lemme voici la levée du lemme avant le dit lemme lemme dit l’aime Oh dilemme Odile l’aime cru échappera-t-il cette fois à la remontrance dévote de l’aîné qui estimait vains ses entrechats verbaux ses mises outrancières de joueur commençant au Casino des mots ? parure des porches granitiques ce lemme tel un lierre me ventouse à l’an neuf polissage des seuils jusqu’à l’empreinte primitive au diable soit le dit puisque ce lemme me vaut vertes lèvres puisque s’ouvre un royaume sous ce rameau d’or brandi
1-01-83
tant d’ombres de toutes parts sur ce que l’éclat du monde voulait colorer
à jamais calcinées toujours prêtes à rougir les collines de rocs ne parviennent même plus à masquer leurs charniers végétaux
cette intime attache au plaisir sensible qui pénètre la moelle de nos os
sur les hauteurs du col parsemées de pensées spéculaires nous vîmes ce double soleil consanguin infléchir promptement nos assises
et cette joie dissolue qui se répand dans les sens
la glabelle point d’équilibre du haut du visage situé entre les deux sourcils nous appelle à de plus ascensionnelles émancipations glabelle présente ici-bas glabelle ne t’en vas pas glabelle que ta prise perdure elle alg arade nos hautes sphères en ébats
mais cette sueur inouïe me découvre encore une autre mystère
pris de haut à même les labeurs de la coulée native pris de haut car vive est la montée aux flancs des origines pris de haut pour induire un phylum au creux des océans
Croit-il qu’il suffit de mettre le contact
croit-il qu'il suffit de mettre le contact de la machine à transcrire croit-il qu’il suffit d’absorber les poussières magnétisées sur le clavier avec le chiffon anti-statique méticuleusement sorti de sa pochette de plastic transparent croit-il qu’il suffit de choisir le papier le plus contrastant et de le placer dans le groupe d’impression de manière à ce que se lise en palimpseste son origine noble croit-il qu’il suffit de corriger les a qui viennent se glisser, innocents errants, à la place des o croit-il qu’il suffit de rester paralysé une péri-ode non mesurable de temps par la double contrainte d’aller se laver les cheveux et de poursuivre sans but l’obscurcissement du feuillet qui se donne croit-il qu’il suffit de faire disparaître le début de l’antienne sur l’écran de contrôle croit-il qu’il suffit d’être péniblement confronté à sa croyance et à sa suffisance croit-il qu’il suffit de se laisser submerger par les plurielles nécessités de cette durée qui multi-plie du présent à force d’en supprimer la conscience
croit-il qu'il suffit debout de dicter cette pres-sante ligne à la mémoire sans relief de la ma-chine sans à-coup croit-il qu’il suffit de reprendre trois heures plus tard ce texte pervertissant comme on ra-masse en automate du moyen standing une rognure d’ongle sur la moquette croit-il qu’il suffit d’apposer son empreinte sur le folio suivant sans trouver de suite à ce membre (nouveau) de ces phrases croit-il qu'il suffit de s’interroger sur les emplois du verbe suffire à l’indicatif et au subjonctif et de s’y décomposer croit-il qu’il suffit de savoir qu’Isidore Lucien Ducasse reste débiteur depuis l’été 1869 de la somme de 800 francs envers l’imprimeur La-croix de Bruxelles et que l’auteur des Chants de Maldoror ne reçut qu’une quinzaine d’exemplaires brochés de son ouvrage, lequel fut tiré mais non diffusé croit-il qu’il suffit de composer seul les épreuves sur papier blanc couché mat d’Arjomari en format quatorze sur vingt-deux centimètres croit-il qu'il suffit d’un titre dont le corps du caractère ne laisse pas apparaître le porte-à-faux croit-il qu’il suffit d’espérer pour l’apprendre croit-il qu’il suffit de mettre les mots sous un tampon d’éther et tels des chatons nouveaux-né qu’on a asphyxiés s’en débarrasser dans les
remous des eaux du fleuve grossies par les crues du printemps croit-il qu’il suffit d’attendre les demi-teintes du crépuscule et que se manifestent les délicieuses inversions de la dyslexie croit-il qu’il suffit d’imaginer vos troubles du regard vos élans dans l’écart croit-il qu’il suffit de douter des indicibles terminaisons du verbe finir ce modèle de tempérance ?
31-01-83
Tous vents ouverts
cette fois pourtant encore dans l’adolescence les vents arrachaient déjà portes et fenêtres parvenus à maturité c'est le village entier qu’ils soulevèrent
transpercements et hurlements conduisaient l’avancée protectrice du rêveur dans les périls immédiats
les pointes du souffle paroxystique pouvaient-elles encore s’accroître ?
quoi de plus aérien restait-il à abattre ? rien d’autre que du remplacement des segments agnatiques
fou ventre offert aux Sions effrénées et la toiture glisse et fracasse l’oubli
étrange livraison de mots idiomatiques oraisons de sibylles qui s’ouvrent sans trembler sur des harmoniques en feu
Ces doigts d’éther
S’approcher en curieux de cette forte amplitude des flâneries garçonnes les dimanches après-midi de mars
le visage venté à l’unisson les cycles empilés en hâte sous les branches basses et rêches des cyprès inclinés nord-sud
les premières cigarettes avidement inhalées sous le pont non localisable de la voie ferrée à usage rare
et ces doigts d’éther frissons avant-coureurs des hardiesses printanières
puis le mouvement de ce plaisir inquiet puis cette unité d’être si pleine qu’elle en supprime sa conscience puis ce rondeau léger si léger qu’il en oublie le moment de la rentrée
et ces doigts d’éther frissons avant-coureurs des hardiesses printanières
alors fébriles les mains se frottent aux feuilles bienvenues de la verveine tirée de son hivernage alors boulimiques les bouches se parfument aux tiges de menthe à peine dégourdies des dernières gelées
et ces doigts d’éther frissons avant-coureurs des hardiesses printanières
6-03-83
À la bn
Ahenne Béhenne Géhenne
du bois dans tous ses états se feuillette se frotte se lisse
les teints de cire ne s’animent qu’aux rayons étrangers
dans la crypte des catalogues du dérivé en fiche sillonne les auteurs anonymes à la recherche des échancrures fécondes
où fuit-il ce regard d’un Boccace enturbanné qui s’enlace dans les bronzes des doctes écritures ?
— « la côte Monsieur est à lire derrière le crochet »
strates de reliures abandonnées aux plus lointaines envies de mes mains qui divaguent
levée des colonnades ocre telles des stylos d’éther aux graphes en coupole
hyperbouillonnement des doigts dans les cheveux emmêlés de la salle commune
lectures ignorantes de leurs brunes ascendances
dans ces impossibles silences des corps en expansion l’abstraction têtue exige ses caresses
alors s’altère l’immuable implantation de l’imprimé aux flux montants du silicium en émoi à quoi l’instant suivant ressuscite à foison les larges unités de l’enfance des œuvres
18-03-83
CE MONDE AU NID
1986
Flamme d’érythème
innommable morve coulure de vide sans antécédent au summum du grattage des rougeurs hostiles s’immobilise le désert
meurtre sacramentel des croyances pour vagissant atomisation blême autour du creux de l’aine à l’aide ! les zones hystérogènes repoussent leurs jouissances les sinus maxillaires s’enlisent jusqu’au sang neuvaine de suppliques closes à son corps défendant
aux fluxions des humeurs s’enflent les insomnies le monde devient honte et le marquis de Sade rit car le thème ne s’inscrit plus dans les plissures des oriflammes cramoisies à l’arrière des bâtiments de fer
ah ! ce symptôme incertain des horripilations captives qui sécrète son dû dans la sueur des viscères
dans d’étranges hémorragies conceptuelles l’époque purulente bubonne ses frayeurs
En quête des eaux d’adret
à nu de robe se comble l’entretemps oasis ailée aux muriers dont les soies s’illuminent courants sans désinence observable toutes les causes sur l’instant convoquées rehaussent les origines de ce lieu en débord dès les premières inscriptions des conjonctions tactiles s’offre le libre accès aux paradoxes stridents alors le penser lisse son souffle contrasté tel un sorcier douteur en quête des eaux d’adret alors s’accomplissent les divinations des prêtresses impubères alors se fuguent les farandoles matronymiques hypostase des territoires torrentueux gradient versant sud surpris dans leur torpeur les ceps s’immoralisent tout enchevêtrement autre que torride lapiderait ces sols jusqu’à faire surgir leur mémoire marine Archeolocus
Cette lumière du monde à fleur d’ajoncs
voici l’heure de ouverture de l’être voici l’heure du silence méridional de mi-journée les surfaces lucides des sarments offrant encore leurs grappillons d’octobre respirent les extrémités gravides du laurier rose pointent leurs intentions dans les linéaments du vers et cette lumière du monde à fleur d’ajoncs
plus haut que la resserre les tensions des sens par l’instant suspendues laissent apercevoir d’autres eaux que stagnantes familiers attracteurs des moineaux en vendanges les faux raisins distillent de la pensée en sucre et cette lumière du monde à fleur d’ajoncs
privée de ses médiocres intensités l’ombre lâche ses prises le moi chargé des mêmes images envieuses contemple en absent les tremblements frigides des feuillus
par-delà le front latin des tuiles du bûcher l’âme des serpents d’eau s’avive à l’immanence sans trouble du bassin en attente et cette lumière du monde à fleur d’ajoncs
il habite et n’habite pas ce sol fragile ce sol réfractaire aux souverainetés des centres de richesses immondes à force du jeu des vents à la place tenue et pourtant si mouvante au coup de dé jeté sur le schiste des Réformés le supposé sujet s’exfolie et cette lumière de paix du monde à fleur d’ajoncs
Toussaints 1983
Télescopiques tropes
l’extrême sud du cercle ensoleillé de la place du village s’ouvre sur la mer
au pas blanc du silence d’été l’enfant en costume de chef conduit les sons publics de la parade d’Orphée
délivré des lourds instants de ses bacchanales oniriques le double de l’enfant observe fasciné les écartèlements de l’espace musical
soudain abandonnant les candeurs orchestrales la baguette du chef découle ses anneaux vers les hauteurs bleutées des horizons marins
juste ciel ! intolérable l’éclat du médium du Père
à l’Autre de l’extrême du cercle s’enlisent à l’envie des mondes des mondes gravides des mondes gravides des chants orphiques de l’enfant
au Même de la proximité du cercle s’enlise l’immonde procession des maîtres qui déparlent
les ombres décussées des instruments à vent stigmatisent le sol dans leurs éloignements
ô tropes ! toutes belles éclaireuses de mes voies d’approche source numineuse d’immédiat
ô tropes ! télescopiques tropes jusqu’où me tropicaliserez-vous ?
Pâques 1984
Épisode concupiscent
vous onaniser la chatte d’une main diable
et vous clitoriser le con d’un doigté d’ange
vous expanser le mamelon d’une lèvre d’hyménée
et vous nympher l’ombilic d’un gland de soie déganté
vous m’enthousiasmez l’âme vigilamment
Somme du désœuvré
sous les rangs de l’accumulation des biens pris sans labeur l’opération sur les possibles pose sa retenue
travail perdu à la recherche du temps nié
l’exposant du moment du négatif de l’œuvre s’ignore
avec superbe le Calcul claque des dents réajustées sur les abaques du chômage
aux tâches sans objet aux besognes sans cause aux ouvrages sans but tous s’affairent sans faute
à leur corps (de métier) défendant les organisateurs du bilan productif s’ébarbent l’être sur des établis privés de leur limaille
Moment d’hymne orphique
Agenouillée dans cette pinède inentamée depuis les origines, tu respires ma virilité au plus haut des souffles de ta bouche ondoyante Mon chant s’accorde au tien lorsque ta main s’allonge sur mon scrotum renflé Le va-et-vient de mon dard aussi subtilement sollicité épouse les courbures mystérieuses de ton palais offert Ta langue s’associe à tes lèvres justement déliées pour honorer mon gland à chacun des passages extrêmes
Les remous de ta chevelure que le soleil d’ou-est irradie de tons fauves battent les plus sensi-tives nervures de mes cuisses arc-boutées. Tu me prends Tu me prends au plus vif de mon être Je deviens l’un-tout-de-ma-bite-bandée-pour-toi. Le monde se renverse
Déjà les premiers afflux du spasme se dilatent Tes ardeurs souveraines font s’éployer d’envie tous mes ligaments génitaux O ! quel délice des dieux ! Quelle danse ! Quelle célébration bachique !
Voilà ton orifice accueillant porté par tout ton corps endiablé comblé de mes visites en cascades Nos rythmes déjà harmonisés atteignent leurs fiévreuses expansions Tes reprises de fée m’entraînent à ta gorge Dans le déferlement de nos sangs accouplés mes couilles flirtent avec tes seins déchaînés
Ma jouissance roule au plus près de ton oralité qui livre ses secrets Chaque élan de mes reins t’apporte sans pudeur son ensemencement
Ah oui ! J’aime te servir mon humidité vive Oui j’aime te serrer la glotte de plaisir et ton mouvement m’absorbe vers tes profondeurs et ton visage s’étoile de mes terminaisons et tes cheveux mêlés retiennent de mon suc la mémoire d’aurore
Sic non transit gloria fellatio mundi
Écrit à vingt et une terminaisons en é de lumière
la nappe teintée d’automne posée l’eau-de-vie de vin dans le thé versée les queues défeuillées de la vigne vierge débusquées les doubles courbes de la génoise attirées la verve du vol noir du bourdon dissipée la branche sèche du rosier grimpant sa symphonie subsumée les fils de fer de la tonnelle sur fond d’azur suppliciés le montant du mur basaltique étant tenace et peu tourmenté l’abandon de saison de la tige à la moelle rosie au-dehors intimidé la saisissante présence de la lumière du jour festif inaliénée la liaison possible du sol ouvert avec le peuplier impavide élevée l’offertoire carmin de l’unique de la figue singularisé la chute nécessaire de l’ombre des tilleuls dans la durée
les articles définis enfance des avenirs au massif de plumets implantés le vibrato rageur des tronçonneuses des jeunes chênes devant être oublié l’inscription subite des places fortes de l’instant désalignée les agrégats subtils des frêles moucherons désillusionnés la date de ce jour dédié aux impossibles saints de la mémoire enregistrée la page impénétrable du livret sous le vent ardemment validée l’accord du participe avec son aussi rare que lointain complément alors trouvé les châtaignes patientes au dévers des terreaux décossées
Saint-Félix-de-Pallières le 1er novembre 1984
Sur l’orbe de ces févriers incarnats
Voyez Ma Sœur
Voyez les vastes bouleversements des archipels
Voyez les sidérants déplacements du littoral
Voyez la Désirade et voyez la Barbade toutes ces îles océanes
Ô oui Ma Dame
Voyez-les voguer vers nous dans le ravissement bleuté de leurs sols immémoriaux
Là oint du bonheur de cette venue élevé à la mesure de ces contacts intercontinentaux je chante notre hymen j’enlace votre élan je farandole votre présence autour de l’orbe retrouvé de ces févriers incarnats
À feu l’europe attablée
I
dans l’horreur grasseyante de la brasserie pourtant là dans le cuivre impudent mis en vue qui repousse l’humain dans l’ordre bref du chef le regard introjecté sur la caisse gravide dans l’ivresse noire du chant de la guitariste ibère dans l’aperçu lascif du garçon le porte-carte déplié sur l’image de son épousée dans la distance extrême du spectacle mis en abyme dans le sable obscurci du cendrier d’inox à refroidir les temps dans cette retenue de l’été de nos sens dans cet attrait de joie dans ce fournil d’icônes je voue ce chant à vos hauts cris
II
la division du travail hôtelier mobilisait ses ultimes ressources mécaniques à la fin d’assouvir ses quatre-vingts-clients-à-l’heure
— « j’aurais voulu savoir ce que c’était que la choucroute au poisson ? — celui-ci lui plait mais il n’y a pas d’oursins... — alors nous disons un Concarneau pour deux personnes… »
et les sons travestissants de la vaisselle qui s’entremet symphonisent l’attente
— « bien ! voici ! la moule ! c’est qui la moule ? »
et sous le double blanc du nappé du sélect s’ouvre le monde obscur du mot débâillonné
dans la férocité requise de la bise du dehors s’ingénue prestement le doigté du maître écailler qui s’affiche
Conium maculatum
à l’impossible commencement nul n’est tenu par entregent *
« si la ciguë… » intitula-t-il et il en resta là pour cet instant sans tâche
*
demandez le programme ! demandez le programme ! sachez tout sur le spectacle ! tout sur les principaux épisodes ! en avant-première mondiale ; livré sur le vif ; en temps réel ; devant vos yeux ; le travail d’un professionnel du plus haut niveau ! l’aventure la plus exaltante et la plus inoubliable de l’époque l’autoasphyxie du héros ego
les feux acidulés de ses lèvres gercées ensanglantaient d’espoir leurs ordalies intimes
*
les vidéomanes enveniment nos vies
*
Prescription homéopathique contre la particularisation du présent
— satisfaction factice 5 CH 2 granules matin et soir Prolonger la prise quelques jours encore après la disparition apparente du trouble
— servitude volontaire 7 CH 3 doses espacées d’une semaine Prendre bien soin d’arrêter toute absorption de toxiques allopathiques tout au long du traitement tels que soumission recherchée résignation autoproclamée renoncement extraverti ou pis encore introjection étatique
— fausse conscience du présent 9 CH 3 granules le matin à jeun Il s’agit ici de respecter strictement les doses prescrites afin d’obtenir les meilleurs résultats dans l’effet homéopathique Tout écart dans cette posologie conduirait à une hypereuphorie de la bonne conscience à une sorte d’ivresse de l’actuel à un oubli de l’histoire qui se fait
— communication sans contenu 7 CH 2 granules tous les deux soirs Cette dilution pourra dans un proche avenir être préparée par le malade lui-même à partir d’une synthèse informatisée prélevée dans la mémoire de son ordinateur domestique
— égocentrisme grégaire 9 CH 3 granules toutes les deux heures pendant 24 heures Prise singulièrement recommandée à tous les praticiens du télésport aux amateurs de self-service aux usagers du casque à sons et aux fervents adorateurs de la carte bancaire à mémoire
— mystification verbeuse, 5 CH une dose par semaine pendant un trimestre Le syndrome d’autonomie dans la dépendance étant maintenant passé du stade de l’épidémie à celui de fléau chronique ce traitement couvre de nombreuses indications telles que falsification légalisée imposture dénégation désaveu simulacre dérision autointoxication etc
*
cet attrait de la Grande Ciguë pour les terrains incultes et les aires de décombres comme un signal de son vice serait-ce un excès vertueux dans l’univers du vénéneux ?
*
écrire cette narcose autoadministrée en l’absence de témoins pourtant instamment recherchés
*
jusqu’où la métaphore médicale tapinera-t-elle le scripteur ?
*
en cas d’urgence ou d’accident grave transporter directement la victime chez l’éditeur de garde
*
depuis un temps déjà au fond de la corbeille le feuillet infécond fébrilement froissé se dilatait encore avec des crissements qui plaidaient illico sa totale réhabilitation
*
avec la persévérance d’un chartreux tous les moyens matins d’une envolée de vie parfois portée jusqu’au rituel il se mithridatisait le corps et l’âme aux nuisances sifflantes de l’époque tel un chat qui se purge à l’encontre des vers
Coude à coude
sur les campagnes de la France centrale les bans de brume d’hiver se dissipent sans conviction
en-dehors des méandres englacés du ruisseau rustique s’accumulent la volonté des blocs de ne pas fondre sans marque de souveraineté blême
occupant malgré tout de sa place — inverse au sens de la marche du train — il s’abandonne à l’omniprésence du scriptural
à cet instant précis son voisin leurs coudes coexistaient avec malice sur l’appui-bras médian sort un stylo et assouvit sa passion cruciverbiste ce léger changement de posture immobilise sa main alors qu’il n’a pas opté pour l’adjectif qualifiant la présence de l’assertion prévalante
brouille embrouille brouillon brouillard resteront à jamais asymptotiques à cet inencastrable livre d’heures du réel
22 -01-85
Ce monde au nid
et les trois voiles privées d’image signent leur route aux types hors des bastingages
*
cela lui survint en roulant telle la mélopée du macadam meurtri
*
à ma main la voûte inverse de vos reins sillonne ma mémoire
*
dans l’unification fervente de nos appétits déliés se niche un monde au génitif dont l’absolu fait surface
*
oui sourdre à nouveau sous les langues de l’ombilic et y trouver l’Unique à la membrane faste
*
à Ratisbonne ton sang frisonne à Marigot tu vois ton lot
Succube exquis
dès ce regard de vos yeux sur mes virilités s’annoncent nos vigueurs dès ce toucher de mes mains sur vos fesses offertes
mitonnent nos envies
alors tremblent vos cuisses
et cédant leur pudeur à nos basculements vos lèvres s’entremêlent à mon désir d’amant
ô l’émerveillement de ton buste qui s’abandonne
au mitan de tes seins ma bite sacrifie son rite priapique
Vos seins fleurent l’unique
vos seins fleurent l’unique au charme de leurs dévers nacrés mes lèvres se dédoublent
inscrite dans les soies de votre gorge allègre ma lettre singulière saigne son absence
la paix des mots se rompt et cèdent les attaches
survient alors l’instant de la visitation instant du Tout par-dessus le Tout où l’appel sidéral de mes paumes en feu apparie vos présents
8-06-85
Là ce chêne
nécessaire donné sans quête à l’abord de ce territoire désiré torride
là ! ce chêne là ! cette inédite durée
ramures premières d’avant les poussées de l’être ombrages pointilleux au gré du vent de mer quadrilatère grec en pays camisard
là ! ce chêne là ! ces enflures d’Aphrodisies
le natif l’enfant-père distillat de verbe consanguin le trouveur appelé depuis les temps de formation de ces grès des Costières passe
et les eaux nouveaux-nées encore donnent leur apaisement et les âges de l’arbre de l’arbre dégagé des dissimulations de son lierre cependant accepté de l’arbre aux feuilles sparses dans ses plus latérales verdures comme mis en échec par le charme du moment s’abstiennent
là ! ce chêne là ! ce sol souverain
dans les aigus comminatoires du chant solaire des cigales s’approche le sanglot blanc à pas de Reine s’offre l’irrévocable instant qui fuse à force d’être franchi
parvenu au milieu du périple de vie au vu et au su du fleuve deltaïque sur ce bac bienvenu occurrent tout entier affrété pour son alternance
le passeur partagé ne voit de pont qu’en rêve
là ! ce chêne là ! cette communauté méridienne
déjà le délai s’extrait de sa fange de temps borné l’heure végétale ne cède pas aux cycles électroniques la vérité des sèves s’inscrit dans l’imminent car nos feux enfantins nous pourlèchent toujours
là ! ce chêne là ! cette langue ouverte
À tout prendre
Porté sans connaissance à travers deux saisons ce titre s’attendait pourtant à être utilisé
Femmes ô femmes votre double M me remue sang et eau
Ce soir il tonne noir et mon cœur n’y voit goutte
En exil sous les vents des ires lire Saint-John Perse et se sentir…léger…léger…
Ce que sa prise avait semé en silence sa reprise le récolta rugissant
Son signe sens ce ménage à trois du coucher par écrit
Péripéties pour la saillie du livre
nombre de malins se liguèrent contre la saillie du livre
le malin domestique allié au malin mondain dans une vaste famille d’embarras festoyèrent
le malin des arts électroniques se délecta aux plaisirs de la panne sept-mille-quatre-cent-vingt caractères attendirent de longs mois leur empreinte dernière
les anges de la dialectique tirèrent pourtant à longue portée dans une pléiade de pensées leurs ovules abécédaires
l’affrontement principal mit aux prises dans le Champ du Concept les forces de Compréhension aux forces d’Extension ce fut Soupçon qui survécut
embusqué derrière Argument le malin Confusion piégea pernicieusement le texte d’apories retard et de tautologies frondeuses
dans une mêlée d’alcôve sous les assauts ardents de l’esprit Catharsis le malin Immobilité gourde de la Structure finit par rendre gorge
unique chevauché par le dieu aux encres humides oreille battue de l’oracle des Lettres le livre désira son engendrement
en réponse aux feuillets le feuillet s’affilia
matrice d’innommés lexique immarcescible tomaison somptueuse la ménade Krisis offrit sa mémoire de lyre
25-12-85
Avis d’échéance
I
à l’approche de l’heure dite au terme irréversible de la parole prise son honneur s’enfiévra et la bobinette chut
II
j’oriente le temps vers une durée sans prélèvement
III
joueur sauvage roulant au-devant de la nécessité du dé jusqu’où flamberas-tu sa confiance hors-côte ?
IV
se mettre en dettes avec soi le jour puis régler d’une traite la nuit ô sommeil ! étrange usurier de l’être
V fêtons sans escompter sur les imminences de l’âge nos fragrances mêlées et nos troupeaux gravides
VI
maudissons nos amnésies sans espoir de réponse
Jamais ce titre
jamais ce titre sur vos portées de sang n’annulera ma honte
jusques à quand la merci du sillon couvrira-t-elle les marnes de ce moment mis à nu ?
au risque de s’obscurcir l’aube retient toujours les plus belles lumières de Méridien
divisé l’os rompu ego marchande son tribut blanches écailles de haine
de notre invisible présent je porte l’impossible oubli
solitaire soudain privé de nom d’auteur le faux-titre prétendit défier la durée
laquelle des belles pages de ce livret mutin offrira-t-elle son ivoire à mon encre de cendres ?
la seule raison d’un titre faire silence
Jérusalem postiche
Arrête ta course zombi de camarade le vieux monde t’a passé son dossard
*
Arrête la télé Adolphe qu’enfin se délitent les bustes
*
Arrête le massage larve d’Alice les os reluisent et la peau crisse
*
Arrête le robot Spartacus des êtres en hémorragie rôdent
*
Arrête d’émettre ombre de Job tant de fumure pour si peu de germen
Arrête de travailler faux compagnon esclave d’Hiram tes œuvres t’espèrent et perdent patience
*
Arrête de simuler sous-histrion diplômé d’ennui l’étreinte du banal marque de suif nos cous
*
Arrête la pilule Yseult le mot enfant coagule
16 et 17 mars 1986
Rythmes et lèvres si joints
encore une fois le tempo blanc du réel inassouvi entame son crescendo
monôme dis continu des faces c o l l e c t i o n n é e s
encore encore une fois l’appel pour la métamorphose et que nos langues d’eau lorsque sonne l’avers d’une Pâque sans ombre
dans leur limon meurtri dépose le mot loi
oui qu’unefoisencore la durée sanguine de la page s’insurrectionne
qu’unefoisencore l’être et son signe s’unifient
encore ce bien nommé
encore ces traversées de feu ouvrant sur l’Infini
Grenoble mardi 25 mars 1986
Entre les lèvres du temps
entre tes lèvres le temps s’immole à l’ouïr de ton entre je suspends mon instant
ainsi font font font nos copules sonnant leurs grands jeux diviseurs ainsi font font font les spasmes concomitants d’Alpha et d’Omega
là cloués là fixés aux portes hors destinée épines courbées à déchirer les vents les chardons messagers des naissances qui tardent se dépouillent quiets de leurs cœurs primitifs
les derniers tremblements du jour accordent leur lueur aux bouches impassibles de la nuit plus avant les injonctions furieuses de l’événement altèrent même l’universelle mémoire de la source
la coulure de l’heure tire des quatre noms du même corps le venin de nos noces
aux rugissements valvaires de l’injure l’anéantissement interdit tout répit Sa Seigneurie continue
_________________ ô —————————
———————— aum ————————
Les marbres négatifs
pulsées du moyeu d’or ces notes ultra-chic saxophonent l’enceinte
*
face à leurs sépulcres véreux de messages les Sybarites de l’image suçotent leur caténage
*
au plus fort du brasier les flammes léchèrent le monument et ses marbres s’émurent
*
enfin parvenu à même le monastère les mille marches de la montée apparaissent comme privées de leurs meurtrissures Immémorial Amorgos manifeste
*
Les journaux un sacrifice humain au bord du lac Titicaca (mars 1986) Un paysan indien Clemente Limanchi Sihuari 37 ans a été tué — démembré à coups de hache — et offert en sacrifice pour apaiser la colère du lac Titicaca Lui depuis la fin des cataclysmes staliniens et nazis l’Europe Dieu merci ne pratique plus le sacrifice humain notre civilisation sait désormais se satisfaire de sacrifices symboliques Elle Diable ! Quelle civilisation ? Cette symbolique de mercenaires pour masquer votre impuissance à métamorphoser le réel ? Au sacrifice absolu pour l’Économie devrons-nous préférer l’économie de sacrifice des paysans du lac Titicaca ?
*
conquise parmi les jaspes du Janicule l’écuelle d’Eros nourrira nos sabbats
Endehors
pour Zo d’Axa
loin de s’encanailler ou de se masturber les externes s’éreintent à nier leur traite
sur les places grises des nuisantes villes ils se tétanisent à savoir qu’ailleurs vaut tous les meilleurs viatiques du cœur
près des pôles de la nuit tout près des sites obscurcis les externes immergent leurs radeaux d’utopies
jusque dans les chenils chatoyants des établissements où s’enchaînent massivement les internés du salariat
l’endehors dévoile l’inasservi l’endehors déparle les codes de l’ennui l’endehors diffracte l’indubitable
en fête avec la vie l’externe en nous musarde
et lorsque le front ceint des météores fauves de l’esprit les détachés s’assemblent au Grand Bal des Ardents le genre chante ses aboutissements
qui dira le regard de l’évadé repris ? qui taira les sanglots du novice entravé ?
1-8 mai 1986
TEMPS TITRÉ
1988
Du temps se plisse sous nos assises Du temps éloigne la tranchante étoile de nos noces Du temps obscurcit nos passes inédites
Vers l’antre chthonien Serions-nous entraînés ?
Pas à pas la durée vide son sac de verre Les sels noirs des Noëls inengendrés rehaussent le rigide
Au fronton des autels S’effrite le sang d’or Des pierres profanées
Et Lumière de crêpes délétères La confiance de l’enfant Se voit trois fois trahie
Nos griffes qui s’émoussent À la passée des jours Inscriront dans le roc Leurs caresses sublimes
Du temps rit de nos colères tristes Du temps bat les tambours de nos amours Du temps exhale son silence sur nos ailes en léthargie
Échappés de ces temples Où l’époque se ruine Les orantes lassées de tant de cruauté Décroisant sans délai leurs doigts délictueux Voluptueusement Se caressent les seins
Séparé de son devenir L’esprit zébré d’absence Occulte les lumières Des demeures d’ici
Du temps écarte les lèvres du sexe recouvert Du temps non suivi de verbe à la recherche de sa guerre Du temps pour apaiser les blessures portées par les fers de l’attente
Je marque le tempo de la déconcrétion
L’éveil se reconnaît à ses insufflations de langues Les accords du vivant sonorisent les voûtes désertées
Dans le noir de la chute Du temps emprisonné empoisonne ce temps Les meubles à crédit sauvent combien de vie ?
Halte-là ! crie le maître vos vers jacassent
Du temps pose ses lumières d’or sur ma ligne de vie Du temps liquéfiant malaxe sans appel la pâte cendrée de l’ennui Du temps crevasse les rêves abrupts de l’équivoque
À ne pas effacer Là où ego n’est pas nommé La lettre de mon aînée s’élève
Ailleurs Sur un rythme de tous les diables L’ardeur insigne du seigneur baratte son successeur
L’œuf du regard du monde incube mon présent Ce présent qui s’accroît aux souffles des vents chauds Ce présent encore là lorsque l’heure le chasse Ce présent mâtiné d’odor di femina
…Point d’orgue… …Suivi de six blanches… …Minutes-pertes…
Le désêtre a passé son trench-coat Parcourt impatiemment le corridor Et sort faire sa promenade À son retour Compte à rebours L’être roule son dé Sur le tapis troué
L’air du temps voyage Vers le pays des errants Déjà les losanges d’ébène Se barrent de leurs oranges verticaux
Dehors L’adossement des foules en deuil de liberté Contre les murs amnésiques Affiche la fusillade du présent
Divisé jusque dans l’acte qui l’unifie Le devenir divague Tel un littoral incertain de ses sables Dans l’attente des grandes marées d’équinoxe
Et par-dessus tout ça Sans flèche et sans bois L’alliance expansée De l’arc et de la cible
À l’instant vrai de son basculement Lorsque illumine l’insaisissable Le soleil vertueux de mes étés salés Distille ses nostalgies
Prends ce qu’il te faut d’espoir Aux lèvres avides du nourrisson
Oui Vivante Entière Je t’incorpore Ouverture pacifiante Centre singulier de l’univers en gestation Humanité dépossédée Œuvrant pourtant l’humain
Du temps déshabille mes habitudes Du temps me masque de ses fards tenaces Du temps me cérémonise à blanc
L’ordalie matrimoniale s’égoutte de son droit divin Sous les jets des amandes fécondes Les unis jubilent d’imminentes nudités Car ici le cortège s’enfrivole Et plus loin débride son compassé
« Les portiers des sorties heureuses de l’histoire …s’impatientent » Proclame le premier philosophe Aux pensionnaires de l’édifice restauré — Qu’ils battent la semelle Le glacis social n’a pas encore atteint Ses degrés les plus bas » Réplique le second philosophe En souliers vernis Sourds aux imprécations Les portiers en partant Accrochèrent un panneau À l’une des colonnes du temple plastifié Sur lequel on lisait Sortie encore condamnée Issue en voie de reconnaissance
« Jamais de la vie ! » Conclut le père dissolu Comme s’il importait d’installer la durée Au terme imaginaire de cette conversation Faussement détachée
Du temps fracasse mes aubes lasses Du temps inonde mes déserts pâles Du temps déverse ses spasmes saccadés sur mes angoisses vespérales
Mon regard aiguise L’angle variable de ton sein Mes cernes te magnifient Et mon prépuce replié Prépare l’ordre de notre cérémonie
Ces minutes me tenaillent Pourquoi soulignait-il ainsi Ses densités en fuite ?
Alors qu’il transborde de périssables monotonies L’ego parsème d’éternité ses portulans de fortune Quel pêcheur le nourrissait-il donc Dans ses pérégrinations portuaires ?
Les particularités de ma barbe durcie Empourprent d’universel Les pommettes enviées De cette époque si peu singulière
Autour de l’automne qui hésite à s’établir Les cinq sens de l’actualité Tourbillonnent
Écrire le mot soi L’imprimer illico Et partir sans papier pour Ios
Et patati et patata Le temps d’ici n’est déjà plus là
Permanence du papier de vie Les temps de cette page M’inscrivent en palimpseste
Faucons déliés de leurs poings de cuir Ces nuages de Toussaint Accompagnent en fugue Les longues migrations au méridien
L’heure abolie sur ton visage offert réfracte mon horizon Au contact de nos absences s’inscrit le signe d’Absalon Alors ta voix incantatoire colore les portiques de mes prétentions
Porphyres ! Porphyres tirés au noir et adulés Votre pourpre délaissée Harangue ma solitude
À l’omnium de votre cycle menstruel j’étalonne mon éternité Les batailles de nos baisers bouleversent de leur connivence tous les âges de l’univers
Je mâche le mot culotte Jusqu’à son dernier suc De surprise indignée Vous en retirez une révolution de nos sens
Vite Vite Le soleil s’éclipse sans s’inquiéter de mes contretemps En mémoire de son aura je décline le verbe-terre
Je vous donne des nouvelles de nulle part Je vois ces feux sur d’invisibles seuils Je suis aggloméré mêlé au sang modéré de ce mouvement De là Notre musique devient éthique J’entends croître les os d’un nouvel âge de la terre
Du temps jailli des juvénats atterre les jean-foutre Du temps en quête de sa justice de rebelle Du temps de lycéennes pour libres traits d’une cité
Reins ! Ô ! Reins rieurs Reins ceinturés de l’étoffe franche des révolutions Reins cause et moyen Reins rien ne niera ces reines
Sous les gravats des mots Engrossés de dégoût Germe l’hapax legomenon
Les ocres montrent aux vents entiers La confuse beauté des pigments d’outre-terre Soudain Adressant ses sanguines au ciel d’abîme du comtat Lacoste souverain suborne nos pensées
Signe l’envol du flamant Signe les basculements du pic vert Signe les téguments du geai bleu Signe Signe de ta présence ailée Un à un les instants de tes saisissements
Uniques Émouvant la nuit ultime de l’année Scansion de mer des amants venus aux factions Les sirènes insurgées des cargos exigeants me communisent
Du temps pour naître le contemporain du coït géniteur Du temps pour fêter la fève de la reine Du temps pour tisonner le néo-verbe s’intromettre
L’utérus des baleines Promène mes querelles Et vante mes chimères Vers les îles Kerguelen
Que l’heure m’enveloppe Et me poste affranchi
« Il l’a traînée dans la boue… » La voix sensuelle et rythmée de la narratrice Accentua ces mots au point que le cours du récit Pourtant déjà bouillonnant devint alors Celui d’un maelström Réalisant toute l’horreur de la scène La fillette — si proche bien qu’étrangère Ne saisissant pas la métaphore Questionna « Vraiment ? Traînée dans la boue ? »
Nuit Ô ! Nuit tenace Nuit tremblée au silence des sexes Nuit cernante Nuit tendue d’absolu Pour le bien de quelle expérience Maltraites-tu mes apparats ?
Attarde-toi sur les marches des muséums Le temps s’y fait taxidermiste de tes rêves
Les flux laiteux de la vague Avide de baiser le sable Me littoralisent
La première trace de l’écriture humaine Serait-elle recouverte ? Non Sous les orants d’Altamira Sous les bisons du Mas d’Azil Sous les chasseurs du Tassili Sous les vénus stéatopyges Sous cent mille ans de palimpsestes Le verbe de l’homme aux hommes S’écrit Prier
La grève Sorcière rousse nous a dit L’eau de la nappe n’est pas tarie Aux canicules attendues Le puits donnera toute sa science
Ma langue sodomite Se parchemine Pour vos mots d’amante
Du temps pour tromper sa fidèle morsure Du temps séparé de sa prochaine théorie physique Du temps lié au terme de lumière
Je sais cet aiguillage surgelé Gouverner mes entrées dans l’âge
Ralenti par la neige langagière L’envol du rapace Démérita de la métonymie
Tes doigts de lait Dégantent mon gland gonflé De sa gaine liminaire Aux onguents de tes lèvres menstruelles De livrer alors leurs soins ithyphalliques
Cette distance fauve Entre trouble et trombe Deux présences l’incubent Sous leurs vocables en fa
À ces minutes volées à la tire des passants hivernaux Ma mémoire des mousses noires se rétablit
Entre chien et loup Se domestique son temps sauvage
Scinde Scinde l’oubli en ses deux ventricules Et vois chuter le droit sur le pays d’ici Et vois glisser le gauche sur l’autre sol natif
Cette fois-là L’appelant enhardi Orientant sa voix vers les dunes muettes — Qui pourtant murmuraient l’éternité des sables — Altéra pour toujours le leurre et son maître
Du temps absent au rendez-vous des subjonctifs Du temps sans égal et hors parcimonie Du temps découlant ses sueurs d’orgues
Au verso de ce blanc S’efface le voir intransitif
Sous les orages exécutants Tu pacifieras ma face saturnienne
Le chiasme noir de nos orifices Exhale en liberté nos pensées impudentes
Tu es ici l’auteur de tes démons du cœur Du cœur du tronc et des extrémités Des hanches sans souci niant aux plus hautes heures de la nuit
Ravi des rires carmin du couchant Le dauphin du futur Offre son annulaire ferme Aux haltes criardes des mouettes
Anéantis la nuit pour savourer le soir
Bleuies comme elle d’une sidération Les lèvres de l’ouvreuse céleste Maculent l’immodéré
Au fourreau de votre éternité S’invaginent mes espérances
Jusqu’où épouserons-nous Le consentement effarant De nos corps d’infini ?
Prolongez le léché Jusqu’à son élégie
Du temps excédant la durée Du temps unificateur Du temps tombant des nues
Inutile minute à chavirer l’ennui Tu outrepasses mon futur
Marin que mer maquille Entends l’éclat du temps Monter des écoutilles
Parti de rien le mot veut prendre date sur la page à demi tournée il hésite recto ? verso ?. solo ? Duo ? Trio ? Parti de rien le mot veut se manifester sur le fronton des monuments immatériels parti de rien le mot triomphe à l’instant éternel de sa perte définitive Parti de rien un mot suffit à m’ajourner Parti de rien le mot viole la mise au monde Parti de rien ton mot annule ton départ Parti de rien le mot ensemence l’incendie
Dans l’entrelacs de la chute d’un jour Se damasse le délié du lendemain
Silencieux Élans Innommés des Nuits Sacrificielles
Émancipe-toi de la trace des initiales À la kabbale du fleuve abandonne ton chiffre Les eaux vives seront ton meilleur révulsif
Qu’il y mette le nom écrit Tenant lieu de l’absolu Ou qu’il se démette
Ces jours-ci Je me suis fait pyromane du temps
Ma maison divisée Garde les incipit de sa maîtresse poutre
Du temps sourd aux appels à pouce Du temps incisant l’espace au scarificateur Du temps rare à l’odeur d’eucalyptus
À petits trots Dents contre dents Les travailleurs des marathons Trimballent leur tristesse
Que l’alerte de nuit lâche son épouvante Que demeurent unies la pierre et son eau Que le fil d’insomnie échappe à sa pelote Qu’alors la quatrième prophétie brise le chiffre du faux prophète
Ce par quoi le ciel chante Ce par quoi l’enfant se livre à l’aïeul Ce par quoi l’arbre repousse son parasite Ce par quoi l’humeur du feu égare l’âge du soleil Ce par quoi se marbre le mot loi Ce par quoi capote la démonstration Ce par quoi le cristal de l’utopie réfracte sa prétention Ce par quoi les apocalypses de tes regards m’enlacent Ce par quoi ruisselle Ce par quoi ton chant Ce par quoi d’ivoire
À l’heure du don du nom Les dieux brodent de sang Nos draps procréateurs
De chaque être réduit à son média La marchandise aussitôt s’en fait un zélateur
Creuse À midi juste La pensée défaussée issue des matinaux
Dites-moi la musique du Nord Sous vos doigts d’infini
Ex abrupto Le poème rend son météorite Ex nihilo Le poète ment sur son orbite
Partie de loin La procession des sept vierges de l’avoir S’avance vers le sanctuaire Aux cœurs des annonceurs Leur rythme les fait une Parvenues sur le seuil du temple des images Les sept filles du saint offrent leur ex-voto La procession en cassette video
Du temps épelé Du temps glorieux voguant à l’aveuglette Du temps blanc
Qu’on érige un magnétoscope Et c’est de l’autre mis à plat
Sans Image De l’ Ange Ou bien encore Simple Illusion De l’ Acte
Étranger Va dire à Lacédémone Que son identité Altère notre temps
À pleins poumons À belles dents À bouche que veux-tu À grandes brassées L’instant des corps Verse ses semaisons
Mis à part les profiteroles au chocolat J’aime par-dessus tout Vos idiomes servis très chauds
À l’époque des diligences La marchandise sera marquise De nos jours Elle se veut souveraine Demain Elle n’était plus que domestique
Du temps de géante à la tenue grège Du temps navigateur Du temps déjà acquis aux insubordinations
Voici que s’invectivent Les Grands Commençants Des langues incommunicables L’injure lutte contre sa chute Il est toujours trop tôt Pour se taire Lorsque tonne la colère Ira Ira Ira Ira Ira Ira Ira Ira
Lignes assignantes d’envies Lectures adultères Plaines studieuses Où l’œil s’aveugle Sur la limite du livre
Soyez louée Pour cette éternité de ma bouche Désaltérant le soleil noir De votre intimité
À l’heure de l’espérance Les objets s’absentent Alors l’esprit des nouveaux-nés Insuffle ses impatiences D’un ici sans économie
Démocratiquement Les présents élurent à bulletins secrets Leurs représentants Démocratiquement élus Les représentants votèrent Le principe de l’élection De leurs représentants Démocratiquement le représentant élu Vota à l’unanimité Le principe absolu de sa représentativité Démocratiquement Le représentant règne
Purulence
Impedimenta
Prends date pour ton drame Car l’aube n’attend pas Le réveil du songeur
Sais-tu que le dernier grain du sablier Contient la vraie fureur qui inverse le vase ?
Ennuagé de mes boniments Mon égal ne se mesure qu’à mon masque
Dans le luxe des atmosphères côtières J’ai vu se faire du réel Un rouleau de mer rattraper son devancier
L’approche irréversible de la gorge Le tremblé impoli de l’hospitalière L’imminence fauve de l’acte L’avancée fabuleuse des bouches L’abolition leste des amulettes Soudain Toi
« Écrire » me dites-vous Et bien ! Soit Autorisez-vous y Certes Il n’y va pas que d’une injonction Aussi amicale soit-elle Pourtant Dès lors qu’il vise la totalité De notre être dans le monde et de Notre singularité dans l’histoire Dès lors qu’il nous met en demeure D’être reconnu par la mort et de Reconnaître l’amour Dès lors qu’il nous jette dans cette Douce fureur pour nier l’existant Dès lors que sa fragilité absolue Se doublant d’une frivolité dans âge Nous possède et nous altère L’acte d’écriture n’est-il surpassé que par bien peu D’autres activités humaines libres Écrivez je vous lirai
Du temps rompu par son centre Du temps devenu étranger Du temps combattant l’ordinaire
Attise Attise la durée qui refuse son eau Même observé de près L’écureuil poursuit ses orgueilleuses virevoltes
Dans le vin mis à mal Je goûte La chronique ignorée de la vigne
Déversés Dans la touffeur de l’orage d’été qui confisque son eau Ces mots muets Ensemencent la cité
Ce jeudi vingt-trois juillet Mille neuf cent quatre-vingt-sept Les dessins d’André Masson M’assomptionnent En diable !
Du temps hors bonheur s’écoulant Du temps appelé à la rescousse de son origine Du temps délivré de son représentant
Que l’asymptote de cette eau rejoigne dès ici la droite de cette lumière Que viennent tous les rires du genre excepté ceux de l’envisagé
Les pierres à faux pleurent Et leur mélancolie Malfaçonne les ego
Par la mer blanche de septembre Par ces neutres connivences des rocs embrumés Par ton sillage d’apothéose Par notre été qui réfute sa fin Par cette brise inaliénable Par l’estuaire de mes envies Par l’horizon des morts risibles Par la saison mal traversée Par nos démarches dans l’obscur Par les nasses placées sur les hauts fonds de l’inimitié Par le charme d’une préposition Par le coup d’aile du rouet sur un monde manqué Par le cri de guerre travesti des deux chats convoitant la familière du figuier
Par ce qui fut gravé à l’escale des Goudes Par les seuls noms d’un tel sommeil de l’homme Par votre ventre lexical Par l’ultime masque de la presqu’île Par le désordre blond du barreur ébloui J’adviens
Le papier découvert Se prête sans malheur À la naissance des monstres
Oseras-tu Résister À la courbure des astres ?
Limpide Je cours vers le fronton De mon signe indubitable
Enferré aux fictions de son fief Le mondain Fait fiasco
Rouleurs Faites vos jeux Rien ne va plus
Énoncé sans quant-à-soi Ce chant Omet le sept
Tant de retenue Honore L’heure qui s’attarde
Chalute tes guérisons Il s’y trouve L’infigurable
C S N’ P E O A A R B S T O I I L T È G E
Est-ce de chagrin Que la cendre Écume en son déclin ?
Le local assouvi Lave d’espoir L’ennui
Et Possédée de réel L’étreinte déjà cède Dans la science de son lien dissipateur L’être lègue son indolence
Un autre livre viendra Recouvrir l’œuvre inquiète De son maître
Au génome de nos sens Se mêle le visage de l’incréé
Du temps façonné de la vulve d’alpha Du temps mort de l’anus d’oméga Du temps au-dehors des corps
Demande au temps L’autorisation De contempler sa copule Là Y transpire ta lumière invisible
Poème vit se que poète écrira
À l’approche de l’essaim Un mot corrompt l’esprit de la ruche Roi Du temps en froid avec son identité Du temps avec pommade et du temps sans pommade Du temps ami de son contenu
Ce dimanche de novembre Les deux filles de mémoire Sont montées par mon escalier Sous les toits de la vieille ville L’origine alors S’unifia
Disparaissez Objets du seul échange Votre matière Perd son âge
À la coupure barrée de bleu À cette nuit d’improbable présent À la place de l’ancienne plaie Au négatif de notre langue captive À la haute condition des communs survenant Au songe qui enserre les fruits de l’olivier Les petits matins d’hiver À la stupeur de l’enfant meurtrier Au cap de l’attraction lorsque L’esprit s’estompe À portée de voix d’Empédocle et de Péret Nous établirons la fable
Fraye ton presque rien Jusqu’à son impalpable Et dégrafes-y tes frêles digitales
Harasse ton lointain Il t’offrira ce havre d’absolu Abolisseur des longueurs de ta quête
Tant de coups d’aile Contraires à ton imprimatur Estompent mes épreuves
L’éclat ininterrompu Des regards du Mistral Irrigue nos utopies
Style Annulé et affirmé Ô masques en Méditerranée Entonnez les regards des Nacrées Arapèdes
Saignées de contenu Exemptées de grossesse Leurs images Massacrent les métamorphoses
Les blanches nécessités des sexes Trempent nos langues et nos linceuls Par là Notre nom s’entrave ou s’élève
Nos lumières unies Subsument la mesure Que cet instant Intervalle délaissant Ne sépare pas les opus de la lyre
Étrenne sans crainte Tes timidités de l’année Ou bien Donne ta langue au chat
Privés du temps à partager Poussés aux rites des images sans projet Parvenus aux ordres des particules Prosternés aux pieds du Représentant Ils colmatent l’horizon
Communauté Ô communauté votive De l’onde et du rocher
J’approche du cap indépassable De ta parole pourtant navigable
Au métronome de l’obscur S’accorde la matière de ce jour
Ma physique du temps S’ancre dans les trous noirs
Du temps se plisse sous nos assises
BLANCHES
1993
Au-delà de leurs singeries lorsque l’heure garde les hauteurs aurore et que nos mères font leurs eaux les corps alors s’insurgeraient-ils ?
Don sidérant de vie votre présence m’adamise
Ce matin emparé du sang d’Apis j’aime cette nécessité qui m’installe dans l’acte écris ce matin emparé
Même ce quart de rêve mais l’unité du rêve n’est déjà plus le rêve manuscrit où le fils s’énonce père et fils m’ensoleille les veines
Atteindre les lenteurs où l’ici devient vrai voilà un viatique à nos faux jours pressés
D’autres disent l’objet j’altère le sujet disons leurs rencontres fécondes
Comme le lissé bon enfant des bois nobles œuvrés vieillirons-nous pour une seule forme ?
À peine l’instant suivant eut-il touché nos nudités de sa lumière irréprochable que partout s’instilla des lèvres la caresse
Instruit par tes peaux de céruse mon visage absolu publie leur jouissance
Conscience altérée et tissé à ton viens mon répons alors devenu nos orgues donnent leur chorus
Les hymnes du mot libre s’écoutent assemblés toutes oreilles nues
Bienvenu soit l’hiver les stations balnéaires n’injurient plus la mer
Dis ces lames révulsées d’impatience à force de ne pas déferler en commun
À voix blanche les blocs de cette côte psalmodient les jouissances souveraines des eaux insatiables
Repoussée dans son apparence la vague accomplit pourtant son œuvre désagrégeante au sommet de sa révolution l’espérance d’une autre forme
À la satisfaction soldeuse de l’aveu préfère l’abandon du teneur de silence
Entrant sur ce cri singulier ton étoile n’abandonne pas son sourire naufrageur fort d’innocence flétrie tu hésites à célébrer l’origine ouverte pour son nom la terre appartient à l’éclat de ton regard
Tu entendras la valeur avancer sans visage dès la septième station du voyage nos guildes survoltées lui ont levé le voile
Pour que soient dites les tensions du futur dans la montée en blanc encore faut-il que j’accueille de mon passé l’actuelle présence mais c’est en descendant en bleu que la nostalgie me prend alors mes temps se réconcilient et les couleurs du monde abondent
Qu’au vu et au su du voyageur de la nuit de la nuit inattaquable l’aube de l’arrivée précède le voyage et sa connaissance révulsant l’ordre du jour sera aussi vision
Saute saute sans mesure tes humeurs mobilières
Ces mots croisés de ma mère mémoirent mes amarres
Du plus fragile de ton regard là où l’heure se fige compagne d’invertu et sœur d’impatience je cueille le blanc de nos alliances
L’accomplissement ultime du poème doit rendre la tâche impossible à l’historien de la poésie
Célèbre en silence la saison qui enceint le poème loin des forceps de la critique
Impatient de tes yeux j’admire l’assiduité lascive des rapides du fleuve à l’égard du regard d’un caillou
L’autre voix celle de l’élan des doigts dit l’imminence du chant cette attente au présent du chant imprononçable
Cette nuit à Pékin le sang des hommes libres coule
Cette nuit à Pékin le clan de l’inhumain archaïque tire à l’arme lourde sur les insurgés de l’avenir
Cette nuit dans le monde la classe de l’inhumain moderne avide de manifester sa supériorité dans l’assassinat sans décès immédiat s’indigne devant la bestialité de ses ancêtres
Cette nuit à Pékin comme dans le monde l’être humain est notre seule communauté
Ailleurs j’écris l’insubordination rieuse de l’ici de vos seins convoquant ma caresse
Que brûle l’expérience d’apocalypse dans son regard initiateur
Du dessein de ta figue oui de ta figue offerte à abolition de ma finitude comme cet après-midi d’été nous vit unis sous la pinède svelte comme cette caresse intime à l’arrière de l’autel de la chapelle haute embrasant tous nos sens comme cette étreinte triomphatrice du temps dans le compartiment squatté du contrôleur patient comme cette intromission au comble de la stupeur dans la rencontre de la combe de Belledonne comme cette perte semblable de la langue commune lorsque la mer fœtale liquéfia notre hymen comme cette fois-là comme cette fois-ci innuméralement
Voici que s’ouvrent les meurtrières de mes silences aux frontières
Là le livre enfin allaite de ses lettres inséculaires mes litiges à l’espèce sans cesse inassouvis
De ce toit à la tuile absente appel de mon élan oublieux d’adjectifs l’araignée ingénue distingue son ouvrage sans se préoccuper de la cause du fil
Le manque est reconnu les Blanches continuent
Comme le dirait L’Ange en son titre total impatienter le temps mieux que de lui céder
Voir que les clins d’œil de la colle à bois trop baveuse bravent fort hardiment les masses ténébreuses du rustique qui n’en demandait pas tant
Je m’adresse à l’individu combattant son individualisation je m’adresse à l’individu sans domicile particulier je m’adresse à l’individu tireur d’idiotismes
L’arrivée nocturne des amants près de la résurgence aux rencontres n’embarrasse les amoureux que pour les unir mieux
L’exposant de nos corps bien-fonde la douceur douceur initiale au chiffre diviseur d’identité
Audit d’homo sapiens cent mille années d’acquis vers la sortie de la nature pour se réfléchir autre et se savoir sapiens valait-il le détour à cause de l’amour ou bien pour le parcours ?
Vois le sexe du temps féconder par deux fois et les ondes et les flots
Vois les seins de Gaïa lourds vers l’autre humanité délivrée de la valeur
Vois l’imminence du trauma
Vois ce grain incertain de sa rencontre
Vois l’arête monstrueuse du ventre vouée à la continuité
Vois dépouillé
Vois rebutants résidus des visionnaires révélant
Vois l’intérieur de l’acte d’y voir
Vois ces manières lestes de l’abeille d’aujourd’hui
Vois promesse avenante à bouche de petit d’homme
Vois par chant du basalte qui a barre sur la lumière du jour d’un midi d’août
Vois avec trait d’union
Vois une fin à virgule du moment traversé
Vois notre arrivée aux noces de notre errance
Vois mon idée de corps dans le recouvrement soudain de la cuisse de ma cousine convoitée
Vois naître l’ennemi du nuage
Vois au suspend de la grappe turgescente la présence éclatée de sa maturité
Vois la saignée des rites à l’avers du mot sœur
Vois ta fenêtre par le monde
Vois mammifèrement juste
Vois L’Arlésienne sans royaume autre que son regard
Vois cramoisis les rossignols valides de l’utopie
Vois ton vrai visage après l’envol irréversible du merveilleux
Vois geste public accomplissant ta faille les paumes de tes mains s’empresser sous ses reins
Vois le verbe parler hors le livre à parler
Vois devenir bleu le silence souffert
Vois avec l’initiative de l’index aduleur
Vois dans le friselis sobre du roseau l’au-delà insolent de ton immobilité
Vois par la pointe du poème-Saint-Just s’effectuer le rapt définitif d’une révolution contre sa poésie
Vois à la loi sans sel du stylo s’opposer les épices du papier
Vois Venise et rends-la Blanche
Vois et ne vois pas l’impatience du peuplier à soutenir l’instant pour contempler
Vois l’orifice sec de ton vagissement
Vois ce que les yeux d’Œdipe durent cesser de voir
Vois la matière des hommes s’émietter celle des femmes se métamorphoser malgré les miettes
Vois devenant proche du départ tes odeurs de cyprès dispersant ton livre d’heures
Vois la vision moins l’image
Vois sous son bras soulevé les prélude des mouvements soyeux des noires correspondances
Captons la théorie de paille du poème qui épuise sa forme sur les restes enrubannés de notre dernière période
Comme tel l’été s’attarde et se charge de garder nues tes identités de la rentrée comme l’autre l’automne altère pourtant ton présent tel quel tu me diras les traites déversantes de tes intersaisons
J’ai touché d’un doigt frotté de gui l’arrière-fond de l’orifice mammifère arc tendu par nulle flèche autre que celle de la sortie de l’espèce courant venu des hautes vallées génératrices passage de la lumière absorbant le passeur langue perturbatrice à prendre toute bouche veine du temps surtout du temps tenant séance dans un soleil à faire se rencontrer cent vols d’étourneaux en fête de migrer là j’ai touché devenir
Sonnera-t-il long dans le visage assignant de la scansion ?
Qu’avec un nom en lieu et temps d’annonçants naisse là ta lumière et que ton verbe immédiat nous désire devenant
Toutes terreurs surmontées il advient alors ce délicieux abandon aux lèvres crues de mer conjugaison du corps profond aux faces anguilles des flots nage à titre d’éternité négligée tours en nuages retournements en mode placentaire liens d’un monde noué d’iode oui je suis de mer
Franchis le feu froid de la croyance quelle terre alors ouvre à nos yeux de serpent son silence ?
Rejoint dès l’origine l’espoir de ma semence allège ces ciels de leurs matières inessentielles
Hors d’État aux limites de cette lumière transmutante mon œil sort de son œuf et pour rien au monde ourle le relief de l’instant
Tu veux garder estime à cette lenteur de jadis lorsque oubliant table mise les commensaux te semblaient savourer le monde par des propos apparemment détachés de leur appétit
Sous l’automne impotent du mot démocratie partout noircit l’hiver des hommes sans raison partout valeur sévit partout croît le profit être sera Cité et humain sa maison
Avec cette voix de naguère regardante en dedans étrangère à son dire si retenue tu endiguais l’appel tu isolais les verbes de leur sol d’incertitude tu apprenais les baisers bruns de l’aube tu faisais se dérouler hors d’elles les lettres vers leur faille avec cette voix qui te vient pour maintenant
Lorsque l’angoisse cède à l’enjouement son heure lorsque tu nais soudain non mutilé au présent de ce monde à qui diras-tu l’autre alliance avec l’étrange ?
Cette teinte de bleu des lointains de l’étang aux soleils du matin dément ma déshérence
N’accepte la fin du jour qu’avec sa lumière adoptée celle qui laisse croître l’aube
Accorde tes pensées aux lentes incrédulités des éveilleurs d’aurore
Au moment annonciateur de l’extase des nous lorsque commencent les offrandes montées à cru et que souffle la levée des cœurs et que survient l’hommage à nos doigts révulseurs et que s’installent les troubles de notre naissance sans territoire et que l’insurrection rêveuse de l’être attise notre étreinte à ce moment te voir
Claquez Claquez monts et vallons carrière à ciel ouvert pour nos errances de volupté claquez avec cette honte enfiévrée et cette ardeur libre de toute timidité claquez l’intarissable claquez au plus vif du désir de votre claque claquez le demeurant de l’espèce inaccomplie claquez ici vos goûts de mon anatomie puis claquez là son blanc claquez de prédilection mes engourdissements claquez du plat mordant de votre main devenue feu nos chairs oublieuses de la nécessité d’innocence claquez l’espérance des eaux réconciliantes claquez sous l’origine à la recherche du lieu même où le langage s’altère claquez à notre rythme celui de l’envol du flamant celui de la mue du serpent celui des ébats de l’enfant
claquez siècles durant mieux encore claquez durées de l’univers claquez claquez claquez
Intrigue de la mer de la mer attendue regard tourné au levant visage d’un contemplant cet être-là donnant son amitié à ce qui se dépose d’immarcescible en lui et hors de lui dans sa vague la plus proche celle dont l’esprit des flots n’a pu diviser l’unité cette humanité-là de la mer cette présence des verbes se taisant et d’œuvres livrant leur parole nous tenant ici dans l’attente bien formée des cercles de silex marqueurs de nos origines aqueuses nous devenons sujet de nos divinations
Marcher avec la compagnie non du recommencement mais de l’origine unique de cette mer reconnue comme celle-là même
marcher avec la mémoire des écumes littorales de la terre pour certitude
marcher avec l’odeur timbrée de l’horizon troublant ces eaux froissées par la fausse enfance du monde
marcher avec plusieurs sortes d’ennemis visibles sur la gauche et sur la droite êtres à prothèses qui chassent l’humain jusqu’aux lisières de leurs mœurs
marcher avec le pas toilé de l’été comme carte blanche pour une errance
marcher avec mon majeur en loge auprès de vos enjouisseurs
marcher avec la ferveur du vol divinatoire des migrateurs au plus sonore effroi de leur passage
marcher avec l’amitié de l’arbre aux mémoires rouges et aux rameaux d’exil
marcher pour caresser l’appel de cette cédille qui sait le sens de ma marche là sous ta lettre en nuage
marcher contre son cœur en taisant les chaos desséchant de chacun de ses pas alourdis aux pierres de l’absence
marcher avec ton regard mêlé à l’iris de l’horizon
toi ce marcheur recouvert à l’envi des vêtures d’un autre vivant parviendras-tu non meurtri ni démenti au temple de l’amicale des déserteurs ?
Dans le dépouillement solennel de ma connaissance éperdue sur les souffles de tes sens je découvre l’accord qui nous énigmatise
Ô lèvres soulevées troublantes intumescences seuils tissés aux senteurs de l’étreinte ô lèvres en efflorescence séismes qui glorifient l’orifice du monde étoiles aux saveurs des naissances ô lèvres dévisagées sillons d’intempérances
Dans votre creux de l’entre-deux des cuisses je m’émacille de sortilèges
Accédant aux douceurs ardentes de votre vulve mes êtres terrestres voyagent au vertical de toute vie
Le chant le chant primordial, donne sa hauteur au silence et sa liance aux amants
Agrégé jusqu’au dernier grain de mémoire de ton corps je relève de lui ton corps là debout tendu de présence et tout autant délié comme une aube sous mes doigts dissipe ton absence
membra disjecta
Les apparats de Paris
Paris au plein de ses apparats voile la ville inévidente qui pourtant continue toutes veines dehors des humains éloignés du bonheur restent assignés au barbare le dépossédant veille dans la cité le puissant incertain de sa guerre tisse sa nouvelle alliance seul avec son écho
Gonflés jusqu’à l’apoplexie les ego dégoulinent à heures dites à tables serves à pas d’aveugles à bras fermés à langues mordues à vieux claviers à fausses feintes mais le haut goût des liesses est toujours sur nos lèvres
Lieux à la lettre
Langue hors ciel Antienne voulue blanche
Danse minérale Il a fallu trahir le regard fervent des premiers Grecs sur ce libre élan de mer Une longue nécessité En faveur de l’échange
Darses docks et cargos sur ton interne domestiqué Un lien s’éploie sur ton externe
Lumière Avancée d’espoirs sous la Rage des tempêtes Guet du crabe qui rêve Et des êtres qui voient loin
Là Accroissant
Cette combe Aux meilleures effractions de son territoire Rural Demeure Où la durée s’éprend Nacelle naturante Idiome d’été Là fleure parfois Les forces des Élixirs du monde
De Caen
Tant et tant de mots nous lient que j’en pleure des lettres de feu
Jeunesse de l’être tu chantes comme seuls les enfants d’hommes peuvent lorsqu’on sait les regarder sans ne rien attendre d’eux attester la jeunesse de l’être
À cause de cette grâce je tremble d’espérance pour notre espérance nommée
Ici les pierres enfumées demeurent tout près l’élévation fracturée offre la souffrance de ses combats contre les guerriers à l’insigne gammé
L’alcool de l’Ouest qui pourtant se mêle mal au vin viné d’Andalousie transmue l’instant au cœur de nos extrêmes conjonctions
Plus tard à l’hôtel Saint-Pierre dans la chambre aux papiers fleurs d’opale les villes du littoral veillent sur l’engendrement de nos corps gémellaires
Théorie du dessin
Le trait doit trouver son unité dans la réconciliation avec son commencement
UNE AUBE SOUS LES DOIGTS
1994
M’éloignant maintenant des eaux majeures celles qui s’affilient aux origines tous mes sens comblés au goût de ton ravissement où irai-je douter de la vie indivisée ?
Éloge de tes mains de l’une de tes mains soulevant mon désir de l’autre de tes mains exacerbant le tien
Louanges à tes lèvres à celles qui m’absorbent lorsque leur temps venu elles ne parlent plus que la langue souveraine de l’espèce qui se nie louanges à tes lèvres à celles que je savoure au livre des humides liturgies de ta jouissance
Mémoire pour ton sein pour la ronde tension de ton sein sous mes doigts pour cet instant d’ébranlement du monde dans la brutale dissipation de tout ce qui nous le rend étranger et pour cette concentration du cosmos au cœur de notre communauté
Gloire à ce mouvement fastueux des formes de tes arrières celles qui conduisent ardemment mon regard de ta nuque à tes cuisses puis lorsque les épousant de mon corps éperdu je me confonds soudain à tes substances bues
Abandonné tout entier aux attirances de ton amour j’initie mon silence à faire un verbe du mot bon
Au toucher trompeur de mes entours dans cette maintenance spiralée de temps opaque à demi confiant dans les manœuvres d’une mémoire démembrée emperlé d’inconstances et affublé d’hésitations je me dérobe même à la plus complexe de mes prises
Naissant de ce don du monde à notre éveil commun je cueille l’innocence émerveillée du matin sur tes lèvres
À même ton corps lorsqu’enfin notre étreinte rend caduque ma croyance en son apparence j’apprends par cœur et sans médiation autre que les mémoires de notre étreinte ces histoires enchantées des livres interdits
Me réveillant transmué navigateur ravi des erreurs de l’absence guetteur comblé de la certitude de ta présence de ta présence pourtant aujourd’hui séparée par les portes acerbes du temps combattant par nos sangs ce silence des seuils je dis nos doigts en dôme et nos lèvres en lac
Bouleversant ce mouvement vers l’avant du plus intime de votre jambe qui s’offre dans les secondes sensuelles et innocentes de sa manifestation savez-vous que votre jambe brise les horizons décharnés de ce monde ?
Créature ravie de chacun des règnes amoureux de ton regard chaque rencontre de nos yeux est mon retour d’exil
Ne cède au poème que pour mieux être possédé par la poésie qui s’offre
Maintenant s'attardant de leurs manières si délicatement soutenues sur le téton de ton sein tes doigts enfiévrés de leur don ne s’étaient-ils pas auparavant alanguis sur mes lèvres ne venaient-ils pas d’endiabler mon désir de leur juste douceur ne s’étaient-ils pas ensuite épris de la courbe naissante de mes fesses n'avaient-ils pas encore présenté les parfums de nos élans à nos narines n’avaient-ils pas aussi calligraphié les verbes d’enfant de ma chevelure et ne songeaient-ils pas déjà à conduire ma main vers l’aube de ton sexe ?
Sur la colère de ton sang j’ose soudain apposer ma bouche
J’accompagne aux extrêmes les lenteurs si subtiles que ton éros instille
Il vente à faire s’anamorphoser vers le Sud les galets de La Crau Nue Tu dérives le couchant de sa course Rendus alors au rêve nos deux corps Oublieux des reproches égratignants de la terre provençale Inscrivent ici le cycle de Tous nos préludes
Atteindre les inédites tensions de l’entrée en conjonction pour sillonner nos durées abolies dans l'étreinte
Attrape le monde là où une ancienne de tes prises appelle la portée négative de ta main
Trois bouches ferventes d'une langue suffisent au sublime l’une liante l’autre lançante l’autre louante
Cherche l’intimité la plus sensible du mot celle aux dépens de qui le chant sera conquis
Natif des sources de ton dire fils de ta voix autant que père de ton cri engendré chaque instant du récit de ton sexe je te parle
D’ici je donne au ciel de Paris la douce audace de ton sein d’ici je dégrafe le fleuve dans l’espérance de tes fesses d’ici je dilate la ville par la manifestation de ton nu d’ici je démens l’indolence des monuments au seul passage de tes sens d’ici nous épousons l’espèce
Un monde à deviner ce lissé alterné de ton doigt effronté sur ton sourcil séduit par de si tendres enlacements
Je trouverai ce toucher délictueux celui qui scande le passage pour vos soupirs celui qui compose le cérémonial de vos dévoilements celui qui harmonise le mouvement évertué de mes doigts avec le soulèvement du chorus de votre vulve
Nous avons touché l’horizon de toutes nos étreintes de l’été nous devenons ce tressaillement même du silence des lierres sur leurs pierres à feu nous enlaçons l’instant au fil nu de l’ombre et de la lumière le seul qui limite les corps sans enclore leur course
Étroite puis sans soutien l’heure livre tremblée sa fronde transitive
Les êtres de la mer abandonnaient leurs maîtres les enflures du flot se faisaient amicales ce poulpe tout à coup épouvantait l’amour
Sous les vents intouchables de ta nature ouverte ma nacelle s’élance nous irons à Valparaiso
Immergé pour la cause de ce moment ce moment du temps fait corps celui d’où vient la lumière que portent les cheveux de l’enfant celui de la rencontre avec les sables repoussant toutes sépultures celui du silence du fils envers les êtres qui déparlent celui des nuits étrangères aux remontrances
Étroites remontées vers les origines énigmatiques parcours sans le secours des lieux ni la croyance des saisons patience visiteur des humeurs de genèse ton corps d’éther et ton regard des eaux te conduisent d’abord du côté des derniers débuts ce clin d'œil pour les premières fins
Vos deux neuves erres vers le monde me disent notre amour
La nuit n’acquiesce pas à l’injure incarnate du couchant verbe de sang inséminant et de regard sans horizon ne pas croire un tel ciel seulement le laisser vaincre l’obscurcissement
Désobturé pour la cause de votre sein pour celui qui installe l’aube au méridien de ma délivrance là je suis sans espace pour lui dès lors que son intumescence s’offre aux adorations de mes licences
S’étant mis dans le tien mon pas foule les temps inemployés du verbe être
De mes mille mains déjà surcouplées par l’offense à vos fesses je deviens le mainteneur immédiat du feu de vos commotions
L’abord de ce ciel soulevé d’or rouge subtilise tes très anciens émois de mer tu prolonges aujourd’hui tes marches accordées aux larges lagunes aux courbures des courants marins au vent de terre avant midi autant de forces qui faisaient le littoral indécis tu découvres la seconde vie de la rive du vieux phare celle qui te semblait soumise à la dictée du port
De ton arc de volupté serai-je ce soir le passeur ?
Comment cela mes amis ? L’aurions-nous oublié ? Nous sommes le parti de l’insatisfaction historique
Les huit cent soixante mille mètres d’émois qui me séparent de toi hissent les baisers rouges de notre histoire
Lorsque notre étreinte atteint son temps d’impunité nous entrons sans durée dans l'ignorance des causes
Contre tes raisons d’enfant silencieux devant l’offrande rouge de la mer ce couchant te réconcilie avec l’audace écarlate du soleil celle-là même qui te fait homme de février contemplant les meurtrissures du Mistral sur la naissance de la nuit
À l’avers de cette ville séparée de ses eaux s’inscrivent les hasards volontaires d'une communauté de corps dans ce Vieux-Port de Marseille un jour en février sans revers apparent autre que celui d’être pourtant hors date
Sur l’aile de vos lents éveils nous étreignons les étangs révulsés de vos sondes ceux que j’écoute au littoral de vos lèvres encore destinées aux fièvres de la nuit
Ce soir le sable doit son avancée sur le règne de la mer à la seule douceur pubienne du crépuscule
Entrevue épousée puis ravie par l’entrée dans le cœur de la nuit de cet été toujours inachevé l’adolescente à l’étoile t’a depuis lors été donnée la mémoire de son regard enchante tes félicités d’adulte
À l’approche des matinaux de notre longue veille lorsque mes doigts rencontrent les tiens invitants et suaves au-dessous de ta hanche alors commencent nos instants d’insoumission aux règles de l’existant
Accueille ce couchant divulguant quelques ciels de tes anciens avrils cette heure qui a vu s’unir les regards amoureux des êtres de l’origine ce soleil qui a vu s’élancer tes enfants vers l’oiseau des mers franches à son retour des îles
Il n’est pas une amarre dans ce port des répits innocents que la tempête ne délaisse sous ce vent révélant celui que les aînés désirent taire après l’avoir tant nommé les navires subissent l’effort de la vague à l’impudeur délicieusement incessante
Bravons amis l’origine Inconcevable du Grondement cosmique ce
Balbutiement de notre chant À mots couverts et ce rire de Notre incertitude qui Grandit vers son enfance
Lagune étangs canal mer étale cette soirée de mai abîme tout langage qui tenterait de l’approcher avec son voile d’aspérités
un soleil nimbé celui des très hautes pressions confisque les distinctions du littoral s’instruisant
sans un mot de l’horizon du monde le vol sentencieux des flamants lutte contre la nécessité de la durée pourtant inscrite sur la face accordée des peaux nouveau-né
l’odeur d’étreinte des pêches de Méditerranée empourpre la première étoile
Je t’écris l’heure des gestes de salut au-dessus des pins et de leurs pierres l’heure où nous glorifions l’été de nos rencontres celles qui prennent pour demeure les serres altérantes d’Éros
Soumises aux rythmes éminents du vent de mer ce soir les eaux de la passe remontent loin dans les nasses de la lagune au fil de son sillage scandé par lents affleurements le poisson des eaux saumâtres signe les musiques de nos immarcescibles liaisons
L’aile révulsée de l’oiseau de mer montrera-t-elle ce soir le duvet incestueux d’un passé absolu ?
Sur la rive étrangère du port les chalutiers des temps critiques attendent nos utopies
Ô courbes édifiantes Ô formes offusquées qui s’offrent à mes offenses
Elle n’acquiescera ici à aucun autre verbe que celui trouble et tremblé du temps elle épousera le silence des eaux elle entendra le cri d’effroi de l’homme aux confins de la terre détruisant ses amers elle rythmera l’étirement insoumis des mots elle transformera l’instant en amour renaissant
Le chant et le moment ces deux puissances exubérantes qu’elle habitait avec d’éclatantes intensités
ELLE ENTRE
1995
À l’entrée dans la nuit de celle qui ne cachera plus son nom à l’instant terrassant où le collet nocif ne desserrera plus son étreinte elle donne à la mort sa voix de petite fille
Qu’elle surgisse en étrange rousse et pas un seul de ses cheveux n’ose étrangler son souffle face aux scellés de fer posés ce soir d’un été si noir
Interrompue au cœur elle laisse pourtant surgir de cruciaux desseins accordés aux mémoires de sa musique
Tu dis que son chant ne peut plus être espéré tu dis que sa voix s’est brisée avec l’égorgement des anciennes communautés tu dis que les chamans les aèdes les mages ont maintenant été domestiqués tu dis que ciselée par le moderne si rare dans le meilleur de ce qu’il fut elle ne s’est pas rendue inconciliable avec le règne mondain de l’individu tu dis que confondue dans les Lettres elle n’affirme plus ses paroles et ses danses celles qui lorsque les temps de sa lettre furent venus édifièrent sa cité tu dis encore que l’âge de l’enfance lui a été prélevé et tu l’entends pourtant au détour d’un étal aux halles ce matin
Elle n’abolira l’ordre doré des choses elle n’entamera les apparats du monde elle n’embrasera l’aile alourdie des filiations que pour mieux énoncer son émancipation
Elle tait son malheur d’avoir été séparée de sa voix primordiale aussi longtemps que ses contemporains restent sourds à son goût de vagir
Exposée hors de portée des sièges et des temples elle n’encourt d’autre remontrance que celle qui sera célébrée contre toute cause de son acte baptiser la discordance des temps
Convoqué par la douceur iodée de cette soirée d’automne lavé des opprobres de la signalisation demeuré indifférent à l’ignoble séduction des imageries tu la rejoins sur la grève et tu l’aimes
Elle oriente le temps comme l’amante attire le regard de son amour comme la couleur coupable de la mer rend l’horizon inconciliable comme les pas de l’étrangère conduisent aux frontières du blanc comme les devinettes des enfants laissent les mots hors de leur langue
Sur la dernière marche de cet escalier séculaire à même la pierre couverte et découverte par la querelle des eaux de mer et des eaux d’étang tu la rencontres à nu et tu trembles
Ce quai soudain ne contient plus l’entaille du passage du temps
Nous anéantis sur son sein qui s’offre elle engendre nos origines
Son chant se confond avec celui des êtres-chrysalides ces criseurs de la communauté de l’espèce ces humains singuliers à force d’être communs ces danseurs de parole en compagnie des aigles ces diseurs d’idiomes inconnus des dictionnaires ces visionnaires des arcs portés sur les dehors
Effleurée par les alphabets des langues oubliées et leurs cils invisibles elle ouvre à ses amants son regard d’églantier
Pourquoi es-tu surpris de la trouver blottie sur les monts de Vénus amassés in manus ?
Elle intime à son amant la commande du temps fais de toutes tes heures un fleuve de commencements
À la question pourquoi ton chant ? Elle répond pourquoi ta question ? Je suis celle qui réconcilie le chant et sa question
À l’instant où l’horizon accueille les noces du soleil et de la mer tu te fais l’ensemenceur de sa substance blanche alors en souriant elle accompagne ton acte
Te convoquerait-elle si tu ne l’avais déjà en son absence évoquée ?
Elle est là car cette escorte comminatoire des mouettes quête son reste auprès des hommes du chalutier
Elle dissimule au soleil les mains sentimentales des marins-pêcheurs celles qui secouent les traînes obscures de leur désespoir sur le liseré d’albâtre de ses sables fertiles s’allieront désormais d’autres mains venues tard de la mer pour dévoiler le sexe du soleil
Qu’il soit sans phrase et un seul vers suffit à insatisfaire sa langue faite de brèves
Ses mains de sage-femme délivre les poèmes de leur prose du monde
À même les sables ininscriptibles ceux que l’aube orne de bouches obsidiennes ceux que la littérature n’a pas pu domestiquer à même les sables insatiables elle célèbre pour tous son geste singulier
Que l’aile révulsée de l’oiseau de mer efface la dernière leçon solaire du jour suffit à sa naissance
Sa présence une fois prélevée sur les parades de l’actuel tu décèles alors le soupir amical de sa mémoire des avenirs
L’image ne lui dit rien elle parle la langue du temps l’au-delà du mouvement l’utopie de son enfance comment s’attarderait-elle sur les lieux de sa perte noire ? Son époque ruine l’intérieur du rêve sans auteur ni souverain elle étire l’aurore vers ses heures d’amour
Pour quelle descendance de la parole énoncerait-elle sa généalogie des voix ennaturées elle qui n’a ni père ni mère mais tant de berceuses à chanter aux enfants ?
Que cette vague espérée au rythme singulier de nos yeux rassemblés s’écourte et la voilà qui s’absente
Son timbre s’entend aussi longtemps que durent les sursauts du poisson tiré des eaux métisses et qui d’un élan survolté réussit soudain à rejoindre sa substance
Joyeuse nommeuse du monde comment taire un bonheur telle est sa fronde
Elle ne se soucie que peu de la place du poète étant partout elle lui fixe rendez-vous nulle part et le rencontre ailleurs sur les avancées du sable un instant découvertes par l’impudeur silencieuse de la mer
Sur les cuisses solaires des grèves de sable sans origine à l’instant ouvert de l’indécence des vagues ses déverbaux déferlent
Lorsque la douceur littorale du soir rapproche les terres de la mer lorsque les mains des amants se donnent l’union par-delà cet horizon sensuel et incertain celui qui célèbre leur initiation lorsque l’opposition du ciel à la servitude de ses propres nuages laisse la place à l’apaisement elle confond le style et lui conseille de marcher pieds nus
Prise dans le passage esseulant du temps inaccompli et pourtant déjà comblé d’enfances et de mers elle donne vie à toutes ses connaissances sans autre condition que celle d’être là
Elle sourit au silence des promesses d’avril l’instant d’un coucher de soleil
Lorsque l’averse nostalgique du crépuscule immacule l’union de la mer et de sa langue lorsque le passé orphelin du port absorbe et magnifie sa présence elle nargue l’emprise charnelle du temps
Croyant découvrir l’ultime délice de sa lettre ils ne firent qu’agiter les hochets du néant combinatoires tristes ouvroirs des procédés elle les a quittés depuis son flirt desséché avec Mallarmé
Privée de sa spirale d’enfance le mot étouffé de honte lui décline en sourdine d’incommodes identités
Au milieu de l’après-midi lors d’un été anticipé les pétales du temps s’étant épanouis et les tanches alanguies sous le fleuve elle ne se dérobera pas à ses amateurs qui l’attendent
Dans la proximité d’un voyageur illocuteur dans le regard qui luit d’une voisine pérégrine dans le sourire rocailleux d’une femme élevée au seuil de son infortune elle taira l’incertitude du monde
Pour tous les livres de ses bibliothèques de l’espèce une seule et sublime côte celle de sa petite mort
Collecte-moi collecte-moi lui dit-elle sertie d’émois
Son heure n’hérite pas de l’impatience des vents du Sud porteurs d’espérance sans cause et de déserts peuplés d’enfance heure de son enfance celle qui inquiète de sa naissance dans les sables étonne par ses caresses l’étreinte lunaire des fossiles
Une fois immergée dans la communauté du mot du mot sorti des limons hostiles puis cueillis sur les mers amicales elle n’entendra plus l’imminence bavarde du monde
Du dehors elle accourt sur les écumes ventées des adverbes de temps de toutes les provenances de sa terre elle apporte l’anneau à l’amant innommable du dedans elle insuffle le double sauvage de sa voix
Lorsque ses pas descellent les crêtes éphémères des dunes déhanchées par les vents du solstice d’été lorsque sa langue éprouve la tendresse des sables elle célèbre son séjour parmi le livre aux signes des instants
Retrouvée intacte sur les lèvres nocturnes du littoral celles qui donnent à la rencontre l’éternité dansante des éphémères retrouvée insoumise elle voile son signe à ceux qui la croient prise
Leste ignorant les trembleurs de l’échange bref et les adeptes du contact sans connaissance elle échappe au néant qui lui viole la voix
À l’équinoxe d’automne elle ne célèbrera pas les noces du temps et de la grève chargée de ses reliefs de ses reliefs exsangues reçus en toute innocence dans le chaos des flots
Elle salue le tamaris timide celui dont la chevelure teinte à l’éternité retient ses yeux rougis d’adolescence
Du temps a passé sans elle sur le sable les empreintes du sourire des dames offrent leurs muqueuses aux lèvres impavides du littoral
Promesse de rencontre plus que souvenir de désunion elle disperse ses vœux comme on cache aux enfants des œufs de Pâques dans les herbes
Son regard ouvre le temps une flamme s’écoule le fleuve touche à l’embouchure de son erre
Elle ne répète ses épithètes que pour mieux entonner son unique diversité
Lorsqu’elle oublie qu’elle est d’avant l’écrit son chant s’éloigne son dit s’absente le cœur enseveli sous les cendres du signe
Les langues de l’écume de mer portées jusqu’à l’acmé dans l’étreinte du rivage laissent entendre sa voix
La face meurtrie par la double étrave du temps l’une recouvrant d’évidences noires le rayonnement inlassable de l’autre elle prend le parti du navire qui passe
À l’entrée de l’hiver de cet hiver orienté vers l’amitié des mouettes dans les bars des ports de pêche les hommes bavardent les femmes méditent le monde trébuche elle sifflote de concert avec le masque d’Homère
Son moment évite les regards plans lorsque l’instant épuise la ritournelle du même elle survient à pas de loup la vague s’inverse les sables hurlent
Son dit n’est pas celui de la célébration des reliques ces reliques dont le céleste tire depuis leurs origines immobiles vers le gris du moisi
Les aiguilles des pins ne psalmodieront plus les mémoires de son passage mêlées aux vents d’hiver tant que l’arbre de la terre restera l’ennemi de ses écorces humaines
De qui tiendrait-elle son grain son grain bleuté son grain d’éternité son grain gonflé de la discontinuité de ce nuage emperlé de Méditerranée si ce n’était de son espérance sensible d’une tout autre espèce ?
Son abandon à la clémence de l’instant ne peut que troubler la cadence navigatrice du tricot des dames du pont tournant
Ouvreuse outrepassant son journalier elle enlace en riant la valse de l’entrant
Elle accueille cette lumière dévoilée cette lumière médiane atrophiant chaque nerfs elle qui ne demeure ni au-dehors ni au-dedans et qui pourtant invite les vivants à illuminer la terre
Qui entend dans les vents le sourire des cœurs sait l’entendre épeler le secret du passeur
Sur l’échancrure nervurée de son chant à l’instant où flotte son soliloque surprise elle abandonne au ciel et au sol le sillage de ses mots
Lorsque retentit sa lumière littorale qui dira l’étendue égrainée de sa double altérité ?
Son temps orienté vers d’autres temps sans discours et sans errance brise la voix des plus décidés tandis que les plus intimidés recueillent son innocence
Dans les confusions lucides des senteurs de l’enfance lorsque la connaissance des sens lui fut donnée au sein de la ronde des hommes de parole elle oublia son rang puis répandit son chant
SON CHANT
1997
Sa lame inciserait-elle à un tel point vital la substance blanche de la langue si l’origine de son geste ne contenait déjà la cène de ses promesses ?
Pourquoi scellerait-elle ses mots elle qui n’attend rien de la certitude triste des dictionnaires ?
Elle n’immobilise le temps qu’une fois assurée de l’amitié de la mer son immixtion au sein des tamaris tordus d’intimité avec la continuité de cette mer n’a alors de cesse qu’avec l’arrivée des orages
Ici son chant puis là sa vacance bientôt venant comme vient le rouge aux joues des adolescentes elle se rit de ses suiveurs
Ce qui abonde pour elle des brumes sucrées d’octobre retrouvera à son insu le sillage de sa parole d’union
Sous la frange révulsée où se mêlent sans se confondre les eaux de terre et les eaux de mer dans la compagnie émouvante des bancs de nuages balance l’invariance de sa venue
Ouverte ouverte sur l’instant comme s’enchantent des enfants en construisant leur maison de branchages
Même venue de l’intérieur d’un homme sa parole n’égalera jamais l’amitié libre qu’offrent les touffes d’herbe offusquées par le vent d’aujourd’hui si vite installé au nord-ouest
Affiliée aux enfances et à leurs certitudes qui tremblent elle mordille ses lèvres au souvenir bouillonnant d’un baiser dans les vagues
Au fil de l’eau sa vie sa vie patiente et obstinée
Le souvenir défroissé de son alliance avec la mer étire sans discontinuer cette toile ajourée teinte à l’encre sympathique
Confiant dans les mots de son éternité immédiate le poète doute pourtant de la portée devineresse de sa voix
Lorsque tarde sa venue et que les muges remontent désunis le courant du canal royal ici émancipé du tracas des étangs l’instant virevolte le poète alors laisse filer sa confiance dans la continuité du vent
Semblable à cette amarre maintenant relâchée mais prête à se nouer dès sa prise en main par le navigant elle tend le langage elle écoute son coquillage
Vents apaisés eaux retirées les blessures muettes des sables de la Méditerranée subtilisent la moindre trace de son passage
À trois pas de là indifférente aux entrechats des phraseurs de l’immédiat son œuvre parole qui magnifie pleure à l’union des êtres
De sa main gauche aux touchers huilés de conversations hérétiques elle conduit le poète vers les êtres qui s’oublient
Tu crois échapper à son lien elle qui est pourtant depuis toujours déliante jusque dans ce qui unit et tu découvres alors les déchirures contraires de ton entrée dans l’âge
Compagne sensuelle de l’événement sans cesse en éveil dans l’ouverture de sa naissance rebelle à tout écrit domestiqué elle laisse au roman le soin de ressasser l’expérience humaine
Rien ne lui échappe des promesses du monde et rien ne la distrait de sa quête infinie du chant unique du chant devenu unique à force d’avoir été partagé
Lorsque le ressac chargé des algues du printemps lui livre les ritournelles de la mer comment ne s’abandonnerait-elle pas à l’extase des sens ?
Au moment absolu de son intimité toujours inattendue et toujours incomplète le poète frémit sous cette union toujours insatisfaite
Passante leste à peine vêtue de ce réel sans adjectif de ce réel dont les étoffes s’offrent au vent marin que pour mieux dévoiler sa présence éphémère elle effacera là l’errance de ses pas car ceux qui la suivaient prédisaient son trépas
De longue date dans le procès de vie qui unit les hommes elle a choisi l’amitié de celles et de ceux qui contre toute espérance ne désespèrent pas de l’union
Dès le matin sa main se fait servante du mot tendu d’intimité du mot abîmé au sortir des mailles d’une langue désœuvrée du mot venu lui seul du livre qui n’a plus de fond au matin cet été d’un seul mot elle est chant
Éperdue dans l’étreinte de l’arrière-saison celle qui contient avec une vive tendresse les émotions intimes de l’été elle extrait de la terre les baisers de sa lettre retrouvée
Lorsque tu rencontres son regard en train de caresser l’espérance inscrite comme à la plume par les cyprès de Provence lorsque tu n’ignores plus l’instant de la levée de l’œuvre à même l’ocre des sols antiques lorsque l’œuf du monde refuse ses secrets aux repus des blanches innocences lorsque les amants abandonnés à leurs démons découvrent sidérés au sortir d’une étreinte que ce fut celle de leur unité scellée lorsque l’ombre de l’inquiétude ne parvient plus à voiler la lueur souriante mais jusque-là insoupçonnée sur le visage de l’aimée lorsque les hommes de la terre parlent entre eux le langage des arbres alors tu entends son chant
De sa fréquentation automnale des eaux littorales elle ne tire aucune passion immédiate seulement une mémoire de la parole primordiale celle qui unit le pêcheur et la mouette
Dire à l’autre son chant demande l’enthousiasme grave des amants joint au juste mouvement de la main du musicien
De quel horizon aussi tranché à vif de quel horizon réconcilié avec la distance blanche de son origine de quel horizon porteur d’union son chant surgira-t-il ?
Ses amateurs savent attendre la montée aux cantiques de sa seconde voix celle qui surmonte les désaccords initiaux alors ses amateurs osent la pratiquer
Là elle est là lorsque s’inverse le vent du milieu du jour et que s’installe sa joie au travers de cette mer immuable
Les traits familiers de son horizon ont-ils à peine commencé à saisir l’heure du rendez-vous avec ses voix que chaque éclat de mer rapproche les langues divisantes des humains
Tremblés par les humeurs de la mer des petits matins d’hiver ses mots se dissimulent dans les trouées des roches de la jetée là ils jouissent en compagnie des crabes
À l’instant même où les doigts enfiévrés des amants enfin se touchent son chant soudain guide le monde
Jamais de sa vie elle n’a marchandé sa foi sa foi vierge de la valeur sa foi couleur des feuilles d’olivier fécondées par les vents d’hiver sa foi sans phrases dans l’œuvre de parole des humains
La main tenue le corps tendrement tendu vers toutes les mémoires de sa rencontre tu sais maintenant que ces sarments de vigne mis à nu par l’hiver inscriront son prénom sur la page nocturne arrachée aux nuées
Avant que les eaux déposées jusqu’aux dunes par les coups de mer de l’hiver ne disparaissent dans les sables et que de cette douce fusion surgisse le visage du rivage pour une saison tu es certain de sa présence dans le cri tout proche des mouettes pourtant étrangement dissimulées par les épaisses brumes de ce matin de printemps
L’ampleur de son chant est toujours là accordée à la fidélité saisonnière des hautes eaux camarguaises elle te convie à partager du temps au plus près des barques de pêche à demi immergées tout offertes à sa parole aussi longtemps que s’écoulent ces mêmes hautes eaux la mer ne supporte plus l’écume sombre des sillons civilisateurs l’ancêtre des maîtres chalutiers dément le moindre mot qui contrarie l’heure faste de l’arrivée du bateau des fils l’heure de l’union autour des amas poissonneux que l’on trie l’heure où les mots de l’amitié du monde émergent des coquillages
Brin d’amarre sans navire brin d’aimance relié aux divinations des osselets jetés sur les sols soulevés de l’enfance elle inverse avec le sérieux d’une pythonisse le cours du canal royal
Elle établit ton présent sans elle tu ne t’inscris plus sur le silence loquace des sables de ces sables encore humides des averses d’avril aussi brusques que brèves sans elle ton regard des horizons s’enlise tu sais que son nom seul porte au sommet l’aspiration des hommes à la communauté ici dans sa présence sapide ici en compagnie d’Orphée tu prends date pour d’autres rencontres
Lorsque le souci lâche prise et que les pêcheurs étalent sur le quai leurs filets étoilés des êtres de la mer elle s’empare alors du monde soudain le temps frétille le flan du thon entravé scintille de son dernier éclat la vie fait la roue
Par les grau ignorés de son regard intérieur les êtres des lagunes se mêlent aux visions survoltées de cette mer offerte
Elle si longtemps contenue hors des Lettres et des Livres elle qui a su d’abord unir le dire et le faire des vivants sans célébrer pourtant leur noce dans une civilisation elle qui a si souvent laissé aux besogneux de l’écriture le salut risible des œuvres elle elle elle sur le ponton du bar d’Angleterre
Avec l’araignée du matin qui révulse l’ordinaire et son chagrin elle détrousse lentement l’intimité du mot jusqu’à découvrir les sources de son tremblement
Dans le passage âcre de la lumière de juin soumise à mi-journée aux caprices du vent marin elle se laisse seulement deviner sur les sables intouchables de l’autre rive
Avec elle abandonnés à l’enfance des mots indociles des mots dessertis de toute syntaxe par les syncopes de son chant avec elle abandonnés à l’enfance des mots les amis s’élancent
Son œuvre de cœur c’est le discontinu dans la fidélité à son invariance
À peine les premières risées de la brise du large s’annoncent-elles au midi de cette journée de juin déjà complice de l’été que tu la reconnais dans les yeux rieurs du garçon ravi d’être invité à la table des hommes
Jetée sous le langage mais toujours hors sujet elle couvre et recouvre à même le rivage ses maximes de mer incrustées en oblique par les crabes carrés de roche
Ton littoral l’attend la voulant intense et quiète ton littoral espère sa venue puisque les eaux d’aujourd’hui s’offrent mêlées à ses deux manières intenses et quiètes de visiter ton littoral Ton littoral l’attend à tous les sens du verbe attendre y compris au sens où le pratiquent les amateurs de bouvine dans les villages de La Petite Camargue désignant par cette parole téméraire attendre le biou le geste de celui qui immobile au milieu de l’arène faisant corps avec le trident pointé vers l’avant cite le taureau pour provoquer sa charge et porte alors le fer sur le mufle du fauve le déviant ainsi vers l’entrée du toril
La communauté des sortilèges de l’été attend son étreinte l’instant de son étreinte tout à la fois pratiquée et contemplée soudain tu sais que la communauté des sortilèges de l’été copule son unité
Rencontrée sur les sables communs allant son pas allant sans autre don que celui de faire l’union des poissons-parleurs et des neptunes-rêveurs elle disputera toujours le dernier mot à la mort
Lestes et lents accordés aux senteurs soufrées de ses verbes d’origine lestes et lents ses gestes cannibales de mante religieuse abolissent l’instant qui n’ensemence pas
Lorsqu’elle donne de la voix ce n’est pas dans la langue des sages son chant pourtant disperse la pensée des vivants son chant que les enfants savent reconnaître à l’oreille dans les coquillages
SABLES INTOUCHABLES
1999
Vol d’étourneaux affranchis de Buffon et de Lautréamont son temps ouvrant lâche ses mots étranges à la rencontre des migrateurs
Elle insoumet les mots qui disent la vie sur terre aux errances du rien autant qu’aux terreurs du tout
Au tracé de son nom sur les sables intumescents sur les sables tuilés d’avoir été si remués par les hautes eaux de l’automne au tracé de son nom en présence du vol éphémère des flamants des êtres natifs prennent langue
Tremble sa lettre lorsqu’émergent les filets inféconds pourtant placés avec persévérance sur les fonds de la maturité
Instiller au présent la substance blanche de ses mots à l’écorce fendue ne lui a jamais suffit il lui faut affronter les verbes survoltés il lui faut coïncider avec le zénith il lui faut éprouver l’apax d’une danse avec la langue il lui faut côtoyer en silence l’espérance blessée du garçon solitaire il lui faut sous les doigts déchiffrer à l’aveugle la lettre oraculaire des nacres finistères il lui faut un littoral à féconder il lui faut atteindre l’heure de la rencontre avec les voix qui flottent
Épousant la levée détrempée de ce jour de déluge lovée à l’abri des embruns derrière les pierres priapiques de l’ancien phare elle se fait mouette parleuse emportée par les rafales du Marin blanc
À même les sables cuisants ceux-là mêmes qui rendent interminables les courses vertueuses des femmes et des hommes vers leur enfance à même les sables cuisants ceux qui acceptent seulement les pas de l’imminente dans cet espace innocent où le poète ne dit mot à même les sables cuisants elle inscrit son trait à blanc
Dans cet automne finissant les hautes eaux étant venues les ventres des barques s’offrent à la caresse de ses phrases
Après le passage des macreuses parleuses dans l’angle ouvert pour tous ceux qui savent respirer le port à la juste place de sa parole qui subjugue de sa parole imprévue à la juste place laissée libre par les amants là tu l’attends
Tu la devines mêlée aux eaux grossies par les pluies ininterrompues de ce décembre gris tu la désires libre œuvrant au-delà de l’échange se donnant aux puissances amicales du monde tu acceptes ses prophétiques certitudes tu fais corps avec elle dans chaque vie qui commence
Par elle à l’impossible tous sont tenus oui tenus mais tenus d’une main qui délie tenus sans autre lien que celui unissant ce nuage de sable au vent de Narbonne qui argente la grève
Dès ce matin malgré la présence intense de la mer elle refuse d’offrir ses mots pourtant érodés par l’autorité du rouleau puis de la déferlante elle brise la continuité de nos conversations avec les poètes primordiaux elle outrepasse nos séductions et nos suppliques elle échappe à nos yeux incapables d’épouser son cours dès ce matin malgré la présence intense de la mer elle marque son écart
Aujourd’hui la place est bonne à la pointe jamais nommée de sa parole païenne là au creux de l’heure et de sa volée de poudre tu guettes ce qui rendra son chant insoutenable
Signe avant-coureur de son avènement ce matin l’aube a rougi le duvet rose des flamants bientôt elle sera pour toi la verticale du soleil de ta manière de la pratiquer dépend la hauteur de sa venue
Elle n’oublie pas l’instant révulsant l’instant où se réconcilie les tremblés inassouvis des étés de ton enfance et les visions réalisées depuis ton entrée dans l’âge d’homme
Que soit loué son instant réconciliant celui de l’amitié des ciels élevés mais restés pourtant si proches l’instant de l’étreinte des sens par le silence des sables
Cette année-là les vents d’avril soulevaient déjà les sables à la manière de ceux qui soufflent au début de l’été les ceps de vigne s’alourdissaient de leurs grappes précoces syllabes à la recherche de leur union celle qui prononcera les mots de la vendange et de son abondance
Rejoins l’insurrection fleurie des genêts sauvages soulevés pour la cause du ciel azuré de mai là elle délivre à ses partisans l’innocente vérité du jaune d’aujourd’hui
Tu la cherches à midi à quatorze heures elle surgit mais ne dit mot jusqu’à l’escale de Sacramento
Farouche comme ces pierres que l’âge infini de la terre fait remonter du sol calcaire elle cherche son aire de battage des stances auprès des sables du littoral ces sables matriciels eux seuls à même de découvrir l’origine des chants remontés avec les pierres du sol calcaire
Ses derniers mots tracés par l’orage d’hier les nuages du large oracles dissipés apaisent les clameurs des amants de la mer
Elle ouvre pour toi le cercle des danses en l’honneur des nouveaux nubiles elle t’initie à sa langue d’avant la ville sa langue de terre et d’eau enceinte d’espérance
L’étreinte lucide de l’eau de mer de cette cinquième matinée de septembre supprime l’instant incertain et pesant de sa convocation d’emblée tu es son vocatif tous les corps du monde coïncident adonné aux virevoltes des flots restés enfant tu lis son évidence sur le palimpseste du sable submergé
Ni magicienne ni prophétesse ni devineresse simplement étincelle qui trace l’autre ici du temps
Avec elle tu épouses tes pas d’enfant inscrits au présent historique sur les pontons du port nulle répétition dans cette festive coïncidence
Ni vue ni connue de sa venue incongrue seul le biju s’est ému
À chaud dans une rage de Ménade elle égorge les mots sous le porche du temps
Son vent égrène sans appel la parole serrée du sénevé et de la grenade
C’est aussi sur les lisières que séjourne son lexique mais sa matière est de plein bois comme son vers est d’eau profonde
Ici même à découvert d’infini germée d’intimité sa présence imprimée sur la grève où tu lis ses bonnes veines installe une vérité dans un seul intervalle de vagues
À la façon de l’enfant qui évide une tige de sureau hâtivement taillée sur les rives des vignes pour s’en faire une clifoire elle creuse ses strophes dans la moelle de l’amour à la dimension des micocoules
Emplie des temps où elle s’absente de la mémoire des hommes la mer de ce matin de novembre laisse pourtant respirer son chant jusque sur la courbure écaillée des dunes
Même recouvert ou bien encore bousculé chaque rocher du môle de la rive droite garde la rumeur de sa venue là épousant son pas d’adolescente tu réconcilies les heures déchirées du rêve et du livre
Alors elle regarde l’antre archaïque du rocher méridien ce creux offert aux fables cruelles des flots alors elle confond la mer et sa mémoire alors elle s’irise des verbes à l’impératif alors elle s’immisce par les voix du monde nervuré alors elle s’unit avec le littoral
Éclat de vie surgi ce matin-là du reflet d’eau de mer retenue dans un coquillage émergé sur le banc de sable ce matin-là solidaire de la grève jusqu’à son dernier sédiment ce matin-là elle égrena sa parole d’au-devant
À trois brasses du rocher creusé aux splendeurs de son dire la sarcelle d’hiver s’applique à sa plongée nourricière soudain l’oiseau émerge de son apnée féconde s’ébroue et luisante des brisées de l’instant la sarcelle d’hiver alors lui donne sa quiétude
Rehaussées d’espérance leurs limons soulevés par les vents marins de l’hiver les eaux des étangs contenues et pourtant s’écoulant dispersent en franges révulsées son heure inoubliée
Par la trouée du ciel plombé de janvier son verbe se résorbe les houles de l’antiphrase une fois affrontées les filets sont calés au large ses mots dérivent vers leur rendez-vous avec les grands fonds là ils seront sans attente immolés comme fut immolé l’arbre du rivage emporté par le Rhône
Trouve trouve son cri sur la côte cambrée du golfe d’Aigues-Mortes soulève son écaille épouse ses couleurs d’eau lorsqu’au milieu du jour l’heure devient confuse et que les saladelles accueillent les confidences de la dune
Aujourd’hui tu étrennes le ciel du littoral les mouettes avides t’initient à leurs limpides cérémonies de leurs voltiges tu tires de subtiles leçons de vie l’instant soudain devient infini la dernière barque catalane résiste aux entailles et aux altérations du flot saumâtre quelques rares hirondelles s’élèvent vers les nuées pour y nouer l’éternité
À l’appel de la palme inséparable voici qu’approche l’heure douce de la coïncidence celle qui désigne aux amants la voie de leur couche de roche disposée à l’écart sur la mer
Pourquoi l’herbe des sables se détournerait-elle du passé de la dune ? Aux temps imminents du renversement leurs cours ne doivent-ils pas se rencontrer ? Rencontre de vie pour la terre qu’elle prépare à présent
Au jeu des lettres et des portraits elle passe son tour sa place libre de toute possession s’offre à la plus commune des paroles
Les hommes s’attardent sur la rive ombrée du port ceux de La Jeune Lance et ceux de La Providence assurés dans leur pas d’été prennent langue ils se disent les soucis du monde accordés pour la durée d’un cri de goéland ils se taisent tout près captivé par la quiétude de ces hommes qui s’attardent le flot du canal frémit
Stylite des eaux lissées celles de l’imminence des premières risées de la brise maintenant le mât de l’antique barque catalane marque l’alliance cachée des regards de l’enfant et des silences du gréement latin
Rien n’a changé dans la cour d’oncle André tout juste devenus plus noueux les quatre rameaux du jujubier se laissent secouer sans réserve ils servent leur pluie de fruits matures au mitan des vendanges elle a maintenant disparu cette paille jadis répandue à même le sol de terre battue mais ta mémoire des chevaux endiablés est toujours aussi vive rien n’a changé dans la cour d’oncle André
Sur les deux rives du canal royal un instant réunies la face nocturne du monde sourit
les rafales d’automne du Marin maintenant apaisées laissent libres les liaisons sérieuses entre les quelques vivants qui ce soir n’insultent pas le port
désétreintes à la merci de la nécessité des sables les eaux avancées au-delà de la grève s’élèvent
l’heure hésite son pas cherche la marche amicale d’un sol timide que la mer aurait préparé pour elle
tardivement faufilé sur les extrémités de la langue le poème opère sa version le défaut de la dune ce soir n’aura aucune conséquence sur la course incarnée du silence
trop longtemps contenu entre la terre et l’eau les mots forment alors ce littoral sans nom qui appelle la halte des migrateurs
Affluent soudain ces nuits d’été adolescentes où l’attrait des sanglots des saxophones rendait toutes les amours possibles et voici qu’à l’entour du tamaris le plus effronté de la jetée commence la danse du sel et de la fleur
Lorsqu’elle élançait son regard sur la mer le bras droit relevé pour ombrer son visage et que le vent du large instillait son passage sur les boucles cuivrées de sa chevelure sa parole plaçait là les origines à venir sur l’instant tu savais possible l’espoir sans cause de la mer
Les proximités parfois frivoles de l’été une fois surmontées rendus à leur étrangeté première saisis par les douceurs diaprées de l’arrière-saison les femmes et les hommes se parlent sur le port ils résolvent entre eux les énigmes animales gardées par les lagunes
Proche si proche des yeux pourquoi douterait-elle de cette réalité de l’air d’octobre aujourd’hui si clair comme un mot déposé sur les lèvres effilées du port l’étoffe noire des flotteurs encore retenue écrira une fois les filets calés sa lettre de constance là-bas tressée d’écailles
ICI PRIMORDIAL
2001
En parole son cycle n’est que commencement d’emblée elle donne matière à suivre sa conversation parmi les vivants sous ses mots inédits l’humide vient aux lèvres cruelle autant que vraie la joute des verbes pris à contre-temps sacrifie ses meilleurs lutteurs
La voici à nouveau découverte tu devines son verbe révulsé à même les vulves offertes des flots et puisque la mort de l’autre presque mère t’a éloigné de ses mœurs tu célèbres maintenant sa course rouge de vie dans la lumière des écumes de sel sur la jetée où s’ouvre pour toi le ciel l’heure soudain s’altère
Les filets de la pêche au chalut tendus de solitude ne cachent plus leurs déchirures de ses mains de tisserand des mers certain de son désir d’éternité l’homme alors résorbe la béance mais la pêche pourra-t-elle se poursuivre si le poisson et la poésie bientôt s’absentent ?
Poésie tu habites les terres ocre et caillouteuses de l’origine tu mets en marche l’enfant qui veut jouer et qui jouant s’inquiète en découvrant la durée
Poésie tu es présence sur la voie des vivants qui ne désavouent pas le terme mais qui sans attendre s’unissent pour le bouleverser Poésie ils disent l’existant du monde tu nous en donnes son tremblé
À point par elle nommé il faut que cesse le vent de terre qui fraîchit la nuit pour que l’aube d’avant le rouge laisse deviner son jour et ses douces occurrences il lui faut ce passage au bleu cette espérance de lumière comme il fallut cette nuit-là pour le pêcheur du pont tournant croire à la luisante et belle vérité de la prise du loup de l’aube
Abandonnées à la cadence de leurs verbes de mer les mains magiques du poème avivent sa venue ce midi de septembre ouvre à sa providence voici l’heure où faillit l’artifice celle où les mots ne pèsent plus
Au plus fort de la mise en fable les êtres de son cru étant infigurés elle donne aux animaux leurs noms de cérémonie
Elle vient soudain évasée livre ouvert sous les sables recouverts par les eaux de l’automne elle vient ah ! pourquoi la croyaient-ils tarie ? elle vient sur les lèvres nommeuses de ce cuisinier singulier elle vient ensemencer l’écrit de ses fautes fertiles elle vient sur le canal royal car l’heure approche de la criée elle vient le patron du chalutier déclame ses douze casiers d’espérance elle vient délestée du fatal son verbe partagé avec tous les vivants porteurs de son passé
elle vient lettre invisible prononcée à la proue du Marie-Jérémie
Aujourd’hui la mer est d’huile elle veut parler de son passé de son passé et des tellines qui laissent sourdre leur amour aujourd’hui ton cœur épèle les impatiences de la terre celles des asphodèles et celles des ferventes
Au-devant de sa voix la lumière de cette fin de l’été étant maintenant conviée à l’entendre l’heure est bonne pour se réunir avec les chats malins des marins-pêcheurs
Après trois jours de Marin blanc lorsque les pierres disjointées des demeures du quai laissent passer humeur et mémoire après trois jours de Marin blanc ses dires d’eau et de drames préoccupent les mères des pêcheurs après trois jours de Marin blanc les basses terres s’insoumettent face à l’unité dominante du flot de l’étang et du flot de la mer
À toute heure en tout lieu elle peut te donner son jeu mais à cinq heures ce soir sur la jetée où tes pas dans ses pas t’ont amené elle refuse les strophes qui profèrent son rejouement
Elle te dit le monde est là et sa parole te rapproche du pêcheur qui peine à secouer de son filet les familières petites prises les nécessaires petites prises à son existence faite d’eau et de sole-lumière elle te dit le monde est là car la douceur du vent des Dames donne aux étangs ses inédits
Certes debout mais la tête courbée un homme marche sur la jetée certes debout mais la tête résorbée il va porter un regard pourtant confiant sur l’horizon du jour il va et il revient accompagné des prétentions élevées des mouettes nourries en cœur à la passée du chalutier
Les nuits d’hiver cette mer devient dissemblable du fond du temps son récit intérieur rend soudain présents nos instants sidérants ceux des rencontres du chant et de la voix lorsque nos êtres tremblent et que la nuit les envie
De ce frémissement des lettres adolescentes surgissent inaltérées nos vagues hors du temps bras-dessus bras-dessous ensemble elles rient jusqu’aux rochers de la jetée là ouvertes sur l’horizon du monde elles jouissent de la conversation des oiseaux de la mer
Sitôt installé dans l’instant vespéral de cette journée de février et sitôt le sable de la grève soulevé soulevé et emmêlé s’accrut alors l’union des grains avec la parole gravide du Mistral noir
Jusque-là sans lumière retenu dans l’eau calme du canal entre le quai et le chalutier l’axe du monde se découvre maintenant dans les dictions du vent caducée entaillé par l’indifférence cruelle des câbles et des mâts
Ils disent inspiration alors que simple abonde sa présence ils disent métaphore mais un seul mot pris sur l’envers de cette mer aujourd’hui si féconde suffit à faire l’unité du monde
À merveille sa mémoire de mer à midi si proche des arapèdes et de leur patience d’épouse donnait d’abord au grau ses mots de bonne augure
Au hasard nécessaire de sa place sur les pontons de mars l’instant s’inverse sous l’influence faste du vent d’est sa vue butine l’orifice vierge du monde ici proche de ses yeux du dehors le jeune homme à la ligne passionnée sépare le muge d’abord de son banc puis de son espèce affranchie de l’entrave des haubans la parole du Marin blanc ne cède pas son chant aux images mutiques des promeneurs du dimanche
Ce soir le noir de la mer retient ses mots insoutenables ce soir éloigné par le noir le phare de Sète épèle pourtant ses stances de lumière ce soir l’instant hésite pris par des mots sans nom qui s’amarrent au mitan du langage
Maintenant le moment de l’ultime lutte s’étant mis en cours la mort convulse en violentes cadences l’être vivant du père qui jouit son trépas
Voici venus les vœux du matin ceux que la lumière de juin jette soudain en avant de sa vue de sa vue dévouée et de son geste nouvellé voici venue avec la croissance nécessaire des olives cette transfiguration visible d’une certitude de son passé voici venu l’oracle à la voix rauque celui qui dit l’invariance timide du monde voici venu le chantre des partitions manquantes voici venu le chat-huant visitant les violences faites aux sens voici venus les présents sans histoire ceux qui oublient les verbes perlés de la rosée combattant les syncopes du cyprès
Sous le maquillage de l’actuel et de ses lames qui ne cachent plus de langue le passé du port transparaît il pousse les eaux à bout de patience vers un autre présent un temps présent qualifiant accordé aux caresses des algues un ici primordial guéri des blessures de l’oubli
De terrasse en terrasse les voix des hommes tranchent l’unité du bleu elles célèbrent l’intempérance de la fête malgré sa nécessaire répétition sans se soucier de la liaison de terrasse en terrasse les voix des hommes ensemencent le monde maintenu à l’étroit sur le môle de la rive droite
Face-à-face mais devant la mer les amants dévorent l’horizon mais à califourchon ils irisent le ciel et le ciel les choisit libres mais avec soucis
Comblée par la limpidité des eaux dans cette extrémité de l’été elle révulse l’autorité du temps fossile visible d’éternité
De cette bonté que seule la fin de septembre singularise arquée par le charme des sables oui de cette bonté de septembre elle te donne le suc
Dehors se tenant nécessairement en dehors elle n’attend pas que le port lui accorde une entrée elle qui accompagne au même instant le même chant sur les eaux des étangs et sur les eaux de la mer
Dans l’ouverture discrète à la durée elle retourne à sa disposition sensible celle qui sidère l’enfant
Ici non pas lieu mais espèce les pontons rêveurs de la rive droite généalogisent le passage du temps
Parole élevée et pourtant parole fragile parole de stylite absent aujourd’hui le vieux phare parle de l’invariance verte du port
Parvenue à la pointe de l’épi et de ses pures intimités pour toujours enchantée par le silence des sables elle entend l’invitation du sans fond sur le sourire oblique des poissons
Purge purge les nostalgies de leurs trop connus ressentis fouette fouette les mémoires des mères celles qui émeuvent le présent jusqu’à lui faire perdre haleine
Là se nomme lagune et là s’installe le vocable désirable des algues là au matin calme d’une mer d’hiver s’abandonne le solitaire cet homme inamarré la face tournée vers d’autres circonstances
Sous l’aile sans repos de la mouette rieuse j’ai vu le temps hésiter puis se raviser et reprendre son vol à la recherche d’un meilleur éphémère
Venez hautes eaux d’équinoxe alourdies de vos roseaux arrachés et de vos gravats emportés venez et survenez puisque ce soir vous m’apportez les rires sévères d’Omar Khayyām mêlés aux révoltes cuivrées de son frère Rexroth
Nos pas à jeun d’une espérance crissent sur les sels d’embruns ces étrennes de la jetée dès lors comment accorder nos pensées inachevées par la faute du large avec nos souffles coupés de leurs feux intérieurs ?
Dans la lumière frisante du dernier soleil de l’année elle donne son langage d’avant la parole aux vergetures fauves de ce maroquin leur dit n’a pas d’origine leurs inscriptions ne séparent pas les mots de leur commun auteur leur tracé singulier donne accès à de la connaissance
Sous les six tuiles soulevées du toit des êtres autonomes j’aperçois de la perte sous les six uniformes d’exercice des cyclistes fiers de leur discipline j’entrevois de la perte sur les six visages lissés d’artifices sortes de hères séparés de leur matrice je devine de la perte pourtant sur ces six dunes rendues vierges par la Tramontane d’hier j’augure d’autres engendrements
Nulle requête nulle qualification dans cette présence de la lumière en janvier dans l’existence calme des eaux un midi en janvier aucun aller dans leur jet vers la mer aucun retour dans leur jusant vers les étangs seule leur fidélité au temps offre au poème son passage
Ce littoral établi sur les noces des sables et des eaux ce littoral aux racines fluides mais possessives ce littoral sans croyances et qui pourtant prophétise l’union ce littoral où les vents dictaient l’action des hommes maintenant séparés de la certitude des saisons ce littoral qui n’a pas trahi la retenue de l’aigrette se posant sur un bastingage ce littoral sans espace limité sans rivage orienté ce littoral dont le nom est un passage ni paradis ni utopie ce littoral n’a qu’un ici c’est celui du natif
Algues naissains les mots soudain affleurent oui affleurent pour la seule cause de la parole commune qui les associe les mots soudain surpassent les stases qui les endiguent les mots osent se prendre par la main et leur gorge alors dit en chœur
Exilée dans ses extrémités la mer immobile résiste à la poussée du hors-sol la mer indocile désigne la cause certaine des pertes la mer enfin remerciée pour sa connaissance de l’émotion du monde pour son influence sur nos sens dévastés la mer malgré tout notre arrimeuse
VENTS INDIVISANT
2004
Il lui faut une origine sans nom pour fêter l’insuffisance fertile des mots il lui faut une enfance pour sauter à califourchon l’invariance des verbes il lui faut une journée qui s’abandonne pour s’orienter dans les fastes venelles du temps de ce temps qui joue avec nous contre ses aléas
Tenue à distance du doute qui pourtant s’est voulu insistant les certitudes divisées du monde étant maintenant bord à bord sa voix peut alors redoubler d’intensité et l’enfant visiter ses vertiges seul sur la jetée
Ici les eaux timides du jeudi de l’Ascension aspirent à l’immobilité sur la substance innocente des bittes d’amarrage l’instant déverse ses accidents soudain les deux quais si souvent séparés coïncident et de leur communauté le ciel désassombri célèbre l’unité
Le lent mais rugueux cheminement de l’heure méridienne s’immobilise sous la merci des idiomes du môle du môle renversé vers son origine
Ces mondes immodérés du bleu résistent à la coulure pourtant incalfatable du temps
Voici la cueillette rassemblée livrée aux regards de la communauté voici les récits des travaux et des jours reliés à même le sol tramé de l’assemblée voici les hymnes d’accouplement des verbes d’avant l’écrit voici la danse amblée des monolithes qui clament leurs entailles
Irregardé l’événement des mains attirées vers leur unité découvre dans l’après-coup les êtres de la jetée passibles d’amitié
Du côté exposé à la prise du vent elle paraît s’éloigner pourtant à la vue sans images des cadences lentes de ses hanches les verbes s’insoumettent à l’ordre insensible des balises
Sitôt l’espoir attiré sur la rive droite de son passé sa présence afflue et ses termes singuliers viennent qualifier l’instant sitôt faite son œuvre sensible sitôt le monde à elle dédié alors à l’appel complice des poules d’eau répond le rire à satiété de l’enfant
L’assaut précoce de ses mots révulse les sens des vivants de ces vivants qui abolissent la finitude du littoral unis dans la candeur de cette cause ils s’accordent à ses commencements
Accepte ce bond du poisson jaculant son eau à l’instant où ce nouveau nuage vient coïncider avec l’opposé du poème
À peine effleuré et pourtant touché par l’étoffe trouble du temps le poète séparé de son aile cherche encore le monde à même les corps
Témoins fauves des voix venues avec les hautes eaux les platanes de la place cèdent l’appel du chant aux partisans du vent
Immuables ligneurs ces familiers du môle parlent des poissons et de leurs lentes déprises ils sifflent contre le temps comme des appelants qui trahiraient le piège
Ouvrante aux eaux de preuve de l’automne généreuse dès son origine sa matière est déjà là instant sans incipit elle contrarie pourtant le lit improbable du canal
Lorsqu’elle cherche les pas de la lumière sur les anciens rochers de l’avancée du môle le monde se montre enfant
La palangre n’est plus là d’autant réelle est sa remontée même abandonnée la palangre ramène l’éternité l’éternité des espèces jadis pêchées par ces hommes proches des roseaux dans cette absence de la palangre et de sa plate barque elle enchante l’instant
Levée dédiée à la lumière elle répond en droite ligne à l’horizon insevré de ce midi de décembre voix élevée dans les brisées de nos vies elle invective les ventres bleus et leurs statures de sel
D’où elle vient les eaux d’hiver pourtant maintenant si dispersées ne sont pas séparées de leur source d’où elle vient le goéland y médite et le marin y soupire lorsque la mer est grosse de ses paroles retenues d’où elle vient les ponts sont inconnus puisque les mots y prennent tous un trait d’union
Elle donne foi aux eaux égarées de l’ultime jour de l’année jour de l’attente jour de la touche des infinis car avant même d’être vus ses proches pressentent son cours dans les affections qui montent
La voilà renversée la voilà émondée maintenant que le fond de la mer s’est entrouvert la voilà adonnée à l’apogée des verbes qui effilent la voilà livrée aux œuvres vives de ses lointaines intimités initiée par la certitude de l’heure et de sa voûte discernée la voilà qui s’éprend des familiarités dites sur la jetée la voilà qui se dépense semblable aux jeux de sable des adolescents elle qui certes se dépense mais qui ne cède pas aux jeux stériles sur son langage
D’abord ce doute sur l’indolence trouble de la mer puis cette liaison avec les langues intimes des êtres indigènes et cela dans une rencontre sans fin avec l’espoir des voix car le rocher et son regard se rejoignent
Afflue afflue sa fidélité à la moitié du jour cette heure où les eaux refusent d’avouer la cause de leur tout autre couleur
Tracé d’orage sans provenance la voilà qui élève cette voix devinée entre les vagues cette voix grainée d’abondance capturée dans la lumière de ce mois de mai dessalé
L’aile de sa lumière enfièvre le dernier jour de mai présage d’un été de verbes au singulier de verbes venus à terme de verbes à l’état naissant l’aile de sa lumière révèle l’union du phare ancien et de la maison au dauphin céleste
Non pas déversant mais d’emblée présent le môle de la rive droite inspire la nuit et sa charge d’oublis à son extrémité devenue invisible aux êtres divisés les vagissements du ressac se mêlent aux certitudes de la mer
De la plus lointaine des tempêtes d’automne chargée des grains énonciateurs et portée par les voix d’avant les vivants de la plus lointaine des tempêtes d’automne invariante elle et ses eaux partout
Aucun de ses mots pourtant présents dans ce midi désigné muet par le vent et la lumière de l’hiver aucun de ses mots ne trouvent grâce à ses yeux à ses yeux déchirés par l’amitié de la jetée maintenant plus que jamais affluant ses mots irrévocables transfigurent l’instant celui qui unit l’étang et son désir de mer
Sa fuite leste dans le bleu capricieux de l’heure dans ce bleu qui la possède avec sérieux sa fuite n’est pas une absence car ici l’oubli étant dissipé seule elle déverse l’éternité du sable sur la rime invisible de notre amour
Aujourd’hui en présence des eaux de lait de la nouvelle année un titre surgit poésie indivise
Assagi par les froids de la saison sans phrases le canal à présent garde son sérieux il la tient à distance elle qui pourtant de si près s’ouvre à sa conversation
Elle connaît ses couleurs de février ses couleurs inoubliées des touches de février celles qui sous la dictée du vent devancent le turquoise elle connaît ses filles et ses fils de février celles au parler sans fard et ceux dont les appels lui tournent le sang
Malgré l’adversité du vent marin l’aigrette cherche l’arête extrême du rocher cette arête qui lui permet d’espérer l’arrivée du mot qui contient tout
Elle mouette aimantée par sa visée sans cible ni flèche elle veine ouverte pour l’instant de ses visions
Là tu as vu son ventre tendu son ventre cintré des vergetures d’un avenir qu’elle veut sans incertitudes là dans la permanence du canal tu as vu son verbe souvent tissé d’invisible s’adresser aux vivants qui savent aimer sa voie
Faite et défaite par le tout venant sa récolte coulée de la cueillette commune écoute déjà l’impudeur des futures pousses
À la pointe inverse du port et de ses preuves elle vient sur le quai des douaniers elle donne foi au dire des filets délaissés là ses pas en pointes chavirées invitent à la danse les amants inlassables du canal
Ici ouverte déplacée comblée ici étreinte étreinte à cause des eaux et de leur calme remontée de l’origine ici surpris par l’éveillante tu prends langue avec les étangs celui du Repausset et celui du Ponant
Aujourd’hui uni uni à l’horizon plénier de la Méditerranée aujourd’hui uni à l’indolente présence de la dune et de la dictée de ses mots retenus aujourd’hui uni aux frises des tamaris et à leurs langues autochtones aujourd’hui uni unie unies unis
Brève fugue en ré que sa durée lorsque le rocher cherche le baiser de ses arapèdes
Tu l’as trouvée éveillée aux substances saillantes de la mer de la mer autochtone et non recommencée
Tu l’as trouvée la voix creusée les lèvres soulevées par l’instabilité ancestrale du littoral
Tu l’as trouvée dévoilée la face désornée par sa lumière native
Tu l’as trouvée celle qui même obscure ne connaît jamais l’ombre
Toi déjà là avant que l’automne soit nommé par les anciens hommes des marais toi inédite complice des pluies de la nuit toi matinale compagne hors d’atteinte et pourtant attouchée avec toi debout au rendez-vous unique de l’année avec toi tout à coup nos regards touchent le Canigou
Un pas de plus en présence des strophes dépecées puis déposées par la tempête un pas de plus vers l’énoncé venté de son nom un pas de plus à l’extrémité du passage des eaux un pas de plus et tu entends sa voix d’enfant à la fenêtre du vieux phare un pas de plus pour contempler l’arrivée de la pluie qui profère son phrasé un pas de plus en compagnie de sa connaissance
Pourtant tirée des sonorités d’ici sa note de novembre ne parvient pas à retenir cette parole espérée cette parole qui fête les naissances
parce que tirée des sonorités d’ici sa mélodie s’empare maintenant des êtres de la mer
puisque tirée des sonorités d’ici sa mélopée lance son appel pour la vie qui frémit
Au dire de son murmure à la durée solaire les grands jours s’abolissent au dire de son murmure chaque jour s’offre pour une origine aujourd’hui son murmure dit que le port privé de ses vents d’hiver entend pourtant son chant
Exaucée par la mer la Croix du Sud fille des écritures accepte le défi de la saison des froids
Une fois le premier poème venu tu apprivoises sa voix entre le feu et l’eau tu aperçois son passage gravide au mitan du canal tu devines son inquiétude entre les irruptions de la rive gauche et les commotions de la rive droite
Surpris par les eaux aujourd’hui limpides tu sais que les premiers souffles de sa présence sont proches tu disposes pour l’accueillir chaque circonstance du quai tu précipites les rencontres sans condition contre la disparition des coquillages tu devines les babils de son verbe sous les lignes de flottaison des embarcations un instant assoupies tu retiens la respiration de la Tramontane qui pour l’heure se fait rare oui surpris par les eaux aujourd’hui limpides tu pars épouser sa parole
Maintenant ouverte exposée aux malices enjouées de la mer elle pose sur l’espérance une main possédante une main qui demande instamment ses anneaux de lumière
PRONONCER, GARDER
2007
Elle mêlée aux migrateurs qui font halte sur les salines son regard intérieur surgit il surgit intact il surgit guettant le moment où l’indigo des cristaux de sel l’éblouit il surgit sidéré par le désir de voir il surgit à l’état naissant puisque le monde avec elle fusionne sur les salines elle encore un moment mêlée à la postérité sans âge des migrateurs elle ici mêlée élève d'un chant qui ne s’apprend pas
Placée sur l’avancée propice des sables de l’Espiguette elle parle son dit trouble les gens d’ici son chant suspend les langages courants à son parti fait de brèves et de longues le musicien s’associe elle là ébranlée et là-bas déportée elle un instant approchée elle s’est dissipée
Ton pas enfin accordé avec la levée intime du vent sur la passe des Abîmes il suffit que ta main affecte ce tamaris pour que tu la rejoignes à bord de l’esquif esseulant du passage du temps
Désormais alliée aux insectes qui durent désormais captée par les certitudes des dunes désormais déliée du rocher elle abandonne le monde des particuliers de ces particuliers apeurés par les battements d’ailes de l’aigrette qui tient sa promesse elle nouvelle-née
Ô temps adolescents maintenant traversés Ô temps adolescents qui abolissent l’absence Ô temps adolescents passeurs de son appel sans langue de son appel auquel troublé pourtant tu consens alors associé à la sarabande des gabians elle t’entraîne vers le cercle de sable de ton amour
Par elle depuis toujours attiré vers les souffles nervés de la jetée par elle à cette heure visité par elle porté aux extrêmes par elle exposé sous son titre par elle le rivage contemplé tel qu’il était
Surveille l’arrivée de sa lumière aussi juste que brève accueille son éveil célèbre son premier verset sonne l’annonce de ses conversations d’avant l’automne avance l’heure de sa rencontre avec les courants de la mauvaise eau choisis comme elle aussi le verbe qui inquiète
Lorsque son visage s’altère le poète recherche les rafales graves du vent d’est celles qui soulèvent les voix éprouvantes lorsque ses sols devenus menaçants ensevelissent désir et mer le poète tourne la tête pour écouter les frissons des roselières
Va fidèle à sa voix d’en deçà du langage Va affranchi de la prose des oracles Va en compagnie du pin maritime qui syncope sa mélopée Va avec du creux vers la croisée des souffles récités
Laisse voguer sous le vent la durée de son bleu au plus près de sa voix
Laisse monter de sa gorge illettrée l’épopée des vendangeurs de mots
Laisse tourner les danseurs qui se cachent pour la retrouver sous l’arbre à garder le désir
Aujourd’hui ridée malgré son odeur d’iode sans adjectif aujourd’hui ridée mais attirée par la certitude du lendemain non daté de la mer aujourd’hui ridée son nom déchiffré sur la peau des nouveaux-nés aujourd’hui aimée tu vois cette vague se démener pour ne pas devenir univoque
Hors de portée de sa voix de sa voix pourtant prenante de sa voix perdue pour cette fois dans l’épreuve du temps ouvert hors de portée de ses opérations d’avant le feu hors de la portée de ses premières mélopées tu l’entends maintenant dans la flamme qui se fend
Le joyeux de la mer jusque-là invisible à l’instant te saute aux yeux guetteur énamouré tu deviens cette grève couverte et découverte par les écumes intimes de l’étreinte les ombres s’étant estompées l’oiseau des lointains peut appeler vers le large sa lignée du littoral
Imprévu autant qu’attendu il s’invétère ce vertige de songes et de sol gelé il dure ce vertige venu des abîmes intimes avec son pas sur le rocher troublé de la jetée
Une fois dissipé le trouble des lagunes fille prodigue de ses signes elle te donne à nu son éternité têtue son éternité partagée son éternité tirée à même les récoltes communes cette éternité d’aimer malgré les voix contraires des oracles
Séparé de son sein aux strophes impromptues le mot perdu te saute aux yeux ce mot perdu et pourtant aperçu sous la peau ponctuée du poisson qu’on espeille
Lié à l’immobilité leste du lézard des sables lié malgré l’adversité de celle qui sépare lié de continuités indigènes ici lié tu enlaces le large et son heure vive
Dérange-la derrière les rochers révulsés de la jetée dérange-la elle lumière frisante qui pénètre la parole dérange-la celle qui donne ses faveurs au chant une seule fois prononcé oui prononcé puis pour elle à jamais gardé
Les senteurs de la mer sont à présent revenues d’un geste cru elle te prend par l’épaule tes peaux s’inversent le port s’incline deux algues sœurs suffisent à célébrer l’instant
Attiré par les jeunes rameaux du tamaris qui se souviennent de leur violet il attend ce regard de la mer celui d’avant la sortie des eaux ce regard de la mer qui unifie le garçon au tamaris avec l’instant de sa mise au monde
Voici l’avènement estival de l’autre voix celle qui voile le monde puis le fait devenir vrai voici les prémices espérées de la saison qui prie voici venue la dispute avec les verbes qui divisent
Même maculé des eaux limoneuses et sans mémoire le môle maintenant attend son événement dans l’ombre du vieux phare tu vois les épiphanies de sa lumière d’hier
Toi adepte des arrêts sur la jetée toi enfant des vents advenu au moment de la parole propice toi attiré par l’acte dépensier de la mer qui ne passe pas toi complice des crabes et de leurs graves chorégraphies
Annoncée sans croyances annoncée par les caresses insolentes de la mer de cette mer indifférente au râle des rochers placés contre son avancée annoncée échancrée la voix poussée à ses extrémités annoncée sous le vocable vulnérable de la vie annoncée aussi éphémère que le vol d’un poisson de ce poisson qui fuit sa finitude de vivant annoncée improbable au centre de la roue et pourtant rencontrée dans l’assemblée de ses rayons annoncée annoncée annoncée
Voici l’instant de la remontée des lumières natives voici venu l’écart avec les cordages qui vibrent voici la suite des voyelles lestes des hirondelles voici le contre-chant du vent du large celui qui sait tenir tête à l’écoulement tenace des eaux du canal royal voici le soulèvement des mangeurs de voix et leur mémoire sans âge
Après du temps trop lourd passé du côté des tourments retrouve ce tamaris patient ce tamaris qui pourtant près des tombes ne cesse d’attirer les songes nouveaux-nés elle et ce tamaris complices de l’instant elle et ce tamaris maintenant si proches de leur premier cri
Elle là puisque l’instant des paroles premières devient plus sensible elle là puisque notre rencontre près du tamaris des tendresses ne nous sera pas ravie elle là puisque les sèves des syllabes sont sur le point de surgir
À cause de l’appel incessant des sables qui accueillaient ta course énamourée elle te fait maintenant entendre ce phonème fossile de sa langue mère aq’wa aq’wa aq’wa
Sorti des troubles de la nuit le solitaire du matin se tourne maintenant vers sa voix qui se tend sa voix entravée par le vent sa voix qui porte à son comble le combat entre les mots du temps et les mots de l’amour
Les pieds ancrés sur l’une et l’autre rive affranchi des querelles à la salive méphitique la brume de la mer ayant maintenant privé les passants de leurs palabres pourtant nécessaires tu sais que même éloignée sa voix sera demain mêlée aux craquements des marais salants
Approuvé par les pensées étales de septembre tu rejoins à présent ce loin au-delà des rochers différés de la jetée ce loin non pas lieu mais moment celui de l’alliance des eaux et de leurs fables inlassables
Ce soir le chat noir est passé hiératique sur la pente oblique du quai avec le couchant le vent est tombé mais son chant persiste maintenant que s’unissent le passé des nuits d’été et cette lumière d’immédiate éternité
Même voilée par ces nuages d’équinoxe qui même tenaces n’atteignent pas la mer sa voix de novembre s’éveille dans cette nouvelle brèche débitée par la dernière tempête
Il est déjà là le mot de nuit celui qui attend l’offrande d’une voix pour surmener la mer il est déjà là le mot d’abondance celui qui affranchit tous les mots qui l’approchent il est déjà là le mot d’aussitôt celui qui attise la substance blanche de l’instant
À temps éprouver à temps les pensées irisées de la jetée puisque ne font qu’un l’imminence du charme et l’axe brave du soleil
Pluie négative pluie qui alanguit le discret aujourd’hui pluie avec son participe pluie qui dit l’inceste du sable et de la vague
Il coule du temps vert de cet air battu par les ailes des mouettes qui se querellent dans le sillage nourricier du Marinette-Guy
Maintenant parvenu sur la langue extrême du littoral maintenant secoué par les percussions des odeurs de la mer et du roc maintenant confié à la seule lueur de son regard intérieur il survient maintenant ce moment du sacrifice des mots celui où les plantes complices ne nous accompagnent plus
Au-delà des apparences du port la parole ne dort pas elle bat ses accords aux chocs des carènes contre pontons
D’abord endurer l’indifférence digitale des dunes d’abord accepter cette complicité avec l’absence d’abord ne rien avoir de sa durée pourtant déjà donnée d’abord abandonner au vent des Dames l’impatience stridente d’être tout d’abord savoir soulever la parole des algues et découvrir son iode dès son début
Déjà là déjà tenaces avant le temps avant qu’elles se laissent nommer par les hommes de la mer les jeunes algues de juin dispersent leur senteur jusqu’aux êtres séparés
Après offrandes houles et souffles le jour devient soudain sensible à la mélodie du dedans celle qui sépare du siècle qui inquiète ce jour maintenant s’abandonnant ce jour d’un janvier singulier ce jour tout entier célébré par le jazz de la vague qui déroule son phrasé
Malgré cet arrêt de la cérémonie des heures de la mer malgré ce temps immobilisant la lumière irrimante de mai autorise maintenant son recommencement
Puisque la cadence liquide du glas appuie et lamente puisque le canal contient les impatiences muettes celles qui doivent pourtant déconcerter la mer puisque l’heure du verset et l’heure du rêve ne se querellent plus puisque la seconde peau du mot vivant vient d’apparaître maintenant tout monte
Cordages abandonnés à la jouissance des eaux ses consonnes ce soir jouent double crescendo
Malgré la persévérance lascive des vagues elle ne parvient pas à dévoiler la valeur délavée du bleu d’aujourd'hui ses vocables affleurent avec peine sur les dalles du phare délaissé humeur montante qui s’empare de la matière de la terre elle dicte ses gestes aux traducteurs de la langue des eaux
Une fois la défense du port franchie ses pensées du large donnent la chair de poule enveloppée d’avenir son épreuve est perçue à l’œil nu sur le soir révélée c’est sa voix qui révulse les regards le port alors n’a plus d’ennemis
Mal dévisagée sur le versant innocent des sables elle se démet des marottes de mai qui célèbrent leurs noires féminités au vu et au su des silhouettes moites de la mer son onction du matin ne délivre pas sa bouche
Les humeurs réclamées de la mer égrènent ses vocables et leurs sels versatiles après l’orage le labech s’étant levé tout est prêt pour l’acte le passé du sable et demain deviné conversent à l’unisson
De l’intérieur interrompue par la double faille de la nuit et de la mer qui se tait cette impatience mutinée disparaît grâce à l’arrivée soudaine de ses idiomes qui secouent
STROPHES AUX ARESQUIERS
2010
Chorale sans partition la procession des ceps dévale sur la grève à l’approche des tamaris elle place son attaque de la parole venue avec ce vent du large une voix dévariée entaille de sa clé l’arbre qui a flotté
Elle est toujours là cette matière lagunaire celle qui ne connaît pas la pensée verticale son fond est éphémère il laisse soupçonner les parlers de la pêche à l’épervier elle est toujours là cette matière syllabaire celle qui charge de possibles chaque aiguille de pin
Son visage incisé par la passe néfaste du canal le marais des Aresquiers ne cicatrise pas désormais divisé il envie les dérives et les rêves de la roubine marais des Aresquiers les femmes des sables ne t’oublient pas demain te verra intact
Là traversant le bosquet d’azeroliers qui sublime l’instant puis là aussi affilié à la lumière première des genêts et là encore surpris par l’adverbe crissant des salicornes là demeure le vivant des étangs parler de ce passage il ne le demande pas
PAR LES FONDS SOULEVÉS
2010
À chacun de ses versets issus des plus grands fonds la mer vient elle vient méconnaissable elle vient précédant le temps elle vient luisant depuis son origine celle qui précipite à chaque rencontre avec le littoral la mer éprouve sa voix première éprise par le désir des sables à présent la mer vient
À peine devinée adversaire du sol présence pour le temps nécessaire l’ombre ne pèse pas sur les roches de la parole ombre et fable complices de l’instant ombre sans face ni autre ombre portée des chants d’enfants en avant du soleil
Calme échappé puis pieds brûlés aux sables de l’enfance son pourquoi d’aujourd'hui s’assourdit sur les salines ramendé par le doigté bleuté du pêcheur le filet n’égrène plus que des notes contraintes
Traversé et aussi escorté par du temps soustrait à sa durée l’individu attendu par les muges ne sépare plus l’avant de la mer et sa voix d’à présent
Invisible et pourtant là sur l’aplat du rivage il ne se prête pas aux meurtrissures du Mistral décelé naissant parmi les mailles et les nœuds il passe à présent cet espoir imprévu
Après le coup de mer d’hier la lumière encore frêle ne parvient pas à établir le meilleur du jour l’horizon devenu probable malmène maintenant son adverbe de temps pourtant noirci par les fonds soulevés le sable d’ici ne déparlera pas
Délivré des froids de la nuit il frémit ce bois des barques amarrées à l’éternité du quai mêlées à la lumière qui tranche les senteurs d’iode s’attardent seul mouvement des notes d’air battues par les mouettes
À cet instant nécessaire et juste de l’osmose du canal et de la mer elle tressaille
à cet instant décelant qui soulève les êtres vivants
à cet instant trop vite recouvert par les eaux trop verdâtres ces eaux privées de leurs certitudes qu’elles passent ces eaux si lourdes de durée que survienne le torrent qui ne mesure pas le temps
Ce matin la mer monte ici s’unit l’écueil à l’éclat qu’il invoque à son respir profond le traducteur répond là-bas sur les lèvres des vagues les mouettes en foule griffonnent d’ineffables divinations
Soudain s’est ouvert l’horizon de la mer le couchant dès lors dément tous les carmins à l’opposé du Golfe si proches les Pyrénées écrivent leurs mots croisés
Aujourd’hui la jetée sépare et aussi nourrit oui sépare puisqu’il n’y a qu’un seul soleil à partager sur la jetée oui nourrit malgré ce mulet mort rejetée par la mer
Les cordages sont là mais ils n’amarrent pas seule l’heure à son zénith achemine de jadis la lumière irisée des anciennes coulées
Elles durent ces basses eaux elles durent et leur durée dévoile sans pudeur les simulacres à sec des crustacés
D’emblée débaptisé par les embruns qui oublient le rituel voici le feu de port à présent effacé jusqu’à perte de vue la mer cette inconnue
Unie à son origine l’hérésie d’aujourd’hui ne fait pas comme si un seul désir l’avive s’inscrire dans le premier serment scellé sur la jetée
Sous la texture troublée du ciel et de son blanc le temps est en avant sous la rencontre des eaux saumâtres et des eaux de mer il n’y a pas de place pour l’entre-deux sous le désir du phare indifférent la lumière se refuse
Maintenant que les vertus ne sont plus sous le vent il s’invite l’instant qui tourne l’instant de la vague qui ne veut pas quitter son creux l’instant qui ouvre à l’autre temps celui du rendez-vous de l’eau et de ses peaux
Les connaissances du matin étant passées le jeune temps demande à être porté là dans ce désir du corps à corps la durée diminue son emprise demain les rythmes de la mer seront harmonisés avec la marche de l’enfant
Puisque la mer donne prise et que port et palmes laissent passer la douceur du milieu du jour elle monte alors la voix de l’arrière-gorge celle qui ne dira rien sur les étraves à venir mais qui d’ici te souffle tout
Même à demi endormie elle n’a pas abandonné l’attrait des suaves odeurs de ses eaux d’équinoxe dans l’immobilité déjà dépassée les sables alourdis de trop de pluie entament leur plainte étrangère
Amarrée à regret son mât toujours là prendra-t-elle le large cette barque Espérance ? Ils furent pourtant grands ces thons agonisants mais trouvant la force de refuser son pont ils furent pourtant gais ces pêcheurs de soupirs partis avec elle pour ameuter la mer
Tu le touches autrement cet instant déserté par les êtres de la jetée cet instant longtemps inespéré par le plongeur et ses compagnes cet instant de l’étendue absolue des eaux muettes de la mer lorsque la montée des troubles dissipe la durée et que la certitude du sol soudain s’est dissoute
Sauf-conduit aujourd’hui pour sa note d’attaque descellé sur l’oblique du quai l’anneau n’approuve plus l’étreinte de ses amarres celles qui pourtant veulent sortir des attentes grinçantes puis possessif le soleil avec son acte délivré de sa puissance
Entendu au-dedans il est là ce mot de sel et d’eau qui n’est plus séparé de son origine ce mot intégral et pourtant tellement énoncé il est là encore préservé par la gangue de sa naissance espoir d’un autre sens il s’offre sans frayeur aux chorales des flots
Malgré le temps et ses magmas d’intimités coule la vie ici sous les pontons insoumis de la rive droite ici la vie réconciliée avec les eaux qui érodent les origines ici du silence maintenant que le vent manifeste et suggère
Alliée à la poussée des hautes eaux de ce février sans pareil la mer lance ses justes injures à la jetée conquérante des mots immobiles sa voix n’est plus captive elle dit son appel d’impératifs pour d’incorrectes conjugaisons
Ombilic des eaux de mer et de leur menace d’oubli le golfe d’aujourd’hui aspire les sables à venir sur cette côte jadis réfractaire aux litanies des habitudes les airs qui subliment leur saison déterrent d’inédits vocabulaires
Ce matin exhalante ce matin transparente la mer t’offre le sable de ses fonds qui tremblent d’innocence au loin s’entendent les rapsodies des êtres de midi à la surface grave du golfe qui soupire il ne s’efface pas le sillage du navire brise-cœur
Est-ce un cap intérieur qu’ébranle la bouée du large ? Au vif de la question s’abolissent le signal et la course vers ce cap Il n’y a pas eu de départ pour le veilleur d’espérance son voyage est en cours dans ces eaux qui l’émeuvent
Donnée de l’extérieur survolée des flamants derniers-nés du printemps se dissout l’heure méridienne à la recherche de son bleu d’outre-mer extrait du monde littoral le couteau ne dit mot alors dans son écart s’écaille la parole abolie à midi
Offerte avant le don ouverte aux horizons l’éphémère fleur de mer s’éloigne de sa fin cette nuit déchiffrées par les fées les lettres de son nom briseront la lignée bienfaisante du phare
Pressenti sous les vents du soir l’improbable qui vient apaisera les frayeurs de l’enfant établi sur des sables devenus incertains l’amer se dissimule au regard du marin même au plus fort de sa protestation l’orage ne fera pas taire l’affirmation tenace du tamaris de printemps
La côte est-elle toujours là ? Sur quelle de ses faces le récitant au vent donne-t-il prise ? L’amarante du rocher pourra-t-elle encore s’altérer ? Et ce toucher de l’instant devra-t-il s’éloigner ?
Elle est bien là l’heure qui rayonne mais ils manquent ces mots mâchés de la mer il tarde ce temps qui déporte ce temps de la criée aux onomatopées qu’elle dure cette heure sans qualificatifs car elle va donner la cadence du chœur
Par instant apparent l’angle du phare et de la jetée écarte tout calcul désaxés par les basses eaux les rochers de la petite mer refusent toute avance algues pesantes et brume du matin tardent à s’émanciper pourtant humeurs des sables et pleurs de mer maintenant coïncident
Dans l’épreuve qui dure la rêveuse de la dune laisse couler une poignée de sable sec sa vie n’est pas un songe elles sonnent ces syllabes pincées de la gaieté
Combattant le contre-courant les mouettes cherchent à se combler d’espoir ici privé de ses premières berges le flot charrie ses pertes là-bas fragments inachevés Cévennes et Causses hésitent à médire de leurs schistes et de leurs granits
À l’écart des frasques du littoral l’étang retient sa plainte lancés sur tous les tons les mots des anciennes joutes résonnent encore entre les pontons arrachés aux légendes des sables les kyries en fausset crissent sous les dents des infidèles de la jetée
À la proue du Marie-Julie il passe cet instant inédit cet instant percevant les coups des yeux qui veulent naître à la poupe du Marie-Julie il dure cet instant des lettres incrustées à même la partition du quai dans le sillage du Marie-Julie il soupire cet instant des langues hors du temps qui cherchent leur partage
Dans ce calme sonore d’avant l’orage impatient entre étang et mer le littoral espère des pourparlers compromis infinis pactes évanescents qui vont d’une saison tracer la destinée
Le port s’étant maintenant rapproché la lumière du ponant peut parler ses langues du dedans visage troublé par une seule vague l’instant saute à la vue même élimé par l’épreuve du vent impavide le vieux gréement époumone ses rapsodies
Cahier des intensités du solstice d’été l’aplat de la jetée offre de l’instant le feuillet alphabet pour nouveau-né les déferlantes maintenant familières et pourtant séparées refusent le verbe qui profane leurs effusions
Au pied du mont de sel dans la bonté de la matinée les hommes des salins sont assemblés en langues graduées ils parlent de la dernière coulée celle qui altère la vérité du blanc en langues dissolues ils disent l’éternité du désir celui qui a vu la terre de leurs rêves en langues scintillantes ils annoncent ici l’insurrection des sels
Couvertes par l’ordre sonore de la mer couvertes et pourtant entendues les syllabes du matin se rassemblent pour le soulèvement initiées par les tourbillons des algues et des sables elles savent que leur temps est compté syllabes du matin fragiles vocalises il n’attend pas l’instant où vous pourrez inverser l’horizon
Homme de la jetée homme des bonnes extrémités toi qui conçois une demeure à chacun de tes pas devras-tu la perdre de vue cette voile à présent séparée de ses parages ? Homme de la jetée homme des brèves éternités te sais-tu l’invité de l’hippocampe étoilé ?
Dans le calme de l’été l’étang cache son commencement lentes à se dissiper les brumes de la mer barrent leur alphabet au-delà des salines déjouant tous les simulacres la terre se craquèle
Tant que lagune et mer sont encore confondues il contracte ce charme béant de l’aube tant que les créatures du môle ne dévoilent pas leurs noms il divague ce toucher bleuté de la brume tant que les trahisons de l’autre rive ne deviennent pas nécessaires elle perdure cette pensée innée de la jetée
Dépouillé par la pluie à demi éperdu le port éparpille ses attributs courbée par le regard clinique des canards la distance est abolie sorti de son intimité l’informulé force vent et voile à s’attarder à la pointe extrême de l’estuaire l’impatient pince l’instant saisie la fin inspire un possible commencement
Rapprochée par l’attrait du premier regard Tramontane ayant soufflé la côte est retournée vue du large sa ligne de vie ne devient pas un rêve elle s’amenuise cette côte-lido tolérée par les eaux et les vents littoraux
Captives des dissonances du matin voix et mer cherchent leur hauteur elles aspirent à l’expérience du seul silence plus tard au loin deviné dans les gammes du golfe le souffle d’un dauphin
Au rendez-vous des mâts du vent et de sa voix elle n’est pas venue en vain dans la ruelle plein nord celle de la façade aux volets sifflants les rafales de sable étaient déjà là sous les poussées sous les giclées les peaux des mots sont révulsées à la croisée du port et des pontons à leur insu passe le temps des pratiquants de la rencontre
Penchée sur le cahier des journées enjouées sa main ne décrit pas la mer fidèle au rendez-vous de la terre et de ses limites elle retient le trait le trait idéal et pourtant désiré si tard le trait devenu chant partagé avec les êtres qui ne laissent pas de traces
Invitée tardive du vent émerge maintenant la lumière d’hiver sous la frénésie des rafales les verticales sont abolies à l’aplomb fragile de l’ancien phare le présent peine à s’affirmer ignorant la hardiesse lassée des rochers la mer tout près module ses humeurs
LA MER, PRESQUE
2011
Commencée sous le vent à la strophe en suspend c’est le scherzo des flots qui donne le tempo poursuivi grâce au vent le verbe du ponant éraille les reliefs lettre inachevée les rameaux du mûrier arrachés par l’orage raturent le rivage
Par la grâce revenante des galets des Costières la cadence se manifeste à cœur battant dans les vignes déjà vendangées elle devance l’arrivée des syllabes oreille tendue au Levant la strophe maintenant s’enfante dans les saccades lointaines de la mer
Débuter la ronde énamourée par ce clapotis d’un automne à demi-mot puis sauter dans cette marelle tracée sur les avancées à peine devinées de l’autre littoral alors le dogme de l’analogue abandonné découvrir les alphabets submergés des algues émigrées
Serait-ce un salut que t’adresse ce poisson qui perce sous tes yeux la surface des flots ? Et ces cercles d’espérance qui s’attardent et qui tranchent sur le reste étale de la mer seraient-ils le signal d’une seconde apparition ?
Sous les brumes du soir puisqu’elle n’est plus suivie et que le port ne cache plus sa profondeur elle revient sur les pas dissipés de son après-midi sachant trouver ici la certitude humide des minutes d’éternité
Sa hanche tant de fois suivie des yeux elle manque maintenant la dune affiliante forme fétiche du navigant elle a longtemps guetté son arrivée au port qu’elle ne tarde pas la prochaine tempête celle qui donnera à la dune sa douce renaissance
Aujourd’hui presque inerte la mer en mi bémol privée de ses proximités aujourd’hui en demi-teinte l’étang soustrait de ses intensités aujourd’hui comme à la peine le port lassé de l’immobilité du quai aujourd’hui pourtant cette risée d’espoir sur les premiers passants de la jetée
Un souvenir de l’aube chemine sur la lèvre du littoral présence étale du levant l’étang de Méjean espère l’avance troublante de la mer celle qui ouvrira le grau de la gaieté la journée désirée l’alliance frêle des eaux qui refusent le couchant
Même alourdis par leurs artifices les corps n’effacent pas le port Esseulée à moitié immergée la nacelle aux tritons témoigne d’une perte Dune et vent à présent séparés la douleur desserre son emprise Aux fleurs des sables et aux étangs un soleil convalescent mesure ses faveurs
Sur la faible levée du rivage vaincu les jasmins ont fleuri Dans l’étirement des nervures du jour l’oiseau tardif cherche sa hauteur juste Médiane de la mer qui à son insu s’abandonne un soleil perverti barre les prétentions des Causses et des monts
Leurs pas accordés malgré ce vent qui dément l’hyménée les amants renversent le rivage leur passage fut une opération sur la finitude des sables
Dès l’aube le monologue s’attarde dans la baie devenue bouche bouche qui mastique la durée de la note devenue liquide bouche qui réprimande l’intempérance des basses bouches aux lèvres meurtries par les saillies de la mer
Décriée par la pluie la mer aujourd’hui délaie son gris sous les hachures du quai et de la jetée aucun motif ne s’affirme en dehors de l’ébauche la bouche du port se tait redevenu végétal sous l’emprise liquide le papier dissout le moindre trait
En cette soirée du solstice d’été la mer n’est pas en guerre avec l’amas usé des roches de la jetée À gestes contraints l’ancien pêcheur désarme son canot Dans les blancs fils d’araignée accrochés aux filets l’heure laisse filtrer ses pincées d’intensité
Déjà avancé sur son orbe d’été soleil dicte son ordre aux ombres rebelles du sol soleil sanguine l’aura du sable qui tressaille soleil sépare la mer de ses humeurs soleil éloigne traces et pas de leur union pourtant nécessaire
Il se forme ce ballant de suffocation à invocation il est graveur ce ballant du cœur à l’extérieur il dure ce ballant de l’une à l’autre mer ce ballant en cercle sur le sable ce ballant sans aube ni crépuscule ce ballant ce ballant ce ballant
Les sels de mer ont déposé deux auréoles sur les épaules nues de la navigante dans la lumière confuse du couchant les sels de mer certifient les épaules nues de la navigante
Dans l’artifice de l’épi qui injurie ce littoral le battement des mots s’étouffe Sous l’instance mortelle du couteau du pêcheur l’os est tranché à vif sur le pavé salé de la jetée l’acte coutumier a rougi l’instant
Tôt venues les voix envahissantes lancent leurs saccades dans veines et navires le cap passé l’une prononcée les autres se dispersent telles cendres du volcan qui s’éteint
Là-bas sans âge ici immobile l’acacia des sables accompagne tes heures tes heures qui contemplent tes heures qui enlacent tes heures qui fugacent tes heures de l’acacia des sables
Mutique cette aube d’été mutique et pourtant en puissance de mots paisible cette aube d’été paisible et pourtant en puissance de surprises cosmique cette aube d’été cosmique et pourtant en puissance du plus petit soupir
La mouette seule échappe à la torpeur du matin les bienfaits de la nuit s’évaporent sur la crête des vagues les gestes du vital tardent à s’établir mais la saveur de mer est toujours sur nos lèvres
Là cette aurore proche du corps là cette consonne proche du corps là ces appels d’orgues qui incorporent
Séparés de la sansouire et de la sagne ils font la guerre au sel des flots pourtant les sifflements du Levant crispent toujours leurs téguments malgré les révélations du Levant ils font la guerre aux étreintes de la mer et des étangs
Homme jeune il marchait dans la lueur disséquante du soleil des origines homme non arrivé il œuvrait dans le faux jour des moments qui ouvrent pourtant avec le temps tous ses présents se rapprochaient
Avant la première parole du matin il s’invite ce gratté d’éternité ce toucher d’intensité confident de l’éveil il vient ce battement de mer elle invite à faire cercle cette manière d’être ici avec ses premières paroles du matin le récit de la vague devient certain
Ils résistent ces raisins muscats qui ne seront pas tous cueillis elles apparaissent ces grappes de présent qui offrent leurs calmes agrégats malgré la volonté du vent de mer elle s’obstine la treille thaumaturge
Avant tout s’inquiéter de l’état de la mer pressentir ses teneurs au sortir de la nuit avant tout entendre ses va-et-vient de lèvres qui s’éveillent avant tout être là pour ne pas manquer la médiation de l’autre mer
À moitié immergé par les hautes eaux il vibre encore ce cordage natif délaissé par l’aigrette pour les contemporains du port il prédit de nouvelles oscillations à tribord leurrantes à bâbord délivrantes
Comme paralysées par la lumière convulsive du jour des Cendres les eaux ne prêtent plus leurs faces à la douceur du ciel Rassemblées sur les tuiles chagrines de l’hôtel d’Angleterre les mouettes repues entonnent leurs lamentos Avec le flot repoussé par l’étrave blessante du chalutier le temps serre le cœur
Déjà manifesté sur la digue du large le jour est en avant Secoué par la venue imprévue des courants contraires le canoë zélé s’écarte de son erre Tapi jusque-là près du rocher qui s’effrite le rat du bord de mer affronte à découvert la durée d’une quête
Nature sonore sans écho la mer à son moment muet résonne dans le corps Vent et pluie pincent leur plainte sur les câbles coupés du cotre relégué Vigie devenue saxophone la colonne de l’ancien phare exécute les diatoniques de la tempête
Au sortir de la plongée le blanc du goéland échappe à l’ordre des choses Égarée par sa longue veille la veuve du pêcheur échappe à l’ordre des choses Sur le point de se défaire la brume sur le port échappe à l’ordre des choses Son bateau désarmé le vide du ponton échappe à l’ordre des choses Privé de son bosquet le pin du Boucanet échappe à l’ordre des choses
À l’à-pic du cap gris la mer languit ses laves les vapeurs les soupirs que lui tirent ses laves à l’à-pic du cap gris la mer veut brasiller à l’à-pic du cap gris des humains vont s’aimer
Il manque cet attrait du début de l’assemblée de l’assemblée des palmés présents à l’appel innommé de la mer À peine sorties de la nuit les marges du rivage éraflent les derniers arrivants Indifférent au nombre autant qu’à l’unique l’ibis adresse à tous le signe de l’envol
Apparu à contre temps le clair-obscur de la mer ne se laisse pas contempler Sous les pas du matin lorsque disparaît l’incertain le sable du rivage ravale les terreurs de la nuit Même coupés de leurs arrières ceux qui cherchent à discerner avancent maintenant vers l’unité du chant
Les portes de l’année ayant été passées penchants et tourments ne sont pas oubliés les sentirs à venir étant à vif nerfs et filets sont à tirer
Sans motif cette touffe de chiendent a trouvé sa place entre les pavés du quai sans motif l’ombre du tas de filets se fixe pour longtemps sur les moules fracturés sans motif l’homme au parler clos s’est levé le cœur serré sans motif s’est levé
Sur le quai des douaniers lorsque approche l’heure de la rencontre les démangeaisons du dedans deviennent plus possessives Exposées au mal des ardents les peaux du soupirant ne le protègent plus des érythèmes de la mer Éloigné de ses rivages lorsque est venue l’heure de la rencontre le soupirant perd pied
Affrontées aux rafales du vent de mer les barques bavardes font geindre leurs amarres Le pont ayant tourné la voie est libre pour le passage des pêches espérantes Chargé des pensées de l’au-delà du large le cormoran ne trouve aucun abri
Derrière les débords de la mer cette reprise du chœur renversant l’instant ce tremblement qui annonce l’arrivée des vertiges à cause du débord de la mer ce banc de sable à l’écart de sa place ce banc de sable à jamais irracontable
Pas une rature sur la première page des sables ce matin Mourante dès l’avant-plage une vague efface les traces des pattes calligraphes des mouettes Attelé à sa traîne le pêcheur de tellines drague ses alphabets
Ici nul besoin d’un surplomb pour parlager la mer c’est à même les sables que se disent les mots horizontaux les mots des insectes des sables qui réfutent les étoiles
Malgré la foi jurée des sables et de la mer les sirènes de l’hiver seront-elles au rendez-vous ? Alors qu’approche ce midi celui de l’heure du soleil la lumière s’éloigne-t-elle ? Pourtant voici venir l’aigrette et son toupet pour surmonter l’infidélité de l’instant
Sur les portées de sable formées par la mer basse les noires soudain s’endiablent Échappé des réseaux qui enserraient sa course s’élève à présent le parler pur de la Camargue
À peine le pont traversé émergent sur le quai les gerçures tenaces de l’âge sous l’écorce meurtrie du tamaris se grave maintenant la sentence des sables déjà entendus au loin ils augmentent sous la tempe ces battements du sang
Fulminant le chemin qui mène à la fontaine des rendez-vous incisant les grands pins les vents stridents publient la parole comminatoire de l’amante lorsqu’il double le pas ce n’est plus l’attendue mais l’attente qui marche
À l’aube transparaît tout ce qui est à faire indécise autant que soumise la lumière pourtant dicte à la dune ses devoirs étendus sur le quai ces filets du labeur retiennent encore des arêtes d’obscur
Courte et peu fréquentée c’est le jour des travaux dans la rue de l’amour dans les âges des sables les hommes avec ardeur ont creusé un devenir à la rue de l’amour au milieu de la nuit dans le puits l’eau de mer a surgi rue de l’amour
Lassée d’offrir à nu son étendue la mer défend son angle mort loin d’avoir épuisé pers azur diapré la mer accepte son gris banal malgré le noir la mer
Donnée pourtant sans condition la lumière du Levant ne révèle pas les secrets des brisants bien qu’établi le jour ne délivre pas les verbes à l’amarre le soir qui garde le mystère sur sa venue accordera-t-il une voix à la mer ?
AUGURE DU GRAU
2012
Grâce au vent traversant la patience des nuages ne vieillit pas éthéré plus que dilué l’instant se rapproche du bleu le guetteur de la jetée sait le premier la promesse de la bonne vague
I ou peut-être aussi leu ou teu elles sonnent les lettres bâton de la bouée du large telles vagues et cornes elles sonnent l’étonnement qui vient ni signe ni sens mais bien plutôt tempo le tempo des regards de la première rencontre
Attiré et sans doute aussi inquiété le petit garçon au bâton veut aller toucher la mer la mer à présent presque étale la mer qui ne prête pas ses eaux aux jeux des petits d’hommes la mer étrangère à toute liberté
Aujourd’hui asséchés les sols des anciens marais gardent le sel de leur naissance le temps n’a pas de prise lorsque mer et sable entaillent l’origine contre le sec et contre le cultivé les roselières solidaires dressent leur douce rébellion aujourd’hui à midi le rendez-vous perpétuel est pris
Sa syncope et sa note sont-elles nées de la même eau ? De ses fibres brisées les influx germinaux peinent à se rejoindre Les timbres de l’été le matin sur la terrasse tardent à se faire entendre Révulsant l’argenté des feuilles d’olivier le vent cherche une nouvelle composition
Assonance de la mer ce chorus de clarinette internise le temps sur la ligne de vie du voilier délaissé un lambeau des courses passées n’a toujours pas lâché prise aperçu près du figuier à l’instant le plus incisant de l’été le bleu des veines de la jeune femme scarifie
Pour conjurer la menace des mines l’enfant pose ses pieds dans les pas de son père par l’ouverture du blockhaus à moitié ensablé l’enfant n’observe aucune guerre imaginaire seul vestige des violences passées ces barbelés défaits qui hérissent le rivage
Ici le quai combat l’oubli ici le vent donne des doigts au temps ici se fait maintenant contingent contre le vieux barquet immergé les clapots serinent leurs sanglots du côté laborieux du port le marteau des ouvriers cale des viatiques sur la coque des chalutiers
Voici le temps des longues pluies celui qui ensevelit les nuisances des sables voici le temps des étourneaux spasme du bas souffle du haut voici les pistes du maquis en surplomb de la mer les pistes aux pieds griffés et aux tendons rompus voici l’idylle du soupirant et de la sauvagine
Dans les lenteurs de l’aube le blanc du foc n’est plus si proche l’aigrette et la mouette poursuivent pourtant leur tutoiement dans les torpeurs d’automne le regard du rêveur ne porte plus si loin ciel et mer indistincts suscitent autant qu’hier les sentiments du tout
Sera-t-il reçu cet assaut fugué des vagues sur le brise-lame ? Le troisième œil de la sirène pourra-t-il voir ce qui se passe sous la patience du sable ? Libéré par l’éclaircie de midi le crabe des rochers renoue avec son temps premier
Dans la pénombre du port luit l’étincelle salée des saisons qui surviennent s’alourdit le non-dit sur les revers terrestres de la mer s’approfondit l’énigme déposée dans les strates des anciens littoraux dans la pénombre du port s’arme un vaisseau de lumière paisible
Revenu sur ses pas sans mesure la fausse immobilité de la mer retient l’homme de mémoire il demande à la plage cette grâce qui jadis était là il attend de la vague et du rocher leurs refrains de baisers il accepte debout que l’instant des sables reste à jamais en suspens
Entravée dans les cavités de la digue du large la voix du fond des âges cherche l’alliance des vents contraires tapie dans la patience du sable la plie de passage ne s’alarme pas pour ce qui n’est pas encore là
Fuyant tous ses abîmes familiers le requin-pèlerin promet l’avènement d’un rivage qui laisse en repos les choses
Hors de toute intention vibre cette attirance tenace vers le reflux de la vague qui vient d’accéder à son acmé hors de toute intention crispe l’appel du large qui ne demande pas son dû hors de toute intention dans le goulet du port s’écoule du temps mort
Entre cyprès du Boucanet et lèvres de la jetée quelque chose s’est passé quelque chose maintenant retiré chose éprouvante et chose bouleversante entre jetée et Boucanet au tréfonds des journées les traces de cette chose ne sont pas effacées
Grâce au plein de la matinée le lien des coques et des rochers ne peut pas être questionné sous les rafales du Marin sol et ciel sont d’emblée certains ayant renoué avec les autres de sa couvée la foulque passe outre
Au plus profond de sa plongée le fou de Bassan exaspère sa prise du plus haut de son vol le fou de Bassan précipite les peurs jamais en paix avec la houle le fou de Bassan sait pourtant quel est le bon moment
Lorsque le soleil s’abaisse le guetteur solitaire acquiesce sans faiblesse à l’ardoisé du ciel il n’attend rien d’un couchant qui de tout temps a fait pâtir les impatients lorsque le soleil s’abaisse seul l’instant qui dément le couchant donne des couleurs au guetteur
À l’extrémité effritée du quai l’homme du large marque l’arrêt en équilibre fragile il pressent ce qui se passe à son insu agenouillé sur les rochers qui ne sont jamais secs il disperse ses présents à peine ressentis en danger sur l’extrémité impraticable du quai l’homme du large bonifie les jours à venir
Tiens l’aube s’est teintée d’un mauve et d’un vert qui lui vont à ravir tiens la mer n’a plus ce déroulé qui nous la rendait proche viens allons retrouver le Rhône et la clarté
Le sable tourbillonne sur l’aire désertée de l’ancien phare incisant Mistral a rouvert les fractures de l’épave familier des coups de langue et de filets l’homme de mer vibre à cette présence qui l’appelle
Lorsque l’âge fait son passage flamant sait confier ses ailes à la bonne face du soleil celle qui assèche les ruses de la résignation lorsqu’afflue l’heure dévêtue de sa durée flamant se laisse aller vers l’imprévu à rencontrer
Entre dune et delta la voix rare ne cesse pas entre dune et delta elle donne le ton aux chœurs des séparés entre dune et delta la voix des sables ne s’entend pas
Contre les trop fortes courbures de son allure la frégate fait front insoumise à la domination insigne de la nuit elle sait les promesses de l’aube frégate sœur des vagues fille d’alpha et d’oméga tu ne cèdes pas à la saveur du mauvais infini
Parti le port assombri il frémit le marcheur de la nuit grâce à la persévérance des vagues son pas s’efface sur la page du rivage passée la prise d’eau des Salins il rallie la course de l’étoile de l’Ourse elle qui deviendra noire mais qui pour l’instant l’irradie
Par-delà les battements au-delà des tourbillons venue du fond des âges la houle d’aujourd’hui donne ses crescendos son mouvement n’a pas de refrain il contient toutes les paroles à venir paroles de l’attente dans les graves paroles du révolu dans les aigus par-delà les battements la houle d’aujourd’hui ensilence l’instant
Ce matin étendue étendue comme jamais ce matin la mer installe de l’instant la solitude sous les secousses adverses sa ligne d’horizon s’inverse ce matin l’homme de mer navigue vers l’autre instant celui où revit l’exubérance de ses commencements
Le vent anniversaire parcourt maintenant cette côte où le temps n’a pas d’angle au plus profond des plis l’homme de voilerie ne trouve pas l’oubli avec les avocettes et avec les guifettes les femmes des lagunes façonnent la substance commune de toute chose
Le bon du jour étant passé le vent d’orage étant levé vague et sable savent que leur rencontre n’aura pas de retour aux bords des lônes et des marais en feu se rejoignent des êtres qui n’entrent pas dans le jeu
Déjà sous le fixe et le froid les eaux mères murmurent déjà à l’aval du canal les sagnes immergées reprennent leurs palabres déjà la sansouire cicatrise déjà elle retrouve son accent déjà pour l’homme des marais la macreuse de l’avancée apporte la becquée
Malgré l’humidité contre la bonté le feu a pris dans les marais fuyant flammes et fumées le butor à demi mort abandonne à regret les faveurs de son nid fragment de non-dit pourtant maudit par l’incendie l’estoc de ce tamaris ne brûle pas
Semblable ce recouvrement par la vague du sable semblable ce battement par la vague du littoral rencontré semblable cette prégnance d’iode et d’enfance semblable l’appel et le répons des pêcheurs d’espérance semblable cette levée du monde dans le matin donné
Du fond des âges la mer a gravé son chant au creux du coquillage du fond des âges sa voix inexorable recouvre nos parlages du fond des âges houles et courants délogent nos langages du fond des âges la mer parfois nous confond dans son immense lassitude du fond des âges l’éclat de la mer outrepasse l’ordre du soleil
Avec le reflux de la vague de midi ce qui a tressailli se retire déplacée par les rafales d’hiver la dune garde pourtant son ancienne attirance rendu disponible à ce qui survient le regard du marcheur devance maintenant les bancs de Terre-Neuve dans la passe asséchée de l’étang vers la mer du temps s’est induré
Voici l’instant d’agrément des eaux de l’étang et des eaux de la mer
Voici l’instant où la fougue de la vague suspend son déferlement
Voici l’instant où l’appel du large prononce son oui suprême
Voici l’instant de l’inévitable rencontre avec les êtres qui tressaillent
Voici l’instant pour envier la sereine désinvolture des sables
Déjà entamée par la mer cette platée de la jetée ici s’est effondrée là-bas abandonné l’ancien casier aux crustacés résiste au cours bavard du canal entre limons et sables fins jubile l’avenir déjà-là d’un Grand Matin
Résiste aux attraits de tes silhouettes qui dansent au-dessus des sables chauffés à blanc ne t’éloigne pas des heures étoilées de la journée en germe
Te laisseras-tu guider par les divagations des eaux du salin délivrées de leur digue ? L’eau de mer deviendrait-elle plus rare au cœur profond de tes présents ?
Comme surgis de rien sur le ras du canal canards et compagnie courent à contre-courant là-bas l’indécidable couleur du sable contrarie le regard et révulse la voix jamais au grand jamais le familier des marais ne pourra délaisser leurs massettes qui enlacent
Pour sa peinture d’été Languedocien a été déplacé désormais l’ancien port n’amarre plus de chalutiers maintenant avivé quelque chose a vibré dans la mémoire du quai bras tendus bouche cousue du temps s’avance à rebours de l’amour
Longtemps espéré le vent d’autan a fait le vide chez l’homme de lagune dégagé des algues et des griefs il cherche la lumière traversière du jour anniversaire cette lumière dont la venue si souvent différée lui ouvre maintenant les martellières du monde
L’instant de l’éclaircie à présent obscurci ce qui était devant rentre dans le rang
Face au vent qui violace le gabian confiant veut suivre son élan
À peine deviné dans les aléas des nuages le Rhône de Saint-Roman n’a rien perdu de son aura
Avec invariance dans l’entrelacement du filet de pêche la baudroie fraye sa voie
Avec véhémence l’homme au lancer maudit ici même sa prise rebelle
Avec constance les entrées maritimes laissent le littoral taché d’incertitude
Les sortes de lignes écrites par ces nacres incrustées dans les ancres d’un autre âge seraient-elles lignes de vie ? Et ces herbes à épis qui se glissent dans les habits des amants qui à terre s’étreignent seraient-elles messagères d’utopies ?
Bien disposée à l’égard des pensées du matin la femme de la jetée livre sa chevelure aux volontés du vent à présent engagée sur le pont des Abîmes semble lui apparaître la part que le temps lui attribue c’est en mer qu’elle va rencontrer l’étranger qui connaît ce qu’elle a fait
Toujours vivante sur la glace de l’étal une langouste lance son appel de ses antennes d’avant parole elle dévoile ce qui demeure non-dit toujours vivante cette langouste sans refuge n’augure pas un haut langage mais dit ce qui finit
Dans l’été les rochers ont changé d’intensité mais la mer elle ne varie pas sempiternellement elle inaugure l’allègre de l’instant dans l’été les thons rouges exécutés la frégate s’enfuit devant l’inéluctable
Attiré encore une fois par les sables mutiques du littoral de ce littoral vierge de sacrifice
Attiré par ce bosquet où la nostalgie va de l’avant
Attiré par ces brisants qui annoncent le bon moment
Attiré Attiré Attiré
D’EMBLÉE
2015
Dans les câbles du vieux gréement le vent dissonant surmène son leitmotiv après l’assombri et le meurtri ce que la mer laissait encore apercevoir de l’épave de guerre n’est plus vu ni connu dans le plus profond du bleu un ballet de nuages se déplace en grands jetés
Les touffes des tamaris d’été n’ont pas toutes ternies mais les insectes des sables savent que leur saison est achevée habitants insatisfaits de ce rivage inaccompli ils veulent revivre la fête de leurs rêves
L’aube pourtant levée les regards maintenant accordés mer et lumière ne coïncident pas malgré l’exhaussé du soleil les branles de la bouée du large restent indiscernables
Rosies par le Mistral les salines du Repausset renversent l’atmosphère chargées d’intensité elles réconcilient l’unité déchirée du vent et de l’instant et les nouveaux amants qui sur leurs bords cheminent reconnaissent alors l’astre de leur premier regard
Grâce à l’audace de la vague audace tenace mais audace d’un instant grâce à cette audace de la vague l’enfant du front de mer ose s’énamourer sur le môle dès lors devenu hyménée le vent inéluctable n’arrête pas l’arrivée de la rencontre et de ses aléas
Là-bas l’infracassable secret du soleil sur les salines avive les désirs ici ce voile de lumière fait vibrer hommes et choses du port au cœur cette prégnance des lointains et leurs touchers incertains
À contretemps des manières de faire l’enfant montre du doigt le monde il veut se diriger vers où les sols peuvent trembler vers ce milieu de sable et de silex ce beau milieu qui n’est pas un abri pour lui au matin l’enfant n’essaie pas de sauter par-dessus son ombre il trépigne à la pensée des chemins qu’il pourra parcourir
Du plus inconnu de la mer il survient ce courant qui contrarie les eaux hébétées du Vidourle
Dès l’aube de cette journée devinée intranquille un couple de sarcelles passe outre
Cette lueur du soleil qui vient de basculer renomme les silhouettes de la côte cette lueur sans erreurs stigmatise le rivage jusqu’aux Pyrénées cette lueur entre rousseur et lenteur allonge le monde
Vent cinglé jetée désertée métamorphosent l’homme des marais l’homme dilué dans ce qui vient d’ici l’homme de l’imprévu qui une fois encore avait préparé sa venue l’homme comblé puisque maintenant mer et ciel consentent au même bleu
Quai d’azur le oui de la mer s’est assourdi la brèche sur la coque du voilier s’est élargie sous les ultimes rochers du môle lames et houles ébruitent leur conflit le pont ayant tourné les eaux cireuses du chenal inspirent aux passants toute autre traversée
Carte sauvage les reliefs du rivage arpentent la lumière frisante du petit matin cheminement mieux que chemin leur tracé dément toute destinée au soleil de midi sa carte évanouie le marcheur se confie à l’humeur de la vague
Exposées aux vents et aux vanités les deux jetées ne redoutent pas la double sentence du soleil elles savent apaiser les disputeurs du passé ces haleurs de filets ces jouteurs de prophéties opposées mais l’une à l’autre assemblées les deux jetées certains jours exacerbent la mer
Le service des sables sitôt accompli les voix de la pinède viennent à la rencontre du Grand Radeau Là extase de l’assemblée Là à deux pas de la manade dans sansouires et enganes les voix en restent bleues
Tiré de sa coquille par l’enfant qui le taquine le bernard-l’hermite rougit de sa mise à nu égaré dans les rochers il évite le labyrinthe de la gibbule qui aplanit le temps
Avec la vérité de la jetée lorsque du temps s’absente lorsque du sol s’affaisse le sable qui virevolte fissure le face-à-face avec la mer à trois pas de là s’effritent les prétentions du brise-lame sur le tard le marin plante là son chagrin puisque plane sur lui l’oiseau de haute mer
Thalassa Thalassa les vagues d’aujourd’hui ne le répètent pas jamais recommencées leur chant est étranger aux langues installées Thalassa Thalassa les vagues du passé venaient des plus grands fonds souvent laissés pour reste leurs gestes coutumiers s’obstinent sous les sables Thalassa Thalassa les vagues à venir doutent déjà du bleu avec laves et feux elles roulent au loin leurs cris de mise bas
Sur l’étrave de la barque abandonnée les reflets des eaux foncées enfantent les nuées remous et contre-courants retrouvent leur passé ce temps d’avant la futution du littoral acte cosmique de conception du grau
Comblée par la lumière totale d’été la femme de la rive ne parvient pas à dire la part qui se retire dans la mer avancée jusqu’à mi-corps elle veut maintenir ce que les autres disent mort à lentes brassées elle nage vers cet horizon délié qui vient à sa rencontre
Près du bac du Sauvage une poignée de lauriers roses renverse les regards éraillés par le vent des Dames les ramas de tamaris attestent leur attachement et les femmes-dauphins devenues sédentaires invitent à la danse l’adolescent défait
Malgré l’autorité du soleil les touffes de saladelles ont gardé les promesses de l’aube venu de haute mer le voilier ne veut pas affronter les choses de la côte déjà faisant le guet le familier de la jetée scrute les non-dits qui restent du premier abîme dans ses arrêts secrets il accepte ce qui advient rose des sables craquée par le chaos
Sur les rochers algués de la jetée la rencontre s’est déroulée instant monté de mer entre-temps touché de mains millénaires une fois les rochers quittés dans l’après-coup de la rencontre les mots fourmillent sur les pavés du quai
Sans prise déjouant toute vue à chaque pas qui la rapproche la mer donne d’emblée son large à chaque pas vers l’extrême avancée de la jetée le temps tiraille ce nuage écrêté cette écume jaspée de la mouette ce geste qui reste sans prise imminente la mer
À la pointe de l’Espiguette os de seiche te guette à la pointe de l’Espiguette scarabée sacré quitte le monde à la pointe de l’Espiguette peau et bientôt se confondent à la pointe de l’Espiguette la prose du monde se tait
Sur la mer qui moutonne s’échappent de la nuit les nouveaux murmures de l’aube amateur de l’événement le marcheur du môle s’abandonne à ce moment de venue au monde le jour levé l’eau sur le rocher couvre et découvre le baiser fidèle des arapèdes
D’abord ces sables piétinés puis la mer la mer et sa constellation d’éclats puis les oscillations de ces coquilles qui se font de ces fossiles qui se défont puis l’ancien phare désinvolte autant que serein soudain sur le quai le coup de patte de ce qui n’apparaît pas
Ils émergent ces gestes journaliers de jadis ces gestes de sable et de constance là déjà desséchées ces rares étoiles de mer qui projettent vers les lointains car c’est après le coup de mer qu’apparaissent les bleus au creux de la dune d’où la lumière s’est échappée l’amoureux attend son heure plus loin dans les marais la lame sauvage du sagneur déloge la macreuse qui couve
À travers troncs et chênes du bosquet rutilent les dernières lueurs de la journée Train qui file cet espace sans durée étire chaque fibre du cœur Nuit qui approche ne couvrira pas le blanc de l’espérance Lucioles laissent désirer la vitesse abolie
Dès l’arrivée face à la baie le temps est en suspens à pas légers l’appelant s’approche du souffle des dauphins lové sur cette levée des lèvres et des vagues là où rien des choses du monde n’est invisible dès l’arrivée face à la baie seul sur l’immense plage ensauvagée l’appelant reconnaît chaque galet
Jamais au grand jamais l’étang n’a dessalé au couchant ses ors et ses cuivrés résistent à la nécessité de l’obscur sableux instables ses fonds aspirent à l’immuable
Étang invariant n’attends pas ton heure maintenant qu’avec toi les petits des mouettes ont surmonté leurs mues maintenant que pour toi se lève l’inaltérable fidélité du Mistral
Ciel inversé qui se briserait la saline est asséchée de la vaste étendue des cristaux prisonniers aucune voie ne se réfracte poussant ses assauts jusqu’au fort de Peccais le sec impose son sel barques et canots privés de leur milieu prononcent une seconde mise à l’eau
Du temps s’est attardé sur les sables noircis par l’hiver et ses tempêtes la montée de la mer a effacé le galbe de la dune aux deux seins ici passe Midi dans son plus haut vol puis le jour qui régresse laisse deviner la présence voilée des ganivelles
Caressé par ce vent des Dames qui euphémise la peau l’homme de mer dit son oracle intempestif il convoque sur le quai les fossiles des anguilles au large du Petit-Rhône il rassemble la descendance des dauphins il donne à chaque vague les noms des verbes à venir
À cadence cosmique à meugles et à brames la mer engorge et dégorge les caves de la jetée ses assauts staccato laissent aux arapèdes un temps de repos ses déboulés de mots sonnent contre le roc fandangos et rondeaux
Dans la paix moite du soir d’été en bordure de la durée les éboulements de la dune annoncent la prochaine séparation en bordure de la durée les ultimes enlacements du poulpe sur le bras du pêcheur écrivent avec les encres à venir en bordure de la durée sur le tronc de l’eucalyptus écorcé plusieurs traits pour espérer
Dénié par le bleu absolu de la mer le bleu d’aujourd’hui étale son aplat Ligne devenue lame l’horizon affile les formes trop pesantes des chalutiers qui entrent
Même privée de ses dires la jetée n’est pas vide mêlé au vent du large ce qui dure de la mer donne encore de la voix même éloigné de ses premiers abîmes ce qui dure de la mer fait vibrer ses rimes même divisée ce qui dure de la mer s’accorde avec les divagations du vent dans ce grand pin
Repoussant tous les verbes les eaux de mer aujourd’hui grossies par les pluies d’automne voilent et dévoilent le fossile du rocher ce complice compagnon
Thon rouge premier fils des méditerranées parle-nous de ta lignée de ta lignée continuée Thon rouge rassembleur d’espèces dissimulateur de descendances Thon rouge dis-nous la chance de l’avancée en banc confie-nous tes noms d’abîme Thon rouge amène-nous vers les moments où tu argentes la mer
L’épais soupir s’élève de l’amas de poissons soudain lâché sur le pont du chalutier dans grouillements et frétillements s’entend la complainte des espèces de la mer
Assaillie par le dernier coup de mer la dune a laissé s’effriter les certitudes de ses plus hautes touffes sous la critique des vagues sables et racines ont cédé de leurs croyances de leurs croyances conquises depuis peu contre le mouvant et l’accident
Serrées puis desserrées par les spasmes de mer les algues rousses de la jetée rajeunissent leurs rochers pourtant proches de pêcheurs et passants leur immuable mouvement n’a jamais été vu grâce au présent du soleil algues et rochers prouvent l’instant qui ne passe pas
Ce coup-ci affirmée plane la mer laisse deviner ses hauts-fonds ses tombants intransitifs ce coup-ci son horizon démenti la mer décrète sa couleur inaccomplie le ciel alors se mouvant fait taire les mouettes
Son bateau maintenant amarré l’homme des limandes pense à un autre commencement une levée d’ancre seulement dictée par vents et courants un début de pêche sans filets ni miracles son bateau maintenant abandonné l’homme des limandes sait qu’il n’a pas rêvé
D’emblée là nimbé d’emblée là vibré d’emblée ce golfe aux regards de l’arrière d’emblée ce berceau ajointé à son ombre d’emblée cet appel aux grands jours à venir d’emblée cet air au plus-que-parfait d’emblée ce golfe cet air qui portent tempêtes et promesses d’emblée ce ciel qui a trouvé son style d’emblée ce golfe cet air qui contrarient ce qui vient de travers
Entre mer et marais le soleil est tombé entre mer et marais la pénombre est tirée mais la journée de joie ne se laisse pas faire elle garde brillants les chants et les amants entre mer et marais la joie éternisée
Auprès de pin et romarin à même les sables mouillés des heures étoilées la douceur cherche à durer auprès de pin et romarin vibre le fil du temps qui vient auprès de pin et romarin la mue de la cigale a toujours été là
L’aube a déjà souri là-bas sur les salines ici le jour choisit d’énamourer le port midi n’advient ni ne retient durée s’absente sur les terrasses du quai durée laisse libres les amants aux index enlacés dans leur commune main de sel
Malgré contretemps et longs jours de vent la mer reste émeraude et le tranchant du phare dépèce peau et emphase des nuages mis à nu et ces fils de la vierge lumière d’un instant parmi les mailles chagrines des filets
Tôt venu le devin du rivage endure le vide laissé par la dune qui a disparu sans cligner les yeux il déplore le plein qui s’est défait maintenant pieds nus dans le sable le devin du rivage s’avance vers ce qui n’a pas été dit plus tard parvenu au delta il sera possédé par ce qu’il ne parvient pas à quitter
Te voilà littoral toi qui offres ce qui tient toi qui dévoiles ce qui dissipe te voilà littoral auteur des bonnes mises au monde te voilà littoral précédé par ta large écharpe de présages te voilà littoral accompagné par tes vagues au chant de nouveaux-nés
AVÈNEMENT D’UN RIVAGE
2018
Lettres de la dernière tempête les écumes de mer étoilent la jetée surpris par ce qui vient le cormoran prend son vol maintenant désablés mis à nus les cordages anciens dessinent un devenir sous le tablier du pont les reflets des filets festonnent la tendresse
Voilés dévoilés à cadence de mer les sables de la grève frémissent venue d’avant le temps cette lumière devenue familière à la dune et au vent
Déplacé par les courants du Rhône le rivage revient chargées ou lestes les saisons de son passé signent ses lignes à venir altérés insatisfaits les sables de Petite Camargue n’en finissent jamais de faire des avances à la mer
Malgré son désir de mer dernier rocher de la jetée aujourd’hui n’est pas recouvert seul le chant mezza voce du flot ici l’accompagne témoin secret d’une étoile inédite dernier rocher de la jetée fait pivoter le monde
De retour parmi les pins du Boucanet moineau s’affilie à leur équipée tranquille au loin se devinent les mauves de l’aube mauves infigurables plus près débarrassé de ses rêves marin-pêcheur répète ses arrêts sur la jetée
Passé le mas Quarante sols nos pas craquent sur la sansouire apaisés ils nous mènent vers l’assemblée des salicornes aux mains levées passé le mas Quarante sols l’instant échappe à la lourdeur passé le mas Quarante sols l’âpre sentier sur la saline nous conduit vers un autre commencement
Donnée de face cette lumière étrangement nécessaire cette lumière en ut sur la gamme des Fauves dans les remous du contre-courant cette lumière qui épelle grains à grains
Sous l’incitation sévère du Mistral la saline est mise en violine sous le marais aux sels coagulés l’eau peu profonde provient pourtant des gouffres sous la pelletée des paludiers la saline garde inviolé le secret de ses couleurs
Vents de mars qui argentez les verts de l’olivier vents de mars gerçures des lèvres pour ceux qui approchent le vide vents de mars ouverture du temps vents de mars vous voilà vos visages ravis dans les voiles là-bas
Humide l’aube et les pavés du quai gardent les secrets étoilés de la dernière nuit et ce bateau coulé deviné sous les eaux non coupables du canal et cette levée d’avenirs avec l’envol du goéland
Dans la brèche ouverte par la dernière tempête sonnent les syllabes obscures des sables afflux et reflux façonnent à leur insu les enfants du littoral une rumeur d’éternité émane de la dune fragmentée
Au-delà du rivage désossé par les rafales la mer engloutit les nuages de sable au-delà du rivage s’entend la voix de l’horizon mélodie qui se brise au-delà du rivage le cri de cette hirondelle soudain trahie par ses ailes
Sur les anneaux du tamaris tranché déchiffre ce que demain va dire tout près de la confluence des eaux noue tes coïncidences dans le fracas des battements de mer entends l’harmonie qui les accompagne
Venu du fond des âges voici le soleil des grandes heures celui qui éloigne la platitude venu du fond des âges ici ce silence ensablé ce silence fidèle qui semble ne pas finir venu du fond des âges aujourd’hui cette lagune offrande des origines
Andante vent d’avril tu donnes à la dune son étrenne tu sais que nommer l’instant c’est le dissiper Andante marcheur du môle approche des limons primordiaux ceux qui calfatent ta confiance fissurée
Andante courbe de cette côte te voir comme la première fois
Andante levant qui transforme le cours du jour
Andante vent d’avril avec ta voix qui dit viens
Là sur la plage révulsée ce fragment d’amphore apporté par le chambard de la récente tempête
là ce familier de la criée qui écaille ses visions là ces riffs contemplatifs plaqués par le vent de mer
là ce rivage soliste qui renie son origine
là cette lumière vibrée où tout est donné
Dans les fissures du chemin à présent goudronné surgissent les racines de la vieille vigne ce qui reste résiste même dans le fleuve en crue
Son bateau à nouveau mis à l’eau l’homme aux voiles nacrées cherche le juste cap dans l’écheveau des voix du large
Héron cendré envolée de lenteur sur l’étang de Scamandre Scamandre ! Scamandre ! Appelé de la palus tu offres tes langueurs aux rêveurs des pontons Soumis aux eaux du Rhône tu gardes la nostalgie de la saveur des sels Dans le frisson des roselières s’avancent les sagneurs liant leurs faisceaux d’espérances Scamandre ! Tu sais te faire abri lorsque s’embrasent les marais Scamandre ! Là sur ta berge au levant derrière les toisons des tamaris cette présence âcre des taureaux ici cette lumière des origines puisque même dans les nuits noires ton noir n’est pas total Scamandre !
L’orage de la nuit n’a pas terni les sables du rivage flamants et goélands s’éloignent vers un espoir d’horizon insensibles à ce qui n’apparaît pas hommes et chevaux épuisent la patience des dunes dorades et pêcheurs répètent leurs fables avant la prochaine lame de fond celle qui apporte celle qui unit qui unit des vivants séparés par l’orage et par la nuit
Malgré l’adversité du vent de mer l’appel de l’homme de vigie ne s’est pas assourdi l’appel sans nom qui dit possible une terre à venir l’appel des deux quais un instant ajointés pour la rencontre des contraires l’appel profond l’appel pour que vibre la note bleue l’appel pour conception de moments en suspens
Irisés par le soleil maintenant revenu ces débris jetés sur le quai par la tempête de la nuit ces débris témoins de ce qui demeure à quelques pas de là ces vestiges du voilier à demi envasé nouvelle de ce qui disparaît
Sur ordre du vent grec rêves et nuages engagent leur course au large sur ordre du vent grec sables et silences laissent deviner les âges sans mémoire de la mer sur ordre du vent grec élans et brisants donnent à l’instant une sourde profondeur
Au dévers de la dune qui dure le jour rencontre son événement jour voilé des sables oubliés jour dévoilé à vue des lys de mer au pied de la dune qui dure l’imperata ne dit rien sur ce qui vient au-delà de la dune qui dure l’euphorbe avive la joie inapaisable de l’amour survenu
Moulue aplanie ardoisée par trois jours de Mistral la plage n’est pas vide à l’abri des volées de sable l’ammophile a fait sa place troncs et débris à demi recouverts n’entravent plus l’horizon sous le vent ici se lit le message infini du coquillage qui affleure partout sans cesse ce souffle libéré de la glu des mots camus
Dans l’extrême lumière du quai cette plainte du deux-mâts qui tourmente ses amarres cette plainte d’un départ repoussé pour l’autre face du monde ce lent étirement entre l’instant d’ici et l’instant de là-bas dans l’extrême lumière du quai ce temps effiloché
Dans les rafales du vent d’avril l’écueil du Boucanet retient l’irrévélé sur ce qui fut versé offrande plus qu’échange louange autant qu’observance l’écueil du Boucanet garde le secret sur ce qui fut versé
Jamais lassée de sa volée l’aigrette s’arrête une patte repliée elle attend que s’affirme l’instant l’instant du oui aux certitudes du sable du oui vertical au phare de l’Espiguette du oui malgré tout à l’indifférence de la mer du oui sans écho ni frémissement
Déjà nommées avant d’avoir été éprouvées s’élèvent maintenant les carrures vénales de Canary Wharf tandis que sur l’autre rive de la Tamise s’étalent les eaux prodigues de Greenland Dock plus loin dans la courbure du fleuve le Greenwich de Turner à la même heure
Malgré rameaux et désirs divariqués le tamaris n’est pas dissocié il suit les influx de sa bonne étoile et le vent du printemps donne lumière à ses remuements
De la mer ce matin le marin ne dit rien son nom est à venir au large du Rhône sars et syllabes abondent cap au sud vers nos aubes continuelles et le silence du sillage efface tous les motifs qui nous feraient oublier la mer
Fragiles contre le fer de l’ancien phare les touffes d’herbe demandent la pluie sur l’autre rive dans la félicité du chantier naval ce forgeron au feu de songes avec l’aise de l’aube vient l’instant où comme dans son jeu l’enfant dit à la mer « vue, je t’ai vue avancer »
Intense dans cette nuit d’été la constellation du Chariot amincit la mer le pont et son étoile un instant reliés donnent à la nuit des tons de rhapsodie avec des yeux radieux le Grand Chariot reconnaît ce marin qui le regarde
De tout temps ces mouvements hérétiques du littoral comblé à l’Espiguette creusé à la passe des Abîmes de tout temps cette résistance à la domestication cette plissure de la peau sous les louanges du vent de mer
de tout temps cette gaieté brouillonne des tamaris
de tout temps cette aube irisant le vol des goélands
Là séparés autant qu’agglutinés ces cristaux de sel témoins discrets de la dernière montée de mer là cette humeur d’enfant sur l’étang du Ponant là silence des saladelles et là vivats des échasses blanches
là ce tendu de bleu près de s’étoiler
là-bas cette levée d’horizon qui certifie l’instant
Iode est là et mémoire monte relents des moules écrasées mélisse des filets mis à sécher iode est là et instant gravite sous la constellation des oursins l’osier des paniers s’assombrit iode est là et mer à feu continu de bleu
Entre les rochers de la jetée la matinée a séché les humeurs de la nuit le vent tombé la mer a mis fin à son émeute le mot paix retrouve son sens premier sur le quai le stipe du jeune palmier repousse le plus jamais
Là-bas sur le rivage deviné cet instant sédiment où l’aube réfute encore les certitudes du matin cet instant démaillant les rangs trop serrés de la nuit cet instant enlacement où l’étang épouse l’exubérance de la mer
Entre proue et ponton l’heure de la rencontre est annoncée sur la barge comblée l’événement lâche tout son allant puis le ciel du port parsemé des nuées de l’après
Scellé au flanc du quai le grand anneau rouillé sert encore l’office des nœuds la permanence de l’amarre le lien de l’éloigné le service du temps ciselant obliques au flanc du quai les lumières de décembre osent leur mélopée sur l’extrême de la jetée rougissent les rochers dévagués par les basses eaux
Face aux rafales du vent de sable s’obstine la jeune pousse du tamaris motile elle s’éloigne de sa souche et pourtant ne la quitte pas dans les rafales du vent de sable l’instant dénoue ce que la durée avait lié après les rafales du vent de sable l’innocence du rivage
À travers les poutres délitées du ponton abandonné éclate l’orgue grand jeu de la tempête hors d’âge le chant du métal s’accorde aux assonances du ressac dans les grands battements de palmes s’entend déjà la promesse d’un jour serein
Là ces vocables calmes de janvier porte-joie ignoré du port cette portée de notes posée sur le quai antique cette ligne tuilée des toits qui mélodise le ciel dans les eaux enjouées du canal ce banc de jeunes muges qui jouent les basses
Maintenant cette présence du port présence sans commencement et pourtant présence en suspens de blanc et pourtant cette remontée des pigments du port ces filets ennuagés sur les bateaux des petits métiers ces filets qui laissent apparaître les passages de l’ancienne lumière et pourtant cette présence épurée du port à l’écart des après
Ici tout motif aboli seuls quelques duvets vestiges de la dispute des jeunes mouettes ici tout motif aboli seul l’événement de la mer énamourant les sables ici tout motif aboli seul le gémissement des coques à leurs pontons
Boutées par Mistral noir les eaux turpides du canal teignent en fade l’estuaire puis ces disparus en mer salués sur le môle par un étendard de mouettes au passage du Marinette-Guy
Aujourd’hui la nuit des temps devenue maintenant le rivage absorbe l’amas de coquillages forme sable de la communauté des météores surviennent alors ces eaux qui vitalisèrent la terre
Strophes en cours
2019-2021
Échappées aux intempéries de la nuit nimbées de petit matin là cette présence insolite des choses de la jetée maintenant l’inapparence intime de la mer puis cette élévation lombaire de l’autre vague observée jusque dans sa jouissance de vague alors à jamais le jour
Toujours hors de question la mer aujourd’hui turgescente étoilée de ses vœux oubliés la mer compagne de ce marin-pêcheur qui martèle coquillages et mollusques prisonniers de son filet la mer plénitude absolue de ce qui ne sera jamais perdu
Son espoir de poisson contrarié le goéland prend son temps
sa plongée par d’autres détournée le goéland prend son temps
son aile lentement étirée le goéland prend son temps
son bec paré pour dépecer le goéland prend son temps
son blanc à présent épuré le goéland prend son temps
son souhait désormais exaucé le goéland prend son envol
Dolente alanguie l’aube d’aujourd’hui retient les grimoires de la nuit
Seule réalité levée le cuivre de l’ancien phare incise le grisé des entrées maritimes
Là-bas offrandes profanées du delta lagunes et marinas toujours mal mariées
Encore ce matin malgré l’ennuagé mémoire inapaisée la mer et cette vague en fin de course ensevelie par son sable rêve-t-elle aux âges de la Méditerranée asséchée ? troublé par la question l’instant coule partout son affirmation
Là ouvertes cette grandeur devenue golfe cette effusion de ciel et d’eau cette plage pure de temples et de peuples là imminente cette parole affluant du large ces syllabes luisant sur le sable laissées
Toute surface abolie bleus et blancs inédits ouvrent l’instant de mer la mer son lent tempo du petit matin cette certitude qui vient cette sérénité plein jour plein jour sans écaille plein jour aileron plein jour plein jour
Entrevue depuis la jetée dernière étoile du matin résiste à la nécessité de l’aube dans le port resté obscur s’entendent les accents des embarquements les accents de ces êtres du large en course vers des sols sans bords
Acte ici conçu dans ces sables inaltérés de Terre-Neuve cours de vie ici conjugués aux élans immuables de la mer allant ici jamais contrarié par les cris du busard des roseaux entravé
Vibrée par le Mistral à demi détachée de son tronc cette écorce d’eucalyptus cédera-t-elle aux attraits de la prochaine rafale ?
À peine l’instant de la jetée saisi par ses anciens événements que mer vieillit au grisé des entrées maritimes que délassements erratiques des algues sous la dictée du ressac que vent grec présage et soupire
Paroles de mer au point zéro de toute chose matière première du premier chant kyrielles syllabiques en glissando sur peau du nourrisson note tenue par temps qui courent paroles de mer et la voyelle du goéland aimante la lumière
Ce matin les figures des nuages conjecturent la séparation des sables et du soleil approche la désunion de l’arapède et de son rocher se prépare la nacre du nautile perdra de son éclat dissociés seront les bivalves à venir et pourtant là hors du temps trouble du tréfonds cette mer aujourd’hui
L’heure des filets à lester s’est rapprochée
les chiffons décolorés repères des filets une fois placés gribouillent leur présence dans les rafales de tramontane
et leurs ombres insolites tracent d’anciens motifs sur le pont du palangrier
aux lointains des nuages dissociés confisquent la durée
Grâce de ce jour au solstice d’hiver soleil à son couchant offre la courbe rousse du Golfe du Lion
Proches à toucher de doigt Corbières et Canigou parcheminent le passage du temps grâce fugace qui enlumine la destinée sans lettres du littoral
Sans mal ce littoral et sa bonne nécessité Sans mal ces sables ensemençants Sans mal l’éphémère consistance de la mer Sans mal l’observance de cette lumière Sans mal ces fleurs du tamaris d’été validées par le vent
Tôt arrivé sur la jetée l’homme de mer touche ses filets étire les mailles déchirées examine les plaies à ramender aussitôt installé aiguille et couteau maniés le temps est remaillé
Maintenant à même cette jetée cet instant bleuté analogue aux instants d’alors instant non répété mais instant relié instant dont aucun des éclats anciens de la mer ne lui est retiré maintenant à même cette jetée ce rapt d’éternité
Un jour viendra
sur ce rivage un jour viendra porteur de ce qui n’a jamais commencé jour de joie dépouillé des dominations de la nuit
sur ce rivage seuil et sable messagers
un jour viendra
TABLE
L’infusé radical 7 Actives azeroles 35 Contre toute attente, le moment combat 73 Ce monde au nid 175 Temps titré 223 Blanches 267 Une aube sous les doigts 307 Elle entre 333 Son chant 363 Sables intouchables 391 Ici primordial 421 Vents indivisant 451 Prononcer, garder 483 Strophes aux Aresquiers 513 Par les fonds soulevés 519 La mer, presque 553 Augure du grau 581 D’emblée 617 Avènement d’un rivage 653 Strophes en cours 689
Achevé d’imprimer par Corlet Numérique 14110 Condé-sur-Noireau N°d’imprimeur 107462 Dépôt légal, septembre 2020 Imprimé en France
SANS MAL LITTORAL
Échappées aux intempéries de la nuit nimbées de petit matin là cette présence insolite des choses de la jetée maintenant l’inapparence intime de la mer puis cette élévation lombaire de l’autre vague observée jusque dans sa jouissance de vague alors à jamais le jour
Toujours hors de question la mer aujourd’hui turgescente étoilée de ses vœux oubliés la mer compagne de ce marin-pêcheur qui martèle coquillages et mollusques prisonniers de son filet la mer plénitude absolue de ce qui ne sera jamais perdu
Nos étreintes d’été tous nos sens dilatés le temps précipité dans l’or de nos corps unifiés nos étreintes d’été lèvres et souffles soulevés emportés vers l’astre d’éternité
Son espoir de poisson contrarié le goéland prend son temps sa plongée par d’autres détournée le goéland prend son temps son aile lentement étirée le goéland prend son temps son bec paré pour dépecer le goéland prend son temps son blanc à présent épuré le goéland prend son temps son souhait désormais exaucé le goéland prend son envol
Dolente alanguie l’aube d’aujourd’hui retient les grimoires de la nuit seule réalité levée le cuivre de l’ancien phare incise le grisé des entrées maritimes là-bas offrandes profanées du delta lagunes et marinas toujours mal mariées
Encore ce matin malgré l’ennuagé mémoire inapaisée la mer et cette vague en fin de course ensevelie par son sable rêve-t-elle aux âges de la Méditerranée asséchée ? troublé par la question l’instant coule partout son affirmation
Là ouvertes cette grandeur devenue golfe cette effusion de ciel et d’eau cette plage pure de temples et de peuples là imminente cette parole affluant du large ces syllabes luisant sur le sable laissées
Toute surface abolie bleus et blancs inédits ouvrent l’instant de mer la mer son lent tempo du petit matin cette certitude qui vient cette sérénité plein jour plein jour sans écaille plein jour aileron plein jour plein jour
Entrevue depuis la jetée dernière étoile du matin résiste à la nécessité de l’aube dans le port resté obscur s’entendent les accents des embarquements les accents de ces êtres du large en course vers des sols sans bord
Acte ici conçu dans ces sables inaltérés de Terre-Neuve cours de vie ici conjugués aux élans immuables de la mer allant ici jamais contrarié par les cris du busard des roseaux entravé
Vibrée par le Mistral à demi détachée de son tronc cette écorce d’eucalyptus cédera-t-elle aux attraits de la prochaine rafale ?
À peine l’instant de la jetée saisi par ses anciens évènements que mer vieillit au grisé des entrées maritimes que délassements erratiques des algues sous la dictée du ressac que vent grec présage et soupire
Paroles de mer au point zéro de toute chose matière première du premier chant kyrielles syllabiques en glissando sur peau du nourrisson note tenue par temps qui courent paroles de mer et la voyelle du goéland aimante la lumière
Ce matin les figures des nuages conjecturent la séparation des sables et du soleil approche la désunion de l’arapède et de son rocher se prépare la nacre du nautile perdra de son éclat dissociés seront les bivalves à venir et pourtant là hors du temps trouble du tréfonds cette mer aujourd’hui
L’heure des filets à lester s’est rapprochée les chiffons décolorés repères des filets une fois placés gribouillent leur présence dans les rafales de tramontane et leurs ombres insolites tracent d’anciens motifs sur le pont du palangrier aux lointains des nuages dissociés confisquent la durée
Grâce de ce jour au solstice d’hiver soleil à son couchant offre la courbe rousse du Golfe du Lion proche à toucher de doigt Corbières et Canigou parcheminent le passage du temps grâce fugace qui enlumine la destinée sans lettre du littoral
Tôt arrivé sur la jetée l’homme de mer touche ses filets étire les mailles déchirées examine les plaies à ramender aussitôt installé aiguille et couteau maniés le temps est remaillé
Maintenant à même cette jetée cet instant bleuté analogue aux instants d’alors instant non répété mais instant relié instant dont aucun des éclats anciens de la mer ne lui est retiré maintenant à même cette jetée ce rapt d’éternité
Un jour viendra sur ce rivage un jour viendra porteur de ce qui n’a jamais commencé jour de joie dépouillé des dominations de la nuit sur ce rivage seuil et sable messagers un jour viendra
Sans mal ce littoral et sa bonne nécessité sans mal ces sables ensemençant sans mal l’éphémère substance de la mer sans mal l’observance de cette lumière sans mal ces fleurs du tamaris d’été validées par le vent
Ici à même ces sables irréfutables tu sais maintenant que pour la mer désir et jouissance ne font qu’un
Ce matin les chaos de la nuit dissipés l’ordinaire désir discerné la distance à la dune dirimée soudain l’événement nécessaire de la mer
Là séparé de l’amas ce rocher noir de la jetée à demi éclairci au sel des eaux de nuit
Ligne d’univers sur ton visage qui sourit émois de ta voix arpégée par le Mistral accordent notre rencontre proche du Grand pin
Ton corps allongé tes bras relevés sous la nuque la présence profonde de ta sensualité ton sourire de bonté donnée alors se forme le dessein de notre étreinte le protocole inné de nos gestes d’amour alors commence la conception de notre union
Dans la lumière incertaine l’homme aux filets limés ne trouve pas la bonne place pour caler lui qui a pourtant traversé ravi les âges de la vie
Notre marche quai d’azur commotion cosmique de notre rencontre présence d’avant nos premiers âges incantation à portée de cœur évènement de votre voix vouée à notre vérité nos pas nous menant vers la mer qui nous attend
Adversités oubliées l’homme aux ellipses retrouve les grès de son enfance à la longue avancées dans les vents d’été à la longue vignes plantées oliviers gelés à la longue chevaux non domestiqués à la longue livres relus puis reliés
à la longue Hegel persévéré Schopenhauer délaissé à la longue dents et mâchoires fossilisées à la longue et là-bas constellée la mer continuée à la longue à la longue à la longue à la longue
Aujourd’hui vent de mer porte pluies de printemps blotties sous la jetée les mouettes se taisent aux familiers d’ici les mots se raréfient l’heure sonne assourdie au clocher de mairie sur quai sur terrasses les eaux hautes menacent dans leur chambre à l’abri les amants sont unis
Au-dehors et au-dedans l’évènement de notre rencontre qui en excède tout récit rencontre-amibe et rencontre-galaxie union dans le vent qui plisse nos paupières nos marches cœur battant dans la joie de l’instant
Sous le soleil romain la mer remuée d’affects dévoile ta pudeur puis comble du désir viennent alors à nu tes offrandes aux sables et aux sens
Venus sans y être tenus…
Venus sans y être tenus tiraillés entre tourments et extases leurs faces lissées par les rafales leurs pas guidés par l’appel de l’instant leurs voix lavées leurs cœurs exaucés les hommes des marais avancent vers la mer
Voir la constance des salicornes leur persévérance dans le tendre voir les fragiles élans des salicornes leurs agiles caprices voir l’allégresse des saladelles leurs dentelles de fidélité voir les graphies des saladelles leur cause pour le mauve puis marcher vers l’étang écouter ses secrets
À même la dune vieillie au vent faire corps faire corps avec l’ardeur des arroches en faveur du rivage faire corps avec les touffes tenaces des oyats faire corps avec ces euphorbes qui fuient vers le pur faire corps avec la peur du scarabée sur le versant sombre de la dune faire corps avec le sort des chardons bleus dévoués à l’emprise du sable faire corps avec le double de la dune deviné dans ces deux nuages dos à dos
Comme luit la châtaigne au sortir de sa bogue flamme et fauve fondus pour un amour d’automne et négation de l’art surgie d’on ne sait où la fuite d’un renard pour célébrer le roux
Dins la vièio óuliveto…
Dins la vièio óuliveto* cade pège farga pèr lis annado nous demando soun degut cade rampau negre de fru eisigis nosto douno cado fueio dins l'auro lusènto fai soun reproche à noste lume de veni palinello la vièio óuliveto en roumiéu travessado li pèiro dóu draiòu nous barrulon de-vers la mar
*Strophe traduite et dite en provençal par Emmanuel Desiles
consultable en ligne ici Le dernier quatrain a été composé sous forme d’affiche avec un graphisme de Raphaël Ségura consultable en ligne ici
Dans l’ancienne oliveraie chaque tronc forgé d’années nous demande son dû chaque rameau noirci de fruits exige notre offrande chaque feuille au vent luisant reproche à notre lumière son pâli l’ancienne oliveraie en pèlerins traversée les pierres du sentier nous roulent vers la mer
À contre-jour de la mer cet horizon séparé de ses certitudes cet horizon qui blanchit aux flammes de l’oubli à contre-jour de la mer cette abondance des sables donnée par des mains sans âge ces bois modulés des flots qui deviennent chorale à contre-jour de la mer par-dessus tout l’ardent
À ce jour invoqué les vivants du rivage viennent au rendez-vous fidèles aux pieds nus d’un culte sans histoire passé la dune et les brûlures du sable à mi-corps dans les vagues ils étalent l’étoffe du monde sur la mer cette étoffe qui maille à maille révèle son secret
À l’aube de toute chose dans ce commencement qui dicte le silence l’enfant du port s’élance à plein corps vers l’en-deçà conservé du bon secret des sables
Venue de Brasinvert la rêveuse d’aimer révèle son secret grâce aux dunes complices elle échappe à cet outre-ciel sans lumière délaissé par les hirondelles hors du temps arrivée sur la rive elle entonne ravie le chant du Vaccarès
Éveillé avec le regard du fond l’homme avance parmi les choses du bord de mer choses semblables et choses étranges accompagné par l’escorte des mouettes il rejoint ce lieu crucial où la mer sacrifie son sel pour les salins
Maintenant la matière de notre amour la rencontre déjà inscrite à l’horizon de nos évènements l’invocation de notre prophétie advenue nos serments de silence dans le sillage des ans
Au jour naissant dans une lumière d’initiation l’enfant longe la laune à la recherche des couteaux gêné par l’excès de sel le mollusque montre à l’enfant sa langue de naissance
Hui cette distance demandée en train de germer cet arrière soleil au seuil serré de l’instant cette parole mer sans énigmes ni maximes ces augures de bleu dans les glyphes de l’aube
Échappées aux intempéries de la nuit nimbées de petit matin là cette présence insolite des choses de la jetée maintenant l’inapparence intime de la mer puis cette élévation lombaire de l’autre vague observée jusque dans sa jouissance de vague alors à jamais le jour
Toujours hors de question la mer aujourd’hui turgescente étoilée de ses vœux oubliés la mer compagne de ce marin-pêcheur qui martèle coquillages et mollusques prisonniers de son filet la mer plénitude absolue de ce qui ne sera jamais perdu
Nos étreintes d’été tous nos sens dilatés le temps précipité dans l’or de nos corps unifiés nos étreintes d’été lèvres et souffles soulevés emportés vers l’astre d’éternité
Son espoir de poisson contrarié le goéland prend son temps sa plongée par d’autres détournée le goéland prend son temps son aile lentement étirée le goéland prend son temps son bec paré pour dépecer le goéland prend son temps son blanc à présent épuré le goéland prend son temps son souhait désormais exaucé le goéland prend son envol
Dolente alanguie l’aube d’aujourd’hui retient les grimoires de la nuit seule réalité levée le cuivre de l’ancien phare incise le grisé des entrées maritimes là-bas offrandes profanées du delta lagunes et marinas toujours mal mariées
Encore ce matin malgré l’ennuagé mémoire inapaisée la mer et cette vague en fin de course ensevelie par son sable rêve-t-elle aux âges de la Méditerranée asséchée ? troublé par la question l’instant coule partout son affirmation
Là ouvertes cette grandeur devenue golfe cette effusion de ciel et d’eau cette plage pure de temples et de peuples là imminente cette parole affluant du large ces syllabes luisant sur le sable laissées
Toute surface abolie bleus et blancs inédits ouvrent l’instant de mer la mer son lent tempo du petit matin cette certitude qui vient cette sérénité plein jour plein jour sans écaille plein jour aileron plein jour plein jour
Entrevue depuis la jetée dernière étoile du matin résiste à la nécessité de l’aube dans le port resté obscur s’entendent les accents des embarquements les accents de ces êtres du large en course vers des sols sans bord
Acte ici conçu dans ces sables inaltérés de Terre-Neuve cours de vie ici conjugués aux élans immuables de la mer allant ici jamais contrarié par les cris du busard des roseaux entravé
Vibrée par le Mistral à demi détachée de son tronc cette écorce d’eucalyptus cédera-t-elle aux attraits de la prochaine rafale ?
À peine l’instant de la jetée saisi par ses anciens évènements que mer vieillit au grisé des entrées maritimes que délassements erratiques des algues sous la dictée du ressac que vent grec présage et soupire
Paroles de mer au point zéro de toute chose matière première du premier chant kyrielles syllabiques en glissando sur peau du nourrisson note tenue par temps qui courent paroles de mer et la voyelle du goéland aimante la lumière
Ce matin les figures des nuages conjecturent la séparation des sables et du soleil approche la désunion de l’arapède et de son rocher se prépare la nacre du nautile perdra de son éclat dissociés seront les bivalves à venir et pourtant là hors du temps trouble du tréfonds cette mer aujourd’hui
L’heure des filets à lester s’est rapprochée les chiffons décolorés repères des filets une fois placés gribouillent leur présence dans les rafales de tramontane et leurs ombres insolites tracent d’anciens motifs sur le pont du palangrier aux lointains des nuages dissociés confisquent la durée
Grâce de ce jour au solstice d’hiver soleil à son couchant offre la courbe rousse du Golfe du Lion proche à toucher de doigt Corbières et Canigou parcheminent le passage du temps grâce fugace qui enlumine la destinée sans lettre du littoral
Tôt arrivé sur la jetée l’homme de mer touche ses filets étire les mailles déchirées examine les plaies à ramender aussitôt installé aiguille et couteau maniés le temps est remaillé
Maintenant à même cette jetée cet instant bleuté analogue aux instants d’alors instant non répété mais instant relié instant dont aucun des éclats anciens de la mer ne lui est retiré maintenant à même cette jetée ce rapt d’éternité
Un jour viendra sur ce rivage un jour viendra porteur de ce qui n’a jamais commencé jour de joie dépouillé des dominations de la nuit sur ce rivage seuil et sable messagers un jour viendra
Sans mal ce littoral et sa bonne nécessité sans mal ces sables ensemençant sans mal l’éphémère substance de la mer sans mal l’observance de cette lumière sans mal ces fleurs du tamaris d’été validées par le vent
Ici à même ces sables irréfutables tu sais maintenant que pour la mer désir et jouissance ne font qu’un
Ce matin les chaos de la nuit dissipés l’ordinaire désir discerné la distance à la dune dirimée soudain l’événement nécessaire de la mer
Là séparé de l’amas ce rocher noir de la jetée à demi éclairci au sel des eaux de nuit
Ligne d’univers sur ton visage qui sourit émois de ta voix arpégée par le Mistral accordent notre rencontre proche du Grand pin
Ton corps allongé tes bras relevés sous la nuque la présence profonde de ta sensualité ton sourire de bonté donnée alors se forme le dessein de notre étreinte le protocole inné de nos gestes d’amour alors commence la conception de notre union
Dans la lumière incertaine l’homme aux filets limés ne trouve pas la bonne place pour caler lui qui a pourtant traversé ravi les âges de la vie
Notre marche quai d’azur commotion cosmique de notre rencontre présence d’avant nos premiers âges incantation à portée de cœur évènement de votre voix vouée à notre vérité nos pas nous menant vers la mer qui nous attend
Adversités oubliées l’homme aux ellipses retrouve les grès de son enfance à la longue avancées dans les vents d’été à la longue vignes plantées oliviers gelés à la longue chevaux non domestiqués à la longue livres relus puis reliés à la longue Hegel persévéré Schopenhauer délaissé à la longue dents et mâchoires fossilisées à la longue et là-bas constellée la mer continuée à la longue à la longue à la longue à la longue
Aujourd’hui vent de mer porte pluies de printemps blotties sous la jetée les mouettes se taisent aux familiers d’ici les mots se raréfient l’heure sonne assourdie au clocher de mairie sur quai sur terrasses les eaux hautes menacent dans leur chambre à l’abri les amants sont unis
Au-dehors et au-dedans l’évènement de notre rencontre qui en excède tout récit rencontre-amibe et rencontre-galaxie union dans le vent qui plisse nos paupières nos marches cœur battant dans la joie de l’instant
Sous le soleil romain la mer remuée d’affects dévoile ta pudeur puis comble du désir viennent alors à nu tes offrandes aux sables et aux sens
Venus sans y être tenus tiraillés entre tourments et extases leurs faces lissées par les rafales leurs pas guidés par l’appel de l’instant leurs voix lavées leurs cœurs exaucés les hommes des marais avancent vers la mer
Voir la constance des salicornes leur persévérance dans le tendre voir les fragiles élans des salicornes leurs agiles caprices voir l’allégresse des saladelles leurs dentelles de fidélité voir les graphies des saladelles leur cause pour le mauve puis marcher vers l’étang écouter ses secrets
À même la dune vieillie au vent faire corps faire corps avec l’ardeur des arroches en faveur du rivage faire corps avec les touffes tenaces des oyats faire corps avec ces euphorbes qui fuient vers le pur faire corps avec la peur du scarabée sur le versant sombre de la dune faire corps avec le sort des chardons bleus dévoués à l’emprise du sable faire corps avec le double de la dune deviné dans ces deux nuages dos à dos
Comme luit la châtaigne au sortir de sa bogue flamme et fauve fondus pour un amour d’automne et négation de l’art surgie d’on ne sait où la fuite d’un renard pour célébrer le roux
Dins la vièio óuliveto* cade pège farga pèr lis annado nous demando soun degut cade rampau negre de fru eisigis nosto douno cado fueio dins l'auro lusènto fai soun reproche à noste lume de veni palinello la vièio óuliveto en roumiéu travessado li pèiro dóu draiòu nous barrulon de-vers la mar
*Strophe traduite et dite en provençal par Emmanuel Desiles www.youtube.com/watch?v=CzHZPTAVEz0&t=23s Le dernier quatrain a été composé sous forme d’affiche avec un graphisme de Raphaël Ségura https://www.editions-harmattan.fr/minisites/index.asp?no=21&rubId=503#ouliveto
Dans l’ancienne oliveraie chaque tronc forgé d’années nous demande son dû chaque rameau noirci de fruits exige notre offrande chaque feuille au vent luisant reproche à notre lumière son pâli l’ancienne oliveraie en pèlerins traversée les pierres du sentier nous roulent vers la mer
À contre-jour de la mer cet horizon séparé de ses certitudes cet horizon qui blanchit aux flammes de l’oubli à contre-jour de la mer cette abondance des sables donnée par des mains sans âge ces bois modulés des flots qui deviennent chorale à contre-jour de la mer par-dessus tout l’ardent
À ce jour invoqué les vivants du rivage viennent au rendez-vous fidèles aux pieds nus d’un culte sans histoire passé la dune et les brûlures du sable à mi-corps dans les vagues ils étalent l’étoffe du monde sur la mer cette étoffe qui maille à maille révèle son secret
À l’aube de toute chose dans ce commencement qui dicte le silence l’enfant du port s’élance à plein corps vers l’en-deçà conservé du bon secret des sables
Venue de Brasinvert la rêveuse d’aimer révèle son secret grâce aux dunes complices elle échappe à cet outre-ciel sans lumière délaissé par les hirondelles hors du temps arrivée sur la rive elle entonne ravie le chant du Vaccarès
Éveillé avec le regard du fond l’homme avance parmi les choses du bord de mer choses semblables et choses étranges accompagné par l’escorte des mouettes il rejoint ce lieu crucial où la mer sacrifie son sel pour les salins
Maintenant la matière de notre amour la rencontre déjà inscrite à l’horizon de nos évènements l’invocation de notre prophétie advenue nos serments de silence dans le sillage des ans
Au jour naissant dans une lumière d’initiation l’enfant longe la laune à la recherche des couteaux gêné par l’excès de sel le mollusque montre à l’enfant sa langue de naissance
Hui cette distance demandée en train de germer cet arrière soleil au seuil serré de l’instant cette parole mer sans énigmes ni maximes ces augures de bleu dans les glyphes de l’aube
Son visage incisé par la passe néfaste du canal le marais des Aresquiers ne cicatrise pas désormais divisé il envie les dérives et les rêves de la roubine marais des Aresquiers les femmes des sables ne t’oublient pas demain te verra intact
Là traversant le bosquet d’azeroliers qui sublime l’instant puis là aussi affilié à la lumière première des genêts et là encore surpris par l’adverbe crissant des salicornes là demeure le vivant des étangs parler de ce passage il ne le demande pas
Ces strophes ont été traduites en occitan par Jean-Marie Petit et publiées dans l’ouvrage collectif, La constellation de la Dorade au-dessus des étangs de Frontignan. Carnets des Lierles n°90/91/92, p.38-45. Humanisme et culture. Frontignan 2010. Une seconde édition a été réalisée par L’impliqué. Jacques Guigou, Strophes aux Aresquiers. Traduction en occitan par Joan-Maria Petit. L’impliqué, juin 2010; ISBN 2-906623-16-4 Marc Wetzel a mis en musique et a chanté deux strophes lors du vernissage de l’exposition-lecture au Domaine du Mas Rouge, le 7 mai 2010.
LA MER, PRESQUE
(2011 extraits)
Commencé sous le vent
à la strophe en suspend
c'est le scherzo des flots
qui donne le tempo
poursuivi grâce au vent
le verbe du ponant
éraille les reliefs
lettre inachevée
les rameaux du mûrier
arrachés par l'orage
raturent le rivage
Il se forme
ce ballant
de suffocation à invocation
il est graveur
ce ballant du cœur à l'extérieur
il dure
ce ballant de l'une à l'autre mer
ce ballant
en cercle sur le sable
ce ballant
sans aube ni crépuscule
ce ballant
ce ballant
ce ballant
Au sortir de la plongée
le blanc du goéland
échappe à l'ordre des choses
Égaré par sa longue veille
la veuve du pêcheur
échappe à l'ordre des choses Sur le point de se défaire